La Suède sauvage de Bruno Liljefors


Bruno Liljefors a consacré l’essentiel de son œuvre aux animaux sauvages observés dans leur environnement naturel. Célèbre dans son pays, la Suède, il est inconnu en France. Au Petit Palais, une centaine d’œuvres, peintures, dessins et photographies retracent la carrière de cette grande figue de la peinture animalière de la fin du XIXe et du début du XXe siècle.

Bruno Liljefors a grandi à Uppsala, une ville au nord de Stockholm, entourée de vastes étendues sauvages. L’enfant est de santé fragile. Ses parents l’incitent à passer un maximun de temps à l’extérieur pour fortifier son corps et à multiplier les exercices et épreuves d’endurance. Il devient gymnaste et acrobate ce qui lui permet de grimper dans les arbres, parfois à des hauteurs vertigineuses, pour y faire des affûts au plus près des oiseaux nicheurs. Mais il a l’âme naturaliste et sait rester immobile et silencieux pour se faire oublier et ne pas déranger. Il est ainsi en mesure de visualiser les moindres détails de la vie des animaux au quotidien. Armé de crayons et de carnets de croquis, il immortalise ce qu’il observe. J’ai adoré !

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La longue route de Bernard Moitessier

C’est un livre mythique, un de ceux dont la lecture marque et transforme. Lorsqu’en 1968, le Sunday Times organise la première course en solitaire, sans escale, sans aide extérieure, ni ravitaillement, en doublant les trois caps – Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn, ils sont neuf à se présenter au départ, dont Bernard Moitessier. Après avoir presque bouclé son tour du monde, il choisit de ne pas rentrer en Europe où il avait de grandes chances de terminer en vainqueur, et poursuit sa route. C’est, à l’époque, le plus long voyage en solitaire – 37 455 milles sans toucher terre – dix mois seul entre mer et ciel, avec les dauphins, les poissons volants, les oiseaux et les étoiles.

Dix mois face à l’essentiel, soi-même, sans miroir complaisant, dix mois à ressentir la mer, séduisante et paisible, furieuse et impitoyable, dix mois à vivre la frugalité dans son corps. Comment après tout ça revenir dans l’imposture de la société de consommation irrespectueuse du vivant ? « Le grand bateau est loin devant. Il n’a pas encore gagné cette course, mais si nous ne tenons pas le bord suicide, il la gagnera, c’est réglé d’avance. Et lorsqu’il l’aura gagner la planète sautera. Ou bien l’homme sera devenu un robot décérébré. Ou encore, ce sera les deux à la fois : l’homme robot téléguidé pullulera sur la Terre, et ensuite notre planète s’en débarrassera comme on se débarrasse de la vermine. (…) Et tout le cycle sera à recommencer, le Monstre aura gagné, l’humanité aura perdu. » Bernard Moitessier choisit donc de poursuivre. « La terre s’éloigne. Et maintenant c’est une histoire entre Joshua (son bateau) et moi, entre moi et le ciel, une belle histoire à nous tout seul, une grande histoire d’amour qui ne regarde plus les autres. »

Voilà pour l’histoire car le livre, c’est aussi un hommage à la beauté et un hymne au vivant. Bernard Moitessier parle certes de technique mais les non navigateurs, comme moi, n’en sont pas gênés. L’écriture est si belle, si vraie, si poétique. C’est un enchantement. Cette réédition est illustrée par de nombreuses photos car tout au long de sa course, Moitessier était aussi en mission pour le Sunday Times qui lui avait confié de la pellicule. Il a photographié et filmé notamment les oiseaux et mammifères marins. Il y a aussi des images avec son épouse Françoise, ses amis, durant la préparation… Et comble de raffinement pour ce très beau livre : c’est une vraie photo de Bernard sur son bateau Joshua qui est, non pas imprimée, mais collée sur la couverture.

La longue route – Seul entre mers et ciels de Bernard Moitessier, éditions Paulsen, 304 pages, 35 € – www.editionspaulsen.com

Le capitaine Paul Watson est libre

C’est avec soulagement et beaucoup de joie que j’ai appris la libération par la justice danoise de Paul Watson. Emprisonné au Groenland depuis cinq mois, le fondateur de l’ONG Sea Shepherd était menacé d’extradition au Japon pour ses actions contre des navires baleiniers. Il va pouvoir rentrer en France, où sa famille est installée.

Le capitaine Paul Watson est un héros international de la protection des océans. Il est mondialement connu par ses actions contre la chasse illégale des baleines, des requins, des bébés phoque et des thons rouges. Entre autres exploits, il a coulé la moitié de la flotte baleinière islandaise, éperonné et détruit des navires de pêche illégale dans le monde entier. C’est parce qu’il a empêché le Japon de pêcher la baleine dans le sanctuaire de l’Antarctique où il a sauvé 6000 baleines qu’il a été mis sur la liste rouge d’Interpol, pour «.conspiration d’abordage ». Ce mandat d’arrêt international émis par les autorités nippones court, hélas, toujours.

Paul Watson n’est pas un flibustier hâbleur mais un être doux et calme. En 40 années, il n’a jamais fait de victime, ce qui n’empêche pas ses détracteurs de le considérer comme un abominable terroriste. L’homme n’a que faire de ce qu’on pense de lui, uniquement préoccupé par l’avenir des océans. Il incarne la détermination tranquille : ne jamais rien lâcher ! Et il agit. Les résultats sont là : des massacres et des trafics illégaux ont été arrêtés et des millions d’animaux ont eu la vie sauve grâce à sa ténacité. Merci Capitaine !

Pour en savoir plus : seashepherd.fr

Gueule de bois

Je venais juste de terminer La longue route de Bernard Moitessier lorsque j’ai découvert, hier matin, que Trump a gagné l’élection américaine. Le contraste entre ce livre lumineux et l’état du monde était si intense que je suis restée tétanisée. Il y a eu beaucoup de commentaires, je ne vais pas en rajouter mais je partage ceux qui interrogent au-delà des États-Unis. Je suis effrayée par la montée du populisme sur l’ensemble de la planète et l’inconséquence environnementale et sociale  des gouvernants.

Quelques phrases de Moitessier :
« La destruction continue. Avec des papiers en règle. C’est ça leur force : les papiers. La Loi. Le Droit. Le Droit de tout saccager. »
(…)
« Je n’en peux plus des faux dieux de l’Occident toujours à l’affût comme des araignées, qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. Et je porte plainte contre le Monde Moderne, c’est lui, le Monstre. Il détruit notre terre, il piétine l’âme des hommes. »
(…)
« L’homme sera devenu un robot décérébré. Ou encore, ce sera les deux à la fois : l’homme robot téléguidé pullulera sur la Terre, et ensuite notre planète s’en débarrassera comme on se débarrasse de la vermine. Il restera quelques lamas au Tibet, quelques rescapés sur les montagnes et sur la mer, peut-être. Et tout le cycle sera à recommencer, le Monstre aura gagné, l’humanité aura perdu.
À moins que nous comprenions à temps où se trouve notre dernière chance, la dernière porte encore entrouverte en notre époque d’engins nucléaires et de pourriture généralisée, corps et âme. »

Nous en sommes là. Ce livre dont je vous reparlerai bientôt a été publié en 1971. Bernard Moitessier est mort en 1994. Que dirait-il aujourd’hui ? Il n’a pas connu la puissance des réseaux sociaux, la nuisance de l’IA aux mains des manipulateurs, pourtant, il avait pressenti  ces « humains téléguidés » que beaucoup d’entre nous sont devenus.

Mon ami Lionel Delevingne, photographe franco-américain, a résumé la situation sur sa page instagram : un carré noir avec pour légende : « Darkness is with us ». Que dire de plus ?