Voilà revenu le temps du jardin. A chaque printemps, c’est un nouveau défi pour le jardinier. Comment faire, que changer pour que les récoltes soient meilleures. En quelques années, la permaculture s’est imposée à tous ceux qui cherchent une approche différente, moins dépendante du pétrole, plus résiliente pour l’environnement. Et le plus souvent cette méthode donne des résultats étonnants même sur de petites parcelles.
☞ Lorsqu’on arrive dans un jardin mené en permaculture, l’impression d’abondance et d’exubérance est immédiate. De désordre aussi. Cela a l’air d’aller dans tous les sens : des fleurs au milieu des légumes, des arbres au milieu des plates-bandes, des légumes au milieu des fleurs, et plein d’animaux, poules, canards, cochons… Normal, la permaculture s’inspire de la nature où ni la monoculture ni la ligne droite existe. Il s’agit de construire des écosystèmes favorables à la biodiversité en s’intéressant aux interactions entre les espèces et de promouvoir les coopérations.
La permaculture est née en Australie dans les années 1970. Le mot vient de l’anglais « permanent agriculture » et fait référence à un système de culture qui n’épuise pas les sols et peut se pérenniser tout en restant évolutif. Plus qu’un ensemble de techniques, la permaculture est une approche globale qui invite à observer la nature, à questionner la conception de notre jardin et surtout, à expérimenter. Mais pas question d’appliquer des solutions toutes faites. Mieux vaut observer le fonctionnement des écosystèmes naturels et utiliser ce que nous voyons pour orienter nos conceptions.
Qui veut créer un jardin en permaculture devrait attendre une année avant de se lancer. Patienter n’est pas perdre son temps : on note comment le soleil évolue au fil des saisons, comment les différentes espaces sont éclairées, quelles sont les parties les plus humides, les plus sèches, quelles plantes poussent spontanément. Toutes ces indications permettront de tirer le meilleur parti de l’espace dont on dispose en positionnant judicieusement les éléments afin que la présence de chacun bénéficie à l’autre. Dans la nature, la diversité est reine. L’aménagement d’un espace naturel doit être pensé de manière que cette diversité devienne source d’abondance.
Pour ceux qui possèdent un jardin bio déjà installé, il est recommandé de ne pas passer en tout permaculture la même année sous peine d’avoir de mauvaises surprises. Les ratages ne sont souvent rien d’autres que des délais d’attente, le temps que la vie s’installe. Dans le même temps, le jardinier devient plus rusé. Il adapte son choix des variétés et développe une tolérance aux ravageurs en découvrant leur mode de vie et les raisons de leur existence et aux « mauvaises » herbes dont il apprend que beaucoup sont comestibles !
Dans le sol, les champignons mycorhiziens fonctionnent en symbiose avec les plantes. Ils vont chercher l’eau bien au-delà de leur système racinaire et extraient des sels minéraux dont la plante a besoin pour être en bonne santé. En contrepartie de ces services, ils se fournissent en glucides et protéines contenus dans ces racines. Ce genre de relations bénéfiques intéressent la permaculture qui met tout en œuvre pour les favoriser. En effet, plutôt que de s’épuiser à corriger par des apports extérieurs, ce que fait l’agriculture conventionnelle, mieux vaut faire en sorte que les problèmes se résolvent d’eux-mêmes. Ainsi, après quelques années, lorsque l’équilibre naturel est rétabli, les plantes deviennent plus résistantes aux maladies et aux parasites et moins gourmandes en eau.
La permaculture multiplie également les associations. L’une des plus connues nous vient des indiens d’Amérique qui cultivent ensemble courges, haricots et maïs. Ce dernier sert de tuteur aux haricots rames qui, comme toutes les légumineuses, enrichissent le sol en azote. Le feuillage des courges qui s’étend sur le sol évite la pousse des adventices et maintient l’humidité du sol.
La permaculture ne s’arrête pas au jardin. Elle est un mode de vie et un mode d’agir. Les dons de fruits et légumes et les échanges de graines et de plants entre voisins, les achats auprès des producteurs locaux font partie de la démarche permaculturelle. Ce concept de solidarité écologique peut se comprendre également à l’échelle plus vaste de notre relation au monde et, en particulier, aux plus pauvres de la planète.
L’un des buts de la permaculture est de créer des systèmes autonomes. C’est pourquoi au jardin, on cherche à atteindre un niveau de productivité et d’efficacité en profitant au mieux de l’énergie et de l’espace disponible. La ferme du Bec Hellouin de Charles Hervé-Gruyer menée en permaculture depuis 2008 est en ce sens exemplaire. Une étude agronomique menée sur la ferme par l’INRA et AgroParisTech sur cinq ans démontre que 1000 m2 en maraîchage biologique permacuturel sont capables de générer un emploi à temps plein. On peut dès lors imaginer raisonnablement la multiplication de micro-fermes maraîchères notamment en ville, sur les toits d’immeubles par exemple, ce qui est déjà très développé au Canada et commence timidement en France, à Paris notamment.
Le secret des ces hauts rendements : un travail entièrement à la main qui permet à la fois de planter serré et diversifié avec un maximum de rotations. On peut semer là où la récolte n’est pas encore effectuée. Elle le sera, lorsque la nouvelle ligne aura besoin d’espace. De plus, la permaculture libère l’agriculture du pétrole et crée de l’emploi. « Si la France fonctionne avec seulement 3% de paysans, c’est parce qu’on a du pétrole. Mais est-ce une bonne solution ? demande Charles Hervé-Gruyer de la ferme du Bec Hellouin. 5,5 millions d’emplois agricoles ont été supprimés depuis 1950 or on compte aujourd’hui 5,7 millions de chômeurs, remarque-t-il. N’est-ce pas troublant? »
Quand au jardinier amateur dont je suis, quel plaisir de pouvoir être autonome au niveau des légumes et des fruits et pour une part importante de protéines avec quelques poules.
Non travail du sol, paillage, culture sur buttes, ces pratiques qu’on associe souvent à la permaculture ne sont en aucun cas des préceptes intangibles mais des repères qui nous aident à concevoir nos propres solutions. De fait, choisir la permaculture, c’est décider d’entrer dans une coopération intelligente, marquée d’empathie et de respect, avec la nature. Sa richesse réside non seulement dans son approche holistique du monde mais aussi dans la conjugaison réussie des dernières avancées des sciences de l’écologie et des techniques millénaires héritées des civilisations traditionnelles.
Le joyaux permaculturel est la forêt-jardin. « L’idée de départ, c’est d’imiter les jardins familiaux dans les forêts tropicales ou semi-tropicales, explique Martin Crawford, un maraîcher anglais qui a créé une forêt jardin dans le Devon il y a vingt ans. On y cultive des légumes mais on y glane aussi toutes sortes de fruits des arbres environnants. Le but ultime, c’est que la forêt jardin constitue un système autonome qui ne nécessite aucun travail du sol et aucun arrosage. »
J’ai eu la chance de visiter cette forêt comestible. Il suffit de se baisser pour cueillir salades et légumes ou de lever le bras pour s’offrir des fruits. On y retrouve son instinct de cueilleur. Un des principes fondamental de la forêt jardin, c’est de remplacer toutes les niches écologiques forestières par des plantes comestibles ligneuses et vivaces de préférence. Lorsque des annuelles sont associées, elles doivent être capables de se ressemer toutes seules.
Au fil de mes rencontres et de ma propre expérience, je suis arrivée à la conclusion que la permaculture est probablement une avancée parmi les plus novatrices et pertinentes pour résoudre les problèmes de cohabitation entre la planète Terre et ses locataires humains et je vous invite à entrer en permaculture sans plus tarder, chacun selon ses moyens. La permaculture peut en effet commencer sur un simple rebord de fenêtre!
Pour aller plus loin:
Le guide de la permaculture au jardin par Carine Mayo, éditions Terre Vivante, 22 €
Permaculture dans un petit jardin par Kurt Förster, éditions Ulmer, 19,90 €
Permaculture : guérir la terre, nourrir les hommes par Perrine et Charles Hervé Gruyer, Actes Sud, 22,80 €
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28/02/2017 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation.