Observer le castor, c’est rien que du bonheur. Moi je ne me lasse pas de le regarder nager dans les reflets de la lune, se hisser sur les berges, saisir un rameau entre ses deux mains, le ronger, se lisser les moustaches, remonter son ventre à la manière d’un gros nounours et se grattouiller. Contrairement à ce que l’on croit souvent, le castor n’hiberne pas et reste donc actif tout l’hiver.
Ses ennemis l’accusent d’abattre les arbres. C’est vrai que sur une plantation de peupliers en bord de rivière, il peut faire des dégâts. En fait, c’est un bûcheron avisé. Il varie les zones de coupes selon les saisons et le niveau de la rivière et entretient ainsi toute une mosaïque de milieux ouverts et de milieux fermés, ce qui est excellent pour la biodiversité. Il fait le travail que font les humains lorsqu’ils entreprennent de renaturer une rivière.
☞ Lorsqu’il coupe un saule ou un peuplier, les arbres au bois tendre qu’il adore, il leur donne une seconde vie. Dix, vingt, trente tiges vigoureuses repoussent gaillardement. Ces petits troncs feuillus peuvent grandir d’un ou deux mètres en une année. Ils forment des fourrés appétissants que les castors viennent régulièrement exploiter. Et quand il les néglige quelques années, ces rejets produisent des bouquets de saules ou de peupliers beaucoup plus solidement amarrés à la rive qu’un tronc unique.
Et ces bosquets retiennent les rives. Quand les castors descendent vers la rivière, ces passages se transforment en toboggans de terre, tout ronds et lisses, jusque dans l’eau. Aussi curieux que cela paraisse, ce végétarien est dépourvu d’enzymes capables de digérer la cellulose, le principal composant des feuilles et des écorces. Mais il possède une poche tout en bas de l’intestin où prospèrent des bactéries capables de transformer la matière végétale en sucres.
C’est un nageur hors pair. Il est capable de parcourir 800 mètres sous l’eau sans respirer et ça, c’est la routine. Pour tenir aussi longtemps, il stocke d’importante quantités d’oxygène dans ses muscles, dans son cœur ainsi que dans son foie exceptionnellement développé. Il en conserve également dans des ramifications spéciales de ses vaisseaux sanguins. 75%, tel est le taux de fixation de l’oxygène dans les poumons du castor contre 15% chez l’homme. Pas étonnant qu’il soit le roi de l’apnée !
Sa queue plate lui sert de nageoire, de gouvernail et de contrepoids. C’est aussi avec sa queue qu’il donne l’alerte. Qu’un intrus approche, un coup de feu éclate. En fait j’aurai du dire un coup de queue mais vu que c’est aussi fort qu’une détonation… Au bruit, pas de souci, tous les castors mais aussi les autres animaux courent aux abris. Mais cet appendice écailleux et aplati sert aussi aux mamans pour réceptionner leur bébé à la naissance !
Leur queue est également une réserve de graisse importante qui double de volume avant l’hiver. Le castor dispose aussi de deux mains très habiles. Il n’a pas un pouce opposable comme les primates mais en revanche, son auriculaire se cale contre des callosités, ce qui lui permet de saisir. Il peut ramasser des graines à terre, prendre délicatement une feuille et la chiffonner, tourner entre ses doigts une baguette pendant que ses dents l’écorcent.
Les castors construisent des huttes mais pas chez nous car les berges de nos rivières sont suffisamment accueillantes pour leur permettre de s’installer un terrier. Le seul indice qui trahit parfois la présence de cette maison sous terre est une cheminée d’aération, un conduit vertical qui débouche à la surface du sol qu’il dissimule le plus souvent avec des branches. La chambre est au dessus du niveau de l’eau mais la petite famille castor qui comprend les parents, les enfants de l’année d’avant et les bébés de l’année en cours y pénètre par un tunnel dont l’entrée est sous l’eau. Souvent la famille possède plusieurs terriers de façon à pouvoir toujours dormir au sec en cas de crues et de toujours rentrer sous l’eau en cas de bas niveau. Astucieux mais le changement climatique leur joue des tours avec la multiplication des extrêmes beaucoup, beaucoup d’eau d’un coup puis des mois de sécheresse qui réduit parfois la rivière à un filet d’eau.
Ils ont failli disparaître à cause des hommes qui les pourchassaient. Depuis qu’ils sont protégés, ils se sont réinstaller presque partout mais on peut se demander s’ils sauront s’adapter aux conséquences de ces changements rapides incontrôlables provoqués par notre inconscience.
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29/01/2019 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation.