Le syndrome du mouton

Lundi dernier, je lisais un édito de Yann Arthus-Bertrand dans Direct Soir, un gratuit distribué dans la capitale. Voilà ce qu’il écrivait: « Notre monde va mal. (…) Ce flot de mauvaises nouvelles a quelque chose de sidérant et d’inquiétant: il ne suscite aucune réaction. Nous continuons à vivre en ne changeant rien. » Et oui, c’est bien cela qui est fascinant. Nous savons mais on va droit devant, dans le mur, voire… dans le précipice, vous savez, comme ces moutons qui suivent aveuglément le mouton de tête dans un suicide collectif. Je me suis dit, tiens, voilà un sujet!

J’avais de l’eau à mon moulin. Il y a un an environ, j’ai rencontré Luc Jacquet, le réalisateur de La marche de l’Empereur et du Renard et l’Enfant, qui m’avait dit, et je l’ai fidèlement retranscrit dans l’article paru dans Version Fémina,  « L’humanité se fourvoie en toute conscience. Nous savons ce que nous devrions faire mais nous n’agissons pas. » Avec l’esprit d’escalier, j’aurai bien trouvé d’autres éléments à mon argumentaire, notamment Flagrant Delhi, le très beau spectacle de Jean-Marc Heim, dont je vous avais parlé sur ce blog et où, justement, tout au long de la deuxième partie, les danseurs et comédiens sont des moutons!

Et puis, je suis allée voir « Chomsky & Cie« , le film d’Olivier Azam et Daniel Mermet, décapant! Vous connaissez les « Malgré tout » ? Et bien ce sont justement tous ceux qui, malgré toutes les bonnes raisons d’être découragés, ne baissent pas les bras… Le film commence avec les remerciements à tous les SMG – Souscripteurs Modestes et Géniaux – qui ont permis un tournage en toute liberté, immédiatement suivi d’un magistral bras d’honneur d’un « équilibriste » au sommet du Canigou! Krrrrwaw… Après cette introduction détonnante (déconnante), rencontre avec Noam Chomsky, penseur américain, prof au MIT (Massachusetts Institute of Technology), « l’intellectuel le plus populaire et le plus cité au monde » qui, depuis plus de 30 ans, n’hésite pas à enfoncer le clou là où ça fait mal… c’est à dire au  niveau de l’hégémonie américaine.

Chomsky nous incite a réagir, par nous-même, contre les différentes formes de pouvoir et les idéologies qui les justifient.  Le film n’est pas une bio dithyrambique mais un titillement de la pensée…  Comment se forge l’idéologie? Quel est le pouvoir  du langage? Comment le politique et l’économique se l’approprient? Qu’est-ce que les médias? Qu’est ce que le pouvoir des médias? Qu’est-ce que la liberté de la presse? Comment se construisent les idéologies et comment nous sommes tous manipulés, les intellectuