Regarder, la nature, les peintures des anciens, sa peinture, longuement, patiemment, tel est le B.A.BA de David Hockney. « Je me rends bien compte que la plupart des gens ne regardent pas vraiment ce qu’ils ont sous les yeux. » L’artiste peint les fleurs, les paysages qui l’entourent. Ce serait démodé lui reproche-t-on quelquefois. « Mais ce que je peins c’est la vie, rétorque l’artiste. Est-ce que la vie est démodée.? » A 83 ans, il nous donne une leçon d’être au monde, ouvert à ce qui nous entoure. Son installation en Normandie en 2019 a boosté son énergie. Quelques jours en pays d’Auge pour revoir la tapisserie de Bayeux lui ont donné l’envie de s’y installer. Un an plus tard, c’était chose faite. « Le monde est beau mais ici, il est exceptionnel ! Je vis entouré par le motif. » Explosions de couleurs, regard affûté et paysages joyeux : la créativité de David Hockney est intacte à 83 ans comme en témoignent les onze toiles exposées à la Galerie Lelong en préfiguration d’une grande exposition prévue à l’Orangerie à l’automne.
☞ La nature est un défi pictural permanent. Comment rendre l’air palpable ? Comment peindre l’intensité lumineuse, les matières, la profondeur ? La contemplation de la tapisserie de Bayeux lui a inspiré un projet de déroulement temporel : le cycle des saisons. Le printemps 2020, magnifique, a été d’une grande fertilité. Tandis que le monde est confiné, David Hockney dessine sur iPad. La réactivité de l’outil, le fait qu’on puisse le promener avec soi en tous lieux comme un carnet, la grande maîtrise que le peintre a acquis de cette technique jointe à son appétence pour son nouveau sujet lui ont permis d’accumuler des images comme jamais auparavant. Et puis, après tout ce travail d’observation, il peint dans la tradition mais à l’acrylique. Sans sortir de son jardin, il a fait surgir tout un monde : la montée de la sève, l’épanouissement des fleurs, la poussée des feuilles et leur transformation du vert tendre au vert foncé…
Ses pommiers, poiriers, cognassiers ont retenu toute son attention. Il les portraiture comme on portraiture un ami. L’arbre trône au milieu de la toile. Le ciel est fait de centaines de marques en forme de vermisseau, toutes de la même couleur bleu clair mais laissant le blanc du fond de la toile jouer entre elles. « J’ai trouvé cette solution pour faire un ciel vivant derrière le pommier, explique le peintre inspiré à la fois par Van Gogh et les impressionnistes. Je voulais que cela soit rutilant, chatoyant, resplendissant. » Et ça l’est ! Il a pour projet de portraiturer le même arbre « à l’automne quand il va perdre ses feuilles, puis en plein hiver quand il n’y aura plus que les branches et le tronc et dans une autre lumière, puis aux premiers bourgeons, et je le peindrai encore quand il sera couvert de fleurs et puis encore avec toutes ses feuilles. Ainsi nous aurons l’Année du pommier, un an de la vie d’un pommier, avec le sens du temps qui passe, comme dans la tapisserie de Bayeux. » Pour faire un arbre à un nouveau stade, le peintre reprend sur son iPad la structure de l’arbre nu de la version d’hiver et lui ajoute fleurs ou feuilles. Ainsi le changement, le passage du temps se voit d’autant mieux que le même arbre est vu du même endroit, à la même échelle. L’incroyable énergie et la joie de vivre qui jaillissent de ces dernières œuvres sont un vrai baume dans cette période difficile du monde. Merci monsieur Hockney !
Galerie Lelong & Co jusqu’au 28 février.
13, rue de Téhéran 75008 Paris. Tél.: 01 45 63 13 19
www.galerie-lelong.com
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14 février 2021 © Danièle Boone