Une semaine à Guérande entre le pays blanc, celui du sel, et le pays noir, celui de la tourbe, la Brière. A deux pas de La Baule, le Pouliguen, et le Croisic, pullulantes de monde, j’ai découvert une belle nature, paisible et sereine, particulièrement riche en oiseaux.
Fin de journée dans les marais de Batz. La lumière s’adoucit, la chaleur s’apaise. Une aigrette garzette surveille les environs… Les salines sont un milieu idéal pour l’avifaune. L’eau salée rencontre l’eau douce, créant un effet lisière favorable à la diversité des milieux. Les deux mille hectares de marais accueillent quelques trois cents espèces d’oiseaux sur l’année, sédentaires et migrateurs. En un seul matin, nous en avons observé une quarantaine, martin pêcheur, râle d’eau, ibis sacré, avocette, petit gravelot, courlis, chevalier arlequin… Sur les talus, le tapis végétal varié offre gîte et couvert à de nombreux passereaux, fauvette, tarier pâtre et… la fabuleuse gorge-bleue. Je rêvais de voir ce bel oiseau portant jupon orangé et miroir blanc sur son plastron bleu mais il ne s’est pas montré. Voilà d’ores et déjà un bon prétexte pour revenir au printemps prochain. A la saison des amours, les mâles poussent la note avec fureur perchés bien en vue sur leur poste de chant. J’aurais aimé voir aussi la panure à moustache. Ce drôle de passereau affublé d’énormes bacchantes noire, seul membre français de la famille des timalidés, niche dans les roselières de Loire-Atlantique depuis les années 1960.
Je me désolidarise un moment de mon groupe LPO pour admirer le geste apaisé d’un jeune paludier. Il récolte lentement le sel avec son las, cet outil traditionnel muni d’un long manche flexible de cinq mètres de long. Ni lavé ni additionné de produits chimiques, le sel de Guérande garde les arômes et les oligo-éléments de la mer. Les paludiers ont décroché en 1991, le label rouge qui a validé ce savoir-faire ancestral et qui a sauvé le marais. Dans les années 1970, les salines ont, en effet, bien failli disparaître: la Région nantaise avait envisagé d’assécher la moitié des marais pour bâtir une rocade et une marina! La création d’une coopérative (1988) et d’un centre d’apprentissage (1979) à la Turballe a définitivement pérennisé le métier. Mieux, depuis 1988, avec l’association Univers-Sel, les paludiers de Guérande l’enseignent aux sauniers du Bénin et de Guinée.
Absence totale de pesticide, nourriture abondante, présence familière des paludiers… les oiseaux sont au paradis. Longues jambes écarlates, voici la Zizi Jeanmaire des marais. Cette échasse blanche parcourt sereinement une vasière bordée de salicornes en quête de proies.
Ce bécasseau variable est une espèce familière des marais salants. Son long bec lui sert à capturer une grande variété de petits vers de mollusques. L’été, il améliore son ordinaire d’insectes. Peu farouche, celui-ci s’est laissé longuement admiré dans la lumière rasante de la toute fin de journée.
Aux derniers rayons du soleil, nous avons observé les élégantes sternes pierregarin. Elles allaient et venaient rapportant des petits poissons à leur progéniture avant de s’installer pour la nuit sur un ensemble de petits îlots qui leur sert de dortoir. Mais sur la photo ci-dessus, ce sont des chevaliers aboyeurs qui se détachent en ombre chinoise.
Lorsque nous n’étions pas dans les marais salants, nous étions dans la Brière, vaste dépression marécageuse située entre les estuaires de la Loire et de la Vilaine. La plus grande partie est classée parc naturel régional. Au XIXe siècle, de nombreux canaux ont été creusés afin de permettre une meilleure maîtrise des eaux dans les marais. De juin à septembre, de grandes touffes de fleurs violettes poussent au bord de l’eau. C’est la salicaire, une plante très répandue. Son nom fait référence à ses feuilles ressemblant à celle du saule. La plante fournit un colorant utilisé pour donner aux bonbons une belle couleur rouge.
Ce couple de sympétrum s’adonne aux plaisirs acrobatiques de la chair. Je l’ai croisé dans la roselière de la réserve Pierre Constant à Rozé. Cet endroit est le seul parcours avec observatoires de Brière. Hélas, même en plein été, il n’est pas accessible avant 9 heures quelquefois même 10 et ferme à 18 heures. Quel dommage!
J’y ai quand même vu, des phragmites des joncs (fauvettes des marais), des cormorans et des spatules blanches. Ces étranges oiseaux au bec aplati, aussi beaux que farouches, viennent d’Afrique pour nicher, entre autres, en Brière.
Les mûres étaient abondantes et j’ai retrouvé le goût de mon enfance ensauvagée. J’ai dévoré ces fruits des ronces avec un plaisir sans nom. Sur l’un d’eux, j’ai découvert cet insecte émeraude, une larve de punaise verte dans son dernier stade.
J’ai rencontré aussi une salamandre tachetée. Je n’en avais pas vu depuis des décennies. Signe de chance ou simple clin d’œil de la nature?
Le dernier soir, nous avons découvert Bréca, un petit village de chaumières d’où part le canal éponyme qui rejoint Rosé. La lumière était particulièrement belle. Des hirondelles rustiques faisaient des piqués pour boire. A un moment, elles se sont posées sur un arbre pour recevoir les derniers rayons du soleil. Magique.
Calme et volupté… J’ai adoré cet endroit… une alchimie singulière qui m’a apaisée. Le bonheur est fragile comme un silence. Je me suis ressourcée à la douceur de l’instant dans la contemplation du paysage, heureuse de vivre, pleine de gratitude pour ce cadeau de la vie.
Quelques soirs plus tôt, à l’autre extrémité du canal, vers Rozé, assis au bord de l’eau nous avons observé une bande d’étourneaux juvéniles ainsi qu’une poule d’eau et son poussin. La lumière devenait plus sublime de seconde en seconde lorsque, tout à coup, j’ai découvert un bihoreau gris sur l’autre rive. Nous l’avons longuement regardé. Il s’est soigneusement toiletté terminant cet acte essentiel par un bel étirement des ailes. Splendide.
Au programme de cette escapade guérandaise, il y avait aussi une journée en mer pour aller voir les oiseaux pélagiques (de la haute mer). Nous sommes donc partis du Croisic sur la Jeune Ariane, un beau voilier, mais d’oiseaux, nous ne vîmes point! Incroyable, même mouettes et goélands nous ont boudés! Vanessa Saez, notre guide LPO, était des plus navrée. La nature est ainsi. Elle fait ses cadeaux à qui est disponible quand bon lui semble. Bon, nous avons fait une belle balade et respiré du bon air iodé!
Visites:
– Guérande. Ne ratez pas cette très jolie petite ville médiévale.
– Les marais salants. Visite avec les paludiers.
– Sortie ornitho avec la LPO (Ligue de protection des oiseaux). Vanessa Saez, animatrice très compétente, partage son savoir en toute simplicité. Tél.: 02 51 10 52 14 ou 06 50 23 67 12. Mail: vanessa.saez@lpo.fr
– Parc naturel régional de Brière
Plaisir des papilles:
– Le vieux logis à Guérande. L’accueil est très agréable et la carte excellente. Lorsqu’il fait beau, service dans le jardin. Vous ne pouvez pas le rater, il est dans la rue principale, à deux pas de la porte Vannetaise.
– La godille à La Turballe. Là aussi l’accueil est excellent tout comme l’assiette. Une très bonne adresse à des prix raisonnables.
Acheter du sel:
Salines et saveurs est une jolie boutique en face la collégiale de Guérande. Vous y trouverez toutes sortes de produits artisanaux entre autre une confiture de pamplemousse à la rose fort intéressante. Mais le top, bien sûr, c’est d’aller l’acheter directement à La maison des paludiers à Saillé. Et si le cœur vous en dit, vous pourrez en profiter pour visiter le musée et tout savoir sur la tradition du sel et le métier de paludier.
Vos douces nuits:
Vous aimez la nature, vous aimerez cette chambre d’hôte en pleine forêt. En plus, l’accueil de Dominique et Jacques Legal est vraiment super sympa. Le Faon à Herbignac. Tél.: 02 40 88 94 24 – 50 € pour 2 avec petit dèj.
02/09/2009 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation
Beau travail