
Mon amie Geneviève nous a quittés le 16 juillet 2025. Elle avait tout juste 82 ans. Elle était une infatigable militante. Elle pulsait l’envie de se battre contre l’injustice et la maltraitance des animaux, de la terre et des hommes aussi. Fourmillante d’imagination, elle était toujours prête à lancer de nouvelles formes de combats mais en restant toujours dans le concret.
☞ J’ai connu Geneviève en 2016. RCF lui avait demandé si elle pouvait fédérer une équipe pour faire une émission sur l’environnement dans la Nièvre. Elle a donc organisé une réunion en invitant tout le monde associatif. Nous sommes restés à quatre et nous avons bâti «.Planète Nièvre.». C’est elle qui a trouvé le nom qui exprimait parfaitement ce que nous voulions faire : une réflexion qui nous mène du local au global et vice versa.
Le plus souvent, Geneviève et moi, arpentions ensemble la Nièvre à la rencontre de nos intervenants. Pendant que nous roulions, elle me parlait des nouveaux combats à mener, mais aussi de sa vie, son enfance, les femmes de sa famille, ses enfants et ses petits enfants. Ces derniers occupaient une grande place dans sa vie et réciproquement. À la cérémonie d’hommage, plusieurs d’entre eux ont pris la parole et ont témoigné de qui était Geneviève, cette grand mère si particulière. La naissance de son arrière petite fille, il y a deux ans l’avait remplie de bonheur. « Je suis arrière grand-mère !.» m’avait-elle confiée d’un sourire radieux. Elle était entre étonnement et émerveillement. Geneviève ne manquait pas non plus de piquant et, je dois le dire, ils nous arrivaient de nous moquer de quelques connaissances, bref de faire des ragots. Elle avait l’art de mettre en relief avec humour les contradictions d’un individu ou l’absurdité d’une situation. Ce n’était jamais méchant, seulement ironique.
Geneviève connaissait tout le milieu associatif et était toujours au courant des projets en cours, bons ou mauvais. Avec elle, nous n’étions jamais à court de sujets. Dans sa vie active, elle était professeur de français. Parfois nous rencontrions certains de ses anciens élèves. Visiblement, elle leur avait transmis un vrai héritage : une façon de penser librement. Les graines qu’elle a semées ont germées, certes différemment, avec plus ou moins d’ampleur, mais si l’un d’eux avait pris des initiatives intéressantes, elle était fière de me dire « c’est un de mes anciens élèves ».

Geneviève a créé en 1999 l’association les 3 Prés qui a pour objectif la défense de la qualité de la vie et de l’environnement. Constatant que si les produits industriels existent, c’est parce que les gens les achètent, elle voulait montrer qu’on peut faire autrement d’où la journée «Jardiner et consommer autrement » à Germigny sur Loire. Dès que nous nous sommes connues, elle m’a sollicitée pour animer des tables rondes, guider des balades naturalistes ou encore dédicacer mes livres.
Au fil des ans, une forte complicité s’est installée pour toujours. Moi je faisais la journaliste – normal, c’est mon métier – et elle, aimait faire la naïve. Elle posait alors des questions qui obligeaient finalement notre interlocuteur.trice à se dévoiler Je me souviens d’une crise de fou rire à Pouilly sur Loire. Son compagnon, soucieux de notre confort, avait insisté pour que nous prenions sa voiture mais Geneviève a eu bien du mal avec la boîte automatique et elle calait tout le temps et surtout elle n’arrivait pas à redémarrer. C’est ainsi que, pour une fois, nous sommes arrivées en retard à notre rendez-vous avec Alexandre Bain qui produit du vin naturel alors que nous étions juste à côté. Je me souviens aussi d’une escapade dans le Morvan à la rencontre des défenseurs de la forêt. Nous étions revigorée par ce beau combat qui s’exprimait concrètement par le rachat de parcelles de forêt pour les extraire d’une exploitation destructrice.
Quelquefois, très rarement, nous quittions le département. C’est ainsi que nous avons assisté à un colloque sur l’abattage à la ferme à Tracy Saint-Loup en Saône et Loire organisé par Bio Bourgogne avec l’idée de faire une émission sur l’abattoir de Corbigny : face à la menace de sa fermeture, un groupe d’éleveur proposait un nouveau modèle qui concernait toute la filière élevage. Ce sujet de la maltraitance animale nous tenait à cœur toutes les deux et nous soutenions toute amélioration. Hélas cela n’a pas abouti même si après des années et une fermeture de deux ans, l’abattoir désormais géré en SCIC doit ré-ouvrir prochainement. Dans le même ordre d’idée, nous avons fait une émission sur soigner les animaux de manière alternative : homéopathie, ostéopathie, phytothérapie. Elle avait trouver le titre « Panser autrement« . Nous avons rencontré Lucile Brochot, vétérinaire phytothérapeute, membre du GIE Zone Verte, Emmanuel Dumas, vétérinaire ostéopathe à Luzy, Jean-Paul Loisy, éleveur bio à Rouy aujourd’hui en retraite qui soignait son troupeau à l’homéopathie. Et tout cela nous passionnait tout autant l’une que l’autre.

Nous avons consacré notre dernière émission aux abeilles. Nous avons également franchi la frontière du département pour nous rendre aux « petites ruches » dans un village de l’Yonne tout proche de la Nièvre. Céline Locqueville accueille les abeilles dans son jardin en leur offrant des fleurs toute l’année et une ruche sans récolte de miel. Nous avons fait son interview sur la terrasse à côté d’une ruche où les abeilles ont choisi de s’installer et… de rester. En bruit de fond : le doux bourdonnement des abeilles en pleine activité ! En partant, Geneviève m’a dit qu’elle était très contente que ce soit le sujet de notre dernière émission – nous avions choisi d’arrêter au moment où on commençait à parler du covid et nous nous en sommes félicitées par la suite. Elle adorait les abeilles et avait été émerveillée de voir qu’on pouvait aussi les accueillir dans son jardin sans les exploiter.

Bien sûr, la fin de notre émission a distendu notre relation d’autant que mes activités se sont déplacées plutôt sur le Cher où j’habite même si mon domicile est très proche de la Nièvre. Nous prenions quelquefois un café à la Biocoop de Nevers et puis nous nous téléphonions et, jusqu’en 2024, nous avions notre rendez-vous annuel de Jardiner et consommer autrement.
Nous nous étions parlé quelques semaines avant sa mort. « Je ne peux plus promener ma chienne dans la forêt, je ne peux plus faire mon potager, je ne pourrais pas aller chercher des champignons » m’as-tu dit alors et cela m’a fendu le cœur pour toi, si libre, si indépendante. Ta disparition crée un grand vide pour moi, pour ta famille et tes amis et aussi pour la planète et tout le vivant. Geneviève, tu nous manques.
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06/08/2025 © Danièle Boone