Ella Maillart, oui bien sûr, je connaissais un peu. Et puis, je suis arrivée à Chandolin, un village valaisin situé dans le Val d’Anniviers, « inondé de soleil et de silence, au sommet d’une épaule de montagne encadrée de mélèzes. » Une merveille à 2000 mètres avec des toits de Lauze et tout au fond, le Cervin. Une ancienne chapelle est dédiée à la voyageuse. Un espace sans gardien, ouvert à tous, libre, avec des souvenirs, photos et objets, et puis, au premier étage, des photos prises par Ella et… une vidéo, une interview d’elle en 1984. Une heure mais qui a duré cinq minutes ! Elle avait 81 ans alors mais cette énergie, cette intelligence pétillante, cette façon d’aller à l’essentiel tout en modestie, cet humour… Je suis sortie de là, rêveuse, et en même temps rechargée. Sacrée bonne femme !
Ella Maillart explique avec humour sa désespérance de jeune fille, puis de jeune femme qui veut savoir pourquoi elle est sur terre. Avec son amie Miette, elle connaît la jeunesse dorée du bord du lac de Genève: bateau en été, neige en hiver mais, pourtant « excepté quand j’étais en mer ou quand je faisais du ski, je me sentais perdue, je ne vivais qu’à moitié. Tout ce que je voyais, tous ce que je lisais, me déprimait. »
En attendant une hypothétique réponse, elle se surpasse. Championne de voile, championne de ski, voyageuse téméraire… Elle exerce aussi différents métiers : dactylo, voyageur de commerce, modèle du sculpteur Raymond Delamare à Paris, actrice au Studio d’art dramatique à Genève. Elle part à Moscou puis dans le Caucase, au Turkestan, au T’ien Shan, les Monts célestes, la Chine interdite… Après la déclaration de la deuxième guerre mondiale, une question devient obsédante: pourquoi l’Europe n’est-elle pas heureuse?
En 1939, Ella Maillart est en Inde. Elle s’installe au sud de Madras, auprès de Ramana Maharishi, un sage « libéré vivant » selon l’expression indienne. Elle suit également l’enseignement du sage Atmananda (Krishna Menon) au Kérala. « J’étais au début d’un voyage tout nouveau qui devait me conduire plus avant vers la vie complète et harmonieuse que je cherchais instinctivement. Pour entreprendre ce voyage, il me fallait apprendre d’abord à connaître les ‘terres inconnues’ de mon propre esprit », ce fameux « connais-toi toi-même » si cher à Socrate. Auprès de ces maîtres non chrétiens, elle comprend enfin le sens profond de la parole de Jésus. Celle qui avait affirmé au Père Teilhard de Chardin qu’elle ne croyait en rien, a découvert l’esprit, ce point d’ancrage que tout être vivant a en lui et qui l’irradie.
Ella revient après la guerre et découvre Chandolin en 1946. Il n’existe pas encore de route. Pour venir de Genève, cela devait être toute une expédition mais cette difficulté d’accès lui donnait sans doute l’impression d’être au bout du monde, dans un temps arrêté de paix. Désormais, jusqu’à sa mort, elle est là, « de la dernière à la première neige.» Elle sait maintenant que l’Occident court derrière un leurre, celui du matérialisme.
Ella s’est éteinte en 1997. Durant la décennie qui suit, l’impasse de la consommation est devenu une évidence mais qui, aujourd’hui, envisage d’y renoncer. En visionnaire, elle avait compris que, vivre autrement, ce n’est pas retourner en arrière ni renoncer à certains acquis comme l’électricité ou les moyens de transports modernes, mais au contraire, c’est aller de l’avant, loin de l’artifice, du toujours plus ou du moi d’abord. Lorsqu’on a découvert l’essence de son être, toujours ce connais-toi toi même, – certain appelle cela la sagesse – l’ego laisse la place à l’esprit. Alors, cette part fixe de nous-même est à l’œuvre et, cette paix intérieure, conquête de tous les sages, est la garantie d’un bonheur immuable.
En 1948, Ella Maillart décide de faire construire un chalet juste au-dessus du village. Elle le baptise Atchala, en mémoire d’Arunatchala, la colline sacrée qui dominait l’ashram du Maharishi où elle a passé 4 ans. Le mot sanscrit veut dire colline, montagne mais avec une notion d’espace éternel.
Les propriétaires actuels de Atchala connaissaient Ella. Ils s’étaient engagés auprès d’elle à continuer de faire vivre la maison tout l’été. Ils m’ont convié à entrer. J’étais encore pleine de ses paroles, portée par une belle énergie et cette invitation m’a semblé être « sa » bénédiction, « son » cadeau.
Ensuite, j’ai retrouvé mes amis, Claudia Gamperlé, l’écrivain, et Jean-Marc Heim, le chorégraphe qui m’avaient précédé au nouveau village – Chandolin est devenu une station de ski – tandis que je m’attardais à prendre des photos et était invitée à découvrir « Atchala ». Nous sommes allés rejoindre la cabane (le refuge) où nous devions passer la nuit, ouverte spécialement pour nous, non pas par passe-droit, mais par simple gentillesse de la famille Dos Santos qui la gère. Après une petite demie heure de grimpette, on s’est installé, juste le temps de l’apéro, pour profiter des derniers rayons du soleil. Ella est venue nous rejoindre. Si, si… Nous avions tous les trois été tellement impressionnés par sa force tranquille que ses mots nous ont accompagnés toute la soirée. Oui, c’était vraiment une belle rencontre!
Pour se rendre à Chandolin, train jusqu’à Sion puis bus postal.
Dormir: cabane de l’Illhorn – en plus on y mange très bien!
Tél.: 027 475 11 78
Renseignements: Office de tourisme de Chandolin, tél.: 027 475 18 38
En savoir plus: www.ellamaillart.ch
09/09/2008 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte ou des photos est soumise à autorisation
Je découvre votre blog en me renseignant sur Ella Maillart. Merci pour votre texte et les photos !
J’ai rencontré Ella, chez elle, sans rien connaître d’elle! Nous étions six, des vendangeurs au repos qui avions lu un article sur sa présence à Chandolin, en buvant un chocolat chaud, au bistrot de Vissoie. Un petite article qui disait qu’elle aimait tellement la nature et les animaux! Ce fut assez pour nous décider, spontanément, à aller à sa rencontre! Sans attente, sans préjugé. A la bonne franquette! Elle se crut envahie par une bande de paparazis et son accueil ne fut guère chaleureux, au départ… Puis nous lui avons ouvert notre coeur et nous lui avons chanté un chant à quatre voix… Alors, elle aussi, nous a ouvert son coeur et a partagé de la nourriture terrestre et spirituelle, la Belle! Merci Ella! En souvenir d’octobre 1996, je crois!
Bravo Danièle pour votre blog « A la rencontre d’Ella Maillart ». Le 14-06-2017 à Genève, j’ai assisté à la 1ère du film LES VOYAGES EXTRAORDINAIRES D’ELLA MAILLART ; mais pas seulement, car depuis gamin (en 1946) j’ai entendu des interviews d’Ella à la radio Suisse Romande ; l’ultime je crois fut en 1980. Ensuite de 1991 à 1995 j’ai lu plusieurs de ses livres en Nouvelle Calédonie. Plus tard, le 25-03-1997 suis entré en Chine. 2 jours après Ella décéda à Chandolin, alors que je m’engageais sur ses traces, le long de la Route de la Soie. Cordialement Gaby
Bonjour,
Fasciné également par cette grande dame ! Mon bateau, un voiler de voyage, s’appelle ELLA…
Bonjour,
Je suis à la recherche d’épreuve ou de médailles sur lesquelles figurent le portrait d’Ella Maillart modèle du sclupteur Raymond Henri Delamare (Paris)
également des renseignements sur sa « soeur » à Boukara.
Cordialement
G.BOUCHET
Depuis 1983 j’ai vu à APOSTROPHES de Bernard Pivot et lue tous ces livres et procurer ces entretiens de PAUL SIEGRIST de 1973 et le CD d’extraits à la radio Suisse Romande de 1945 à1993 ED: ZOE
TRÈS BEAU LIVRET POUR CONNAÎTRE OU RE DÉCOUVRIR CETTE GRANDE EXPLORATRICE DES ÂMES ET DES GRANDS ESPACES…Merci pour votre site à sa mémoire! je pars sur ses traces à Chandolin début Août avec mon sac à dos et des découvertes à partager au retour avec vous qui l’admirez et honorez sa mémoire de femme debout et LIBRE!!! un exemple nous guide… Cordiales pensées » d’une âme nature » et semelles aux vent!!! Bel été à toutes et tous! A bientôt!
La documentation de la « Ti.Puss » est fantastique!!!
Maintenant je suis très intéressée de lire les autre livre de Ella, très étonnante Lady.
Je vois le même caractère que chez Alexandra David Neel.
Des salutation de Alie Schacht, je vis en Suède du Sud.
Bonjour,
Je suis tombée tout à fait par hasard sur votre site car Ella Maillart m’a toujours fascinée. Sa vie, ses recherches sont l’esprit d’une immense liberté. Une femme incroyablement libre. Vous résumez très bien Ella Maillart et Chandolin. Bravo