J’emprunte mon titre au canard enchaîné qui, cette semaine, raconte la surprise de Maxime Bey, le maire de Gargas (Vaucluse) qui a appris qu’une entreprise minière d’origine suédoise a acquis un permis gazier sous son village. Depuis que l’affaire a éclaté au grand jour, chaque semaine apporte des preuves de la vente scélérate de notre pays. La France est bradée pour, soi-disant, s’assurer une autonomie énergétique d’une cinquantaine d’années. Des industriels se frottent les mains devant l’eldorado qui s’ouvre à eux car il y a beaucoup d’argent en jeu, mais il n’enrichira que quelques uns. La facture pour les autres sera énorme. Non seulement les paysages si beaux, notre fierté nationale, seront irréversiblement détruits (10 à 15 puits par Km2: sur les 5000 km2 octroyé à Nant dans le sud cela donnerait de 10 à 15 000 puits) mais la vie aussi, non seulement la faune et la flore mais aussi la nôtre.
☞ Les Etats Unis se sont lancé à corps perdu dans l’exploitation des gaz de schiste. Alors on sait à quoi on doit s’attendre. Le documentaire « Gasland » disponible en DVD avec des sous titrage français est, on ne peut plus, explicite. Sa nomination dans la catégorie « Meilleur documentaire » aux prochains Oscar à Hollywood n’a pas été apprécié par l’America’s Natural Gas Alliance (ANGA). Tom Amontree, son vice-président excécutif s’est fendu de ce commentaire : « Cette nomination est particulièrement perturbante car le gaz naturel est extrait quotidiennement et en toute sécurité et représente un potentiel fantastique pour le développement du secteur des énergies propres dans notre pays » et l’industrie pétrolière américaine tente de convaincre l’Academy of Motion Picture Arts and Science de rejeter cette œuvre « pleine de fausseté« . On y découvre non seulement des paysages ravagés, mais un environnement complètement détruit. Aussi surprenant que cela puisse paraître, l’eau des robinets s’enflamme. Cela ressemble à un mauvais film de science fiction; c’est pourtant le quotidien des riverains des puits. Et si ce documentaire connaît un tel engouement aux Etats-Unis et au Canada, c’est sans aucun doute parce que le nombre de personnes concernés est considérable et que les victimes s’y retrouvent. D’ailleurs, face aux conséquences sanitaires de l’exploitation de ces gaz de schistes, la ville de New York a demandé un moratoire avec une enquête de deux ans avant la décision de poursuivre les forages dans le Massachusset car là, c’est le bassin en eau potable de la ville qui est en jeu.
Côté technique, ces gaz se trouvent à environ 2 500 mètres de profondeur, sous forme de microgouttelettes autour de pierres de schiste. Pour le récupérer, il faut faire exploser ces pierres en injectant sous très haute pression d’énormes quantités d’eau (8 à 12 000 m3 soit 4 piscines olympiques) additionnées de sable (4%) et de non moins énormes quantités de produits chimiques très toxiques. Encore une fois, le mensonge des industriels qui garantissaient qu’il n’y aurait aucun effet secondaire est avéré. L’exploitation des gaz de schiste existe également au Canada. Les rapports environnementaux dressent un bilan catastrophique : nappe phréatique contaminée, faune et flore assassinée, population obligée de déménager quand elles en ont les moyens car bien sûr plus personne ne veut acheter leur maison. De plus, l’exploitation de ce gaz bat des records en termes d’émissions à effet de serre !
Revenons chez nous. Actuellement, au moins 18 permis sont d’ores et déjà délivrés. D’autres sont en cours de validation. Et peut-être que d’autres vont apparaître au grand jour car tout cela se fait en catimini. Les zones concernées sont dispersées sur toute la France. Il y a Nant près de Millau, le fief de José Bové qui a ouvert la campagne de protestation et fait éclater ce nouveau scandale mais il y a aussi le Luberon, la plaine d’Alès, Montélimar, Nîmes, Gardane, Navacelles, les plaines du Languedoc près de Carcassonne. Le sud n’est pas le seul à être touché. Le bassin parisien notamment la région de Château-Thierry ; les Ardennes près de Charleville-Mézières, la Champagne près de Châlons-en-Champagne, le nord près de Valenciennes sont également concernés. Pas mal de permis ont été octroyés autour de Metz, le fief de Jean-Marie Pelt. Curieusement, sauf erreur de ma part, l’écologiste n’est pas encore entré en bataille.
