Fabrice Nicolino écrit une lettre sur la bouffe industrielle à une petiote de 3 ans

Quand Fabrice Nicolino s’adresse à une poussinette de 3 ans qui ne sait pas encore lire pour lui raconter « l’abominable histoire de la bouffe industrielle » cela donne un ouvrage plein de verve et très documenté qui devrait convaincre les plus sceptiques. Cette petiote qui pourrait être leur fille ou petite fille a reçu en héritage le lourd fardeau de l’inconséquence de ces quelques boulimiques d’argent qui s’en mettent plein les poches et qui n’en n’ont jamais assez. Certes, pour pouvoir comprendre, il lui « faudra manger beaucoup de soupe, en priant le Bon Dieu et ses saints qu’elle ne soit pas farcies aux pesticides et aux perturbateurs endocriniens. »

☞ Que mangent les pygmées s’interrogent en début d’ouvrage Fabrice et son ami François Couplan ? L’alimentation de ces chasseurs réputés est à 70% à base de végétaux. Et les Buschmen du Kalahari à 80 %. Probable qu’il en était de même pour l’homme des cavernes. Aujourd’hui « 12 plantes seulement assurent les repas de base des trois quarts de la population de la Terre. » Oui, vous avez bien lu, 12 seulement ! Comment en est-on arrivé là ? C’est le sujet de ce livre en forme de longue lettre.

Tout commence avec le désir légitime de conserver les aliments. En 1802, Nicolas Appert invente la stérilisation. Le contenant sera en verre jusqu’à l’apparition des premières boîtes de conserve en métal. La conservation par le froid fait également son chemin et les premiers frigos apparaissent à la fin du XIXème. Ces bonnes inventions vont toutefois permettre le développement de l’industrie agroalimentaire. La suite on la connaît. L’auteur nous parle des abattoirs de Chicago, de l’industrie chimique (Bayer, Monsanto, BASF, IG Farben…) qui fournit les conservateurs, exhausteurs de goût, édulcorants, émulsifiants, etc. en même temps que les pesticides pour faire pousser céréales et légumes. Fabrice Nicolino explique également certaines grandes stratégies commerciales des groupes qui affirment agir toujours pour le bienfait de l’humanité. Exemple, Nestlé et la commercialisation du lait en poudre qui permet « une bonne croissance des bébés », leur croisade dans les pays du Sud où la mortalité infantile est importante alors qu’il est démontré que rien ne vaut le lait maternel pour développer les défenses immunitaires des petits. Les mensonges, les faux fuyants, les conflits d’intérêt, Fabrice Nicolino n’épargne rien, avec sa verve habituelle. « Ma petite mère, rions ensemble tant qu’on peut encore ! »

Le dernier chapitre intitulé « Et pourtant, il y a une autre voie » est un triple hommage à Nicolaï Vavilov, ce russe qui au début du XXème siècle a rassemblé une incroyable collection de semences à travers le monde. Miraculeusement préservée, elle constitue à ce jour une immense réserve génétique. Vient ensuite Vandana Shiva, cette indienne qui lutte contre les OGM et pour les semences paysannes et enfin, l’italien Carlo Petrini à l’origine du mouvement slow food. Fabrice Nicolino termine sur « Indigenous Peoples’ Food System », une étude de la FAO publiée en 2009. En douze chapitres, les auteurs passent en revue les systèmes alimentaires des peuples autochtones de la planète. Tous ont une nourriture très variée comprenant de très nombreuses espèces tant sur le plan animal que sur le plan végétal et tous sont en bien meilleure santé que les occidentaux. A nous de tirer la conclusion.

Je vous invite à diffuser le plus possible cette longue lettre qui se lit d’une traite et même à la glisser dans la hotte du Père Noël. En ces moments de débordements de bouffe souvent industrielle, ce serait un beau pied de nez à l’inconscience de notre société.

☞ Lettre à une petiote sur l’abominable histoire de la bouffe industrielle, les Échappés, 144 pages, 13,90 € –  www.lesechappes.com

☞ voir Planète sans visa, le blog de Fabrice Nicolino


09/11/2017 © Danièle Boone