Poser cette question au moment même où sur les tables s’étalent huîtres, saumons, boudins blancs, foie gras, oies rôties et autres poulardes farcies, n’est pas de la provocation mais une invitation à réfléchir, une invitation aussi à plus de sobriété dans ce temps d’hyper consommation qui vide les porte-monnaies mais ne remplit personne de bonheur. La satisfaction est éphémère, à peine savourée. Dès qu’un objet est acquis , on pense à cet autre qu’on désire déjà. De fait, Faut-il être végétarien pour la santé et la planète? est le titre d’un livre de Claude Aubert et de Nicolas Le Berre paru aux éditions Terre Vivante. Les auteurs ne posent pas une question de philosophes mais de scientifiques. Le premier est ingénieur agronome, pionnier de l’agriculture biologique et le second, médecin homéopathe et acupuncteur.
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☞ Claude Aubert et Nicolas Le Berre retracent la spectaculaire évolution de notre alimentation. Au début du XXème siècle, elle représente 60 à 70 % des ressources d’une famille contre 33% en 1960 et seulement 15% aujourd’hui. D’abord essentiellement basées sur les céréales et autres féculents, les produits animaux n’étaient qu’un appoint. Mais, dans les milieux aisés, « le repas à quatre temps (hors d’œuvre, plat de résistance, fromage et dessert) est déjà symbole de réussite avec la présence de produits animaux au quotidien et la blancheur des céréales raffinées. » De 1950 à nos jours, une véritable révolution bouleverse notre alimentation dans nos assiettes et dans nos têtes. Cette révolution a été possible par la conjonction d’une volonté politique et d’une évolution technologique impressionnante tant sur le plan de la production que sur celui de la distribution.
« Nous n’en avons pas assez conscience. Pourtant le langage courant en rend compte: en 1900 on gagne son pain avec son travail, vers 1950, on fait son beurre, vers 70-80 on défend son bifteck, en 2000, il n’y a plus de référence à l’alimentation, on gagne tout simplement de l’argent, ou des « tunes ». L’aliment ne compte plus en tant que repère de base tant la pléthore organisée l’a banalisé et quelque part désacralisé. L’aliment n’est plus un don de la terre, une chance, un cadeau, parfois durement acquis. Ce n’est plus qu’un simple objet de consommation évalué pour le plaisir procuré, son faible coût et le peu de temps consacré à le préparer. » L’envers du miroir, c’est qu’avec le tout industriel, le consommateur ne sait plus ce qu’il mange et comment sont faits les plats qu’il ingère. Les récents scandales alimentaires et les nombreux documentaires diffusés à la télévision ouvrent certes les consciences mais pas encore suffisamment pour que la majorité refuse cette malbouffe généralisée.
« Un tiers de l’effet de serre et 35 à 40 % des cancers sont dans notre assiette, » résument Claude Aubert et Nicolas Le Berre. Pourtant leur réponse est, contre toute attente, négative. Non, il ne faut pas être totalement végétarien. La viande de bonne qualité consommée modérément peut être bénéfice pour notre santé mais aussi pour la planète. Imaginez demain, tout le monde devient végétarien. L’élevage disparaît. Oui mais les bêtes font leur part de boulot non négligeable pour un environnement de qualité. Comment ? Et bien, par exemple, en pâturant. Elles entretiennent ainsi les milieux naturels. Mais, évidemment, la viande des vaches des élevages intensifs, qui ne sortent jamais et sont nourries de tourteaux de soja OGM en provenance du Brésil, est à proscrire. Ces pauvres bêtes apportent en plus, des quantités de méthane qui contribuent au réchauffement de la planète, car, si mal nourries, elles ont des problèmes de digestions. Et oui, leurs sœurs élevées en plein air dans des prairies de préférence non artificialisées ne rotent pas autant ! La réponse est donc claire : ne devenons pas végétariens mais consommons nettement moins de viande et choisissons la en provenance d’animaux correctement élevés. Ainsi, nous gagnerons sur les deux plans : notre santé et celle de la planète.
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La position de Georges Chapouthier, éminent biologiste et philosophe, rejoint celle de ces deux auteurs alors que ces chercheurs travaillent dans des sphères très différentes. A la fin de Le chercheur et la souris, ouvrage paru aux éditions du CNRS, Françoise Tristani-Potteaux lui pose la question du végétarisme. « C’est un sujet plus compliqué qu’il n’y paraît, répond Georges Chapouthier. Il est clair que l’homme n’est pas fondamentalement végétarien. Il est, comme le porc, « omnivore », c’est à dire apte à consommer une grande variété d’aliments, y compris des aliments carnés, ainsi qu’en témoigne sa dentition et sa physiologie digestive. » Il souligne aussi que « Même chez ceux des êtres humains qui se préoccupent du bien-être des animaux, les controverses persistent dans ce domaine entre ceux qui, comme Dominique Lestel, considèrent que l’homme n’a pas de raison d’abandonner sa nature biologique partiellement carnivore, ceux qui, comme Élisabeth de Fontenay ne veulent pas, en devenant végétariens, se couper de la vie sociale, qui reste largement « carnée », les végétariens ou les végétaliens militants, et ceux qui adoptent une position de « compromis », en limitant par exemple, leur consommation de protéines animales aux poissons. »
Ainsi, Chapouthier ne tranche pas mais l’ardent défenseur des droits de l’animal plaide pour un programme « minimum », « que si l’on élève des animaux pour les consommer, cet élevage se fasse de manière moralement décente. » Le chercheur note que, en effet, « l’alimentation carnée de masse a amené à la réduction drastique des élevages traditionnels fermiers au profit d’élevage industriels massifs, où les animaux, de leur naissance à leur abattage, sont traités de manière particulièrement abominable. » Et il ajoute « Les élevages industriels sont, sur le plan moral, une honte pour notre espèce. Si l’homme se targue d’avoir une morale, il devrait non seulement supprimer les atrocités qu’il est capable de commettre dans sa propre espèce, comme les guerres, tortures et autres abominations, mais aussi supprimer l’horreur du traitement qu’il inflige aux animaux de consommation dans les élevages industriels, ainsi que lors de leur transport ou lors de leur abattage. »
Curieusement, aujourd’hui tout le monde semble d’accord : nous mangeons trop de viande, ce qui contribue au développement de nombreuses pathologies, comme l’obésité, les maladies cardiovasculaires, certains cancers comme celui du colon, lié à l’insuffisance de fibres alimentaires, mais peu de personnes agissent. Manger beaucoup de viande a aussi des conséquences au niveau de la répartition des richesses. « Les circuits commerciaux internationaux importent des protéines végétales des pays du Tiers-monde pour nourrir notre bétail, souligne encore Georges Chapouthier. Ce qui fait que l’alimentation carnée des pays riches est corollaire d’une insuffisance alimentaire dans les pays pauvres. De nombreux organismes humanitaires, qui ne s’intéressent pas spécialement au bien-être animal, ont aussi fait ce constat. (…) Il est clair que la réduction de la consommation carnée des pays riches aurait un impact très salutaire sur la faim dans les pays pauvres. »
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Une réduction conséquente de la consommation carnée serait donc, de toute évidence, très bénéfique pour notre santé et la planète. Beaucoup de gens consomment encore de la viande une fois par jour voire deux alors qu’une ou deux fois par semaine suffirait largement. Oui mais Comment manger moins de viande? C’est le titre d’un autre petit livre paru aux éditions La Plage comme quoi, le sujet est vraiment dans l’air du temps. Le docteur Jérôme Bernard-Pellet, l’un des deux auteurs, affirme d’emblée : « il n’y a aucun inconvénient à manger moins ou pas de viande ». Il met à mal bien des idées reçues notamment sur les carences que pourraient provoquer le végétarisme. Il pointe aussi sur le fait que les personnes qui souhaitent passer à l’acte commettent souvent les mêmes erreurs : surconsommation d’œufs et de produits laitiers en pensant pallier ainsi à un éventuel risques de carences en protéines. En fait, la clef de la réussite est de savoir équilibrer ses menus, et c’est ce que nous apprend ce précieux petit livre, notamment en consommant des légumes, des fruits entiers, des fruits oléagineux, des légumineuses et des céréales, ces dernières n’étant pas forcément à consommer ensembles, mais sur la journée.
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Toutes les questions que se posent les non-végétariens sont abordées : Est-il vrai que les protéines animales sont de meilleure qualité ? Où trouver le fer ? Doit-on craindre des carences en certains nutriments ? Quid des vitamines B12 et D, du calcium, des omégas-3 ? Viennent ensuite des menus et des recettes de Garance Leureux, auteur du best-seller Ma cuisine végétarienne pour tous les jours. On y découvre la richesse et la variété des protéines végétales. Pour chaque aliment (lentilles, haricots secs, tofu, boulghour, quinoa…), elle donne des conseils de cuisson, explique ce qu’ils apportent et comment les préparer. Bref, ce petit livre est un véritable visa pour commencer un régime alimentaire plus végétal et plus équilibré.
Vous découvrirez vite, comme moi, que la cuisine végétarienne est délicieuse. De fait, je l’ai adopté en 1980 après avoir été soignée par Daniel Kieffer, un jeune naturopathe devenu depuis le créateur et directeur du Collège européen de naturopathie traditionnelle holistique (Cenatho). Toujours souffreteuse avant, j’ai retrouvé une bonne santé. Après avoir été végétarienne pendant trois ans, j’ai de nouveau mangé de la viande pour les raisons sociales évoquées par Elisabeth de Fontenay. Très vite, j’ai fait le choix de la viande bio. La faible quantité m’a toujours permis de compenser le coût plus élevé. Lorsque je vivais à Paris, je me fournissais chez un boucher qui travaillait directement avec les éleveurs. Maintenant que je suis à la campagne, j’achète à la ferme bio, ce qui me permet, de plus, de m’assurer par moi-même du bon traitement des animaux. Après plus de trente ans, ma consommation carnée reste très modeste et ma santé excellente.
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Côté cuisine, les éditions La Plage ne publient que des livres de recettes végétariennes. Impossible de vous conseiller un ouvrage, je suis fan, je les aime tous et je complète régulièrement ma collection. Les recettes sont inventives et, au fil des livres, on va de découverte en découverte, de régal en régal, et on éprouve de moins en moins le besoin de manger de la viande. Mais, pour ceux qui débutent, il n’est pas toujours facile de cuisiner autrement car il s’agit bien de cela, une autre approche de la nourriture et de savoir la préparer. Les savoir-faire de la cuisine végétarienne de Clémence Catz est une vraie bible. On y apprend à utiliser un extracteur de jus, une mandoline ou un déshydrateur, détourner son moulin à café, torréfier les petites graines, cuire les légumineuses, faire des laits végétaux ou des légumes lactofermentés, fabriquer du tofu. On y apprend aussi à cuisiner des produits peu habituels dans la cuisine traditionnelle comme les huiles essentielles, les algues, l’agar-agar, ainsi qu’à concocter des galettes de céréales, des rillettes végétales, des mayonnaises et béchamel végétale et même à pâtisser sans beurre et sans œufs.
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A noter encore, le guide Terre Vivante de la cuisine saine et gourmande. La première phrase de l’ouvrage annonce la couleur : « La clé d’une bonne alimentation, c’est le choix et la variété de ce que nous mettons dans notre assiette, en particulier la proportion entres les aliments d’origine végétale et ceux d’origine animale.» Cet ouvrage donne des tas de conseils et d’idées pour bien se nourrir y compris avec de la viande et propose 1000 recettes concoctées par Claude Aubert, Marie Chioca, Olivier Degorge, Amandine Geers, Sylvie Hampikian et 150 cuisiniers et cuisinières abonnés du magazine Les 4 saisons du jardin bio
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En résumé, tous les livres cités:
• Faut-il être végétarien pour la santé et la planète? Claude Aubert et de Nicolas Le Berre, Éditions Terre Vivante, 2013, 14 €
• Le chercheur et la souris, Georges Chapouthier et Françoise Tristani-Potteaux, CNRS éditions, 2013, 22 €
• Comment manger moins de viande? Docteur Jérôme Bernard-Pellet et Garance Leureux, Éditions La Plage, 2013, 6,50 €
• Ma cuisine végétarienne pour tous les jours, Garance Leureux, Éditions La Plage, 7ème édition, 19,95 €
• Les savoir-faire de la cuisine végétarienne, Clémence Catz, Éditions La Plage, 2013, 24,95 €
• Le guide Terre Vivante de la cuisine saine et gourmande, collectif, Éditions Terre Vivante, 2013, 29,90 €
A noter aussi:
• Aujourd’hui, je cuisine végétarien, Claude Aubert, Amandien Geers et Olivier Degorce, Éditions Terre Vivante, 2013, 14,00 €
☞ www.laplage.fr
☞ www.terrevivante.org
☞ CNRS éditions
☞ Cenatho
A lire sur ce blog:
☞ L’appel gourmand de la forêt
☞ Châtaignes, vivement l’automne
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24/12/2013 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation