Fouine et compagnie – vous avez dit nuisibles ?

Un habitant de mon village m’a raconté,  il y a quelques jours, qu’une martre avait tué 5 de ses 7 poules Noire du Berry dont il était très fier. Sa présence au plus près de l’homme, le ramdame dans le grenier, la bavette blanche, tout ce que le bonhomme m’a raconté, signait plutôt la présence d’une fouine, petit mammifère décrit par ses ennemis comme puante, sanguinaire, coupeuse de tête… Ce monsieur n’a pas manqué de me dire qu’elle aimait le sang, un vampire dans son poulailler donc! La martre, sensiblement de la même taille arbore une bavette orangée ou jaune paille et un pelage plus brillant. Elle vit en milieu forestier. Sa truffe est noirâtre alors que celle de la fouine est plutôt rose.

☞ Récemment j’ai mené l’enquête sur la fouine pour le magazine, les quatre saisons du jardin bio. J’ai interwievé Julie Delfour, auteur d’une thèse en géographie écologie sur le partage des territoires entre les hommes et les petits carnivores dits nuisibles. Elle y constate que les chasseurs et les piégeurs d’aujourd’hui utilisent toujours les termes des bestiaires du Moyen-Âge. Même chez Buffon, grand naturaliste du XVIIIème siècle, la fouine a mauvaise presse. Ses mœurs nocturnes et son comportement furtif sont le terreau sur lequel se nourrit l’imaginaire humain. Pourtant, il n’en a pas toujours été ainsi. A l’époque des romains, elle était chargée d’éloigner rats et souris et faisait partie des animaux souvent apprivoisés. Mais, elle a été supplantée par les chats ramenés d’Orient par les Croisés.

J’ai également interwievé François Moutou, épidémiologiste et mammologiste, dont le regard se met à briller dès qu’on lui parle de fouine. Il a élevé des bébés recueillis par l’école vétérinaire de Maison-Alfort. Il raconte cet épisode rocambolesque avec plein de tendresse dans son livre, Le petit déjeuner du Tarsier. J’ai aussi rencontré Laurent Arthur conservateur du Muséum d’Histoire Naturelle de Bourges qui admire ce petit mammifère gracieux plein de vie. Ceux qui ont eu la chance de pouvoir observer des jeunes sont unanimes. Ils sont si espiègles et tellement joyeux. Ils font des bonds, poussent de petits cris aigus, partent à fond de train, amorcent un demi tour et se sautent dessus, batifolant gaiement, insouciants. Quel spectacle! Bien sûr, quand c’est juste au-dessus de votre chambre pendant que vous dormez, c’est juste insupportable. Faut les canaliser, m’a expliqué Laurent qui rêve de pouvoir un jour installer des nichoirs à fouine, là où on a besoin d’elles pour détruire les rongeurs ou les pigeons indésirables dans les bâtiments publics et les monuments par exemple.

Je ne suis pas sûre d’avoir convaincue mon quidam (en plus, pour lui, je suis une femme de la ville, donc, forcément, je ne connais rien de la « vraie » vie à la campagne!) et il doit toujours tenter de piéger sa martre à laquelle il a bien l’intention de faire la peau. Hélas, on ne peut rien faire, fouine et martre sont classées dans la liste des nuisibles avec d’autres, une ineptie totale en contradiction avec la biodiversité. De fait, ce concept n’a pas de sens en biologie car toutes ces espèces jouent un rôle utile dans les écosystèmes, en particulier ces petits carnivores qui sont des auxiliaires précieux pour l’agriculture. Parmi les autres mustélidés susceptible d’être classé sur la liste des nuisibles, ce qui donne le droit de les détruire par tous les moyens, tout au long de l’année, le putois se reconnaît facilement à son pelage sombre laissant entrevoir une bourre jaunâtre au niveau des flancs. Il s’en prendrait quelquefois aux poulaillers mais le putois qui vit dans les milieux humides est de moins en moins présent. Il est d’ailleurs protégé en Suisse et en Italie. La belette, le plus petit carnivore d’Europe, n’arrive pas à échapper à sa réputation sanguinaire relayée par La Fontaine alors que c’est une chasseresse de petits rongeurs hors pair.

La DREAL (Direction Régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) de Haute Normandie a fait une étude chiffrée très sérieuse en 2010, piéger les mustélidés coûte 105.000 euros à l’agriculture du fait de la protection indirecte des «ravageurs» des cultures et cela, pour le seul département de l’Eure. De quoi réfléchir non!


Les quatre saisons du jardin bio
Je vous renvoie à mon article pour tout savoir sur la Fouine et ses cousines, martre, belette, putois… Le dossier de ce numéro est consacré au poulailler. Bravo à la rédaction pour avoir offert de la place dans ses pages à ce petit mammifère unanimement détesté par les propriétaires de poules mais aussi super prédatrice de rongeurs qui rend de grands services.
N° 212, mai-juin 2015, 6,60 €
www.terrevivante.org


26/05/2015 © Danièle Boone