L’arbre, invité d’honneur des Etats Généraux de Brive

Ruth Stegassy est entourée par Francis Hallé et Philippe de Reffye © Danièle Boone

Deuxième édition pour ces rencontres autour de Francis Hallé à Brive-la-Gaillarde. Après les forêts en 2010, l’arbre était cette année au cœur des débats.  A réitérer un événement exceptionnel, la crainte est toujours de faire moins bien. Les organisateurs, Marie-Paule Baussan, Francis Hallé et Ruth Stegassy,  ont largement relevé le défi.

☞ Les états généraux de l’Arbre se sont ouverts le vendredi 30 septembre avec la projection du film, Arbre, un voyage immobile, suivi d’un débat avec Francis Hallé. Ce film de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil date de 2001 mais c’était une bonne introduction au sujet, pleine de poésie et d’humour. Michel Bouquet dit le texte et c’est une merveille de se laisser porter par sa voix qui raconte des histoires merveilleuses entre récit mythique et pure réalité. En guise de prologue, l’acteur rappelle la légende du baobab qui, à force de se plaindre au créateur, s’est retrouvé planté à l’envers!

Image extraite du film “Arbre, un voyage immobile” de Sophie Bruneau et Marc-Antoine Roudil

Qu’est ce que l’arbre ? Voilà une question aux réponses multiples. Selon le dictionnaire est arbre l’objet dont la collection constitue une forêt. Les scientifiques affirment que l’arbre satisfait à trois principes, dimension, longévité et solidité. Mais il existe des arbres tout petit, d’autres qui meurent jeunes… Voilà ma préférée qualifiée de pragmatique : « si vous rentrez dans une plante en voiture et que la voiture est cassée alors, c’est un arbre ».

Une longue séquence est réservée à l’abattage des arbres sans autre commentaire que le bruit des tronçonneuses, du bois qui craque et de la chute du géant décimé en quelques secondes suivi d’une autre séquence, silencieuse, d’une forêt morte sur fond de dune orangée. Cette fin du film laisse une douleur profonde dans la chair même. Je n’étais pas la seule à la ressentir. Francis Hallé l’a immédiatement exprimée et son visage était bouleversé. Pourtant, il connaissait le film mais, pour cet homme de 79 ans, qui passe sa vie à se battre pour la sauvegarde de la forêt équatoriale, voir ces images de destruction rendue si facile par les machines, c’est comme une claque, un échec, une désespérance.

Francis Hallé et Frère Eric en grande conversation © Danièle Boone

Le lendemain, nous étions de nouveau accueillis au Monastère Saint-Antoine, un lieu vraiment magique, une bulle de nature au milieu de la ville, avec justement plein d’arbres. Frère Eric, agronome de formation, était toujours aussi passionné. Tandis que le public s’installait, il était en grande conversation avec Francis Hallé.

Ruth Stegassy, la brillante animatrice de Terre à terre, émission de France Culture, orchestrait à nouveau les débats. Sa connaissance particulièrement pointue du sujet n’est évidemment pas étrangère à l’excellence de sa prestation. Pour ouvrir ces deuxièmes Etats généraux, la parole a été donnée à Francis Hallé qui est, en quelque sorte, le parrain de ces rencontres. Il a donné les dernières nouvelles de l’arbre, enfin, celles qui concernent ses recherches notamment sur l’architecture de l’arbre. Il a rappelé quelques phénomènes étonnants: la plupart des arbres ne sont pas, comme on le croit, un individu mais une colonie d’individus et aussi, un arbre est potentiellement immortel. Ensuite, Philippe de Reffye, un ancien élève de Francis Hallé, a expliqué comment, lui et son équipe, ont réussi à modéliser les arbres grâce à des formules mathématiques. A quoi ça sert ? A simuler l’évolution de l’arbre. C’est important pour les paysagistes mais aussi pour étudier comment économiser l’eau ou optimiser l’apport d’engrais. Une partie de la salle est restée  sceptique, dont moi, sur sa démonstration pourtant brillante. Il faut dire qu’un travail destiné à « avoir plus de pouvoir sur la nature » (dixit l’intervenant) a l’art de me hérisser sérieusement. Faut-il vraiment tout planifier? Ne peut-on pas laisser un peu de liberté à la nature et s’émerveiller tout simplement des prouesses dont elle est capable? En d’autres termes, ne peut-on pas tenter de collaborer avec elle plutôt que vouloir la dominer à tout prix. Mais j’avance trop dans le débat.

Jean-Christophe Bailly © Danièle Boone

L’accompagnement (c’est le terme choisi par les organisateurs et je le trouve très judicieux) de ces états généraux par Jean-Christophe Bailly, poète, philosophe et professeur à L’Ecole Nationale Supérieure de la Nature et du Paysage à Blois, était un réel plus. Ses interventions n’étaient ni des analyses ni des conclusions mais bien plutôt des interpellations, des ouvertures.

Pause sur la terrasse de l’Hostellerie Saint-Antoine © Danièle Boone

Pour la deuxième année, le temps était radieux alors le rituel magique, la pause café sur la terrasse de l’Hostellerie, a pu être réitéré. C’est un moment très intense, où chacun, nourri de ce qu’il vient d’entendre, a envie encore de réagir et d’échanger. Les intervenants sont là, tout proches, totalement accessibles. L’autre rituel est le déjeuner en commun. Et pour ceux qui viennent de loin – nous étions encore plus nombreux cette année – et qui dorment au monastère, il y a aussi les petits déjeuners. Bref, l’immersion est totale. Il en résulte une synergie singulière qui contribue grandement à la richesse de l’évènement.

Alain Canet (au centre) prépare son intervention © Danièle Boone

Le thème de l’après-midi, « Partout où est l’arbre » réunissait sur l’estrade, Konrad Schrieber, agriculteur et agronome, spécialiste de la conservation des sols, promoteur du BRF, Alain Canet, entre autres président de l’Association française d’agroforesterie, Dominique Mansion, artiste passionné des trognes et Caroline Mollie, architecte paysagiste. Difficile de résumer l’ensemble tant c’était riche et diversifié. Bref pour faire court, l’arbre nous apporte énormément, peut nous apporter d’avantage encore si on décide d’en faire un allié. On a vraiment besoin de lui. Tous ceux qui étaient présents en sont convaincus mais comment faire passer le message? Ça bouge mais si lentement.

Personnellement, j’étais ravie de rencontrer Dominique Mansion qui a fait un travail remarquable sur les trognes, ces arbres paysans aux multiples usages et véritables réservoirs de biodiversité qui peuplaient nos campagnes et qui sont en voie de disparition. Lors du dernier déjeuner, la conversation a dérivé sur les souvenirs d’écoles sans doute à cause de la présence d’une petite fille à table. Dominique a raconté que lors de son entrée en sixième à Vendôme, le professeur de français avait demandé aux enfants de raconter le lieu d’où ils venaient. En effet, beaucoup de jeunes pensionnaires venaient de la campagne environnante. Le petit Dominique avait mentionné les trognes. Le professeur ignare s’était moqué disant que ce mot n’était pas français. Cette confession témoigne que son amour – obsessions ? – des trognes est profondément ancré en lui. On peut aussi se demander si l’humiliation subie enfant n’a pas servi de moteur à une revanche bigrement réussie. Mais laissons là cette psychologie de pacotille, je vous conseille vivement son livre. J’en avais beaucoup entendu parler, j’en ai profité pour l’acheter alors maintenant je sais de quoi je cause. Tous les têtards, têteaux, tronches, rousses, émousses, ragosses, touses, chapoules –  ces sont tous les autres noms des trognes – te remercient Dominique!

Ernst Zürcher © Danièle Boone

Autre ambiance le dimanche matin avec Gilles Clément, le paysagiste bien connu, Etienne Barteau, arboriste, et Ernst Zürcher. Ce chercheur suisse est un savant comme en rêve, la tête dans les étoiles, ou plutôt sur la lune car l’influence de l’astre l’intéresse au plus haut point. Il a réexpliqué la photosynthèse démontrant que l’eau fabriqué par les plantes à partir du CO2 était une eau toute neuve, totalement vierge. Idem pour l’oxygène. Mais il n’y a pas que cela, l’arbre pulse, la feuille pulse, le bourgeon pulse et communique probablement avec les autres arbres bien plus que nous l’imaginons. Nous connaissons la communication chimique des acacias qui nous a bien étonné lorsqu’on l’a découverte. Mais nous ne sommes qu’au tout début des recherches et, devant l’extraordinaire monde des arbres, il semble bien que presque tout reste à découvrir.

Pas de souci donc, quant à la richesse de la matière. Nous attendons donc avec impatience les troisièmes Etats Généraux de Brive pour 2012. Encore un petit mot pour remercier Marie-Paule Baussan, car c’est elle, dans le cadre de l’Association Les Treize Arches, qui est à l’origine de ces rencontres. Bravo Marie-Paule.

A lire:
Les trognes, l’arbre paysan aux mille usages, Editions Ouest-France,

Les trognes, l’arbre paysan aux mille usages
par Dominique Mansion
Editions Ouest-France, 32 €

Et aussi:

Du bon usage des arbres… Editions Acte Sud
Du bon usage des Arbres
Un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques
Par Francis Hallé
Vient de paraître aux éditions Acte Sud, 14 €

Francis Hallé nous a donné des nouvelles de son projet de film sur la forêt équatoriale qui va être réalisé par Luc Jacquet.
Le projet avance. Les premières images devraient être tournées prochainement.
☞ plus d’infos: wild touch.org

☞ Relire le compte rendu des Etats Généraux de la Forêt – 2010

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12/10/2011 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation

Une réflexion sur « L’arbre, invité d’honneur des Etats Généraux de Brive »

  1. Bonjour, le texte complet des interventions est-il disponible quelque part ? où ? quand ? comment ? Cordialement
    Paul Carlé

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