Pourquoi tous ces permis d’exploration en vue de l’exploitation de notre sous-sol donne vraiment envie de crier au fou en plus des conséquences environnementales et humaines qui déjà, en soit sont gigantesques ? Parce que tout cela se fait entre quelques individus sans aucun respect de la démocratie. Il aura fallu quelques mois pour que cela se sache !!! Même les maires des communes concernés n’étaient pas au courant ! Corinne Lepage a décortiqué le nouveau Code minier et plus précisément l’ordonnance qui vient d’être validée pour simplifier la procédure – entendre faciliter l’exploitation du sous-sol français sans prendre les garanties qui s’imposent et répondre ainsi favorablement aux lobbying de la profession. Son parti Cap21 a donc décidé d’engager un recours devant le Conseil d’Etat.
Mais qui a signé ? Là je me permets de citer Fabrice Nicolino, l’un de nos lanceurs d’alerte très actifs qui suit l’affaire et enquête en conséquence. Officiellement, et comme il se doit, Borloo, car le texte date du 1er mars 2010, date à laquelle l’ami Jean-Louis était ministre de l’Écologie et de l’Énergie. Seulement, un ministre paraphe ce que d’autres préparent. Et en l’occurrence, ceux qui ont préparé le permis de Nant sont, comme je l’ai déjà écrit, des ingénieurs des Mines. En la circonstance, le directeur – à l’époque – de l’Énergie au ministère de l’Écologie, c’est-à-dire Pierre-Marie Abadie, ingénieur-en-chef des Mines. Un oligarque. Un parfait oligarque au temps du choléra de la démocratie. » Mais comme ajoute Nicolino, Qui est responsable ? Cela devient réellement passionnant, car la réponse est : personne. En effet, le ministre se défile, car il prépare sa candidature de 2012. Et l’ingénieur des Mines se défilera sans nul doute si on lui pose la question, car il répondra fort justement que la seule responsabilité appartient à l’autorité publique.
On ne peut passer sous silence de très étranges coïncidences soulignées notamment dans l’article du Canard enchaîné. Parmi les exploitants potentiels de ces gaz de schistes, figurent les gros comme Total, Schuepbach, GDF Suez et aussi des petits comme un certain Julien Balkany, patron d’une compagnie pétrolière et demi frère de Patrick, le maire de Neuilly et grand ami du président Sarkozy ! Quant à la soi-disant autonomie énergétique, vaut-elle la peine d’assassiner des régions entières d’autant que les prévisions parlent de réserves pour seulement cinquante ans! Nos gouvernants sont vraiment sans imagination pour l’efficacité énergétique. Il serait si simple de commencer dès maintenant à recréer les réseaux de transports en commun car lorsque nous serons en pénurie d’essence – ce que nous avons récemment eu l’occasion d’expérimenter pour cause de grève – la France sera particulièrement handicapée. En continuant à supprimer les dernières petites lignes SNCF au profit du TGV, c’est sûr, on ne vas pas dans le bon sens. Une autre excellente idée: consommer les produits locaux plutôt que de l’agneau de Nouvelle Zélande, du bœuf d’Argentine, de l’huile de palme d’Indonésie, des tomates d’Espagne ou de Hollande. L’économie de carburant serait considérable et de plus les produits, plus frais et plus goûteux. Et bien sûr, le développement des énergies renouvelables. Voilà quelques solutions possibles et facilement réalisables. En tout cas l’exploitation des gaz de schiste est assurément la plus mauvaise des réponses, celle du hochet balancé par les lobby pétroliers qui veulent faire croire que le monde de l’énergie fossile peut durer toujours. Le pire c’est que nos gouvernants leur emboîtent le pas et semblent être bien décidés à se jeter dans la course aux gisements même s’ils s’avèrent des plus risqués. L’arctique, accessible avec la fonte des glaces, va lui aussi être pillé et défiguré par… BP, responsable de l’énorme fuite du golfe du Mexique, et Rosneft, le numéro un du pétrole en Russie, réputé pour son absence totale de scrupules. Bref, c’est encore et toujours le choix du « on avance droit dans le mur » ! A pleurer!
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Regarder Gasland, le documentaire de Josh Fox disponible en DVD sous titré en français. Voir la bande annonce ☞ ici
Signer la pétition ☞ ici – près de 50 000 signataires à ce jour
Suivre l’enquête menée par Fabrice Nicolino ☞ ici
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Et surtout ne pas baisser les bras! Tout est toujours possible même les révolutions!!!
On vient de me signaler l’action des associations et des élus menée en Seine et Marne où avait commencé l’exploration (construction de la plate-forme) qui a abouti à la suspension par l’Etat de la prospection. C’est rassurant! ☞ Voir l’article paru dans Métro
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17/02/2010 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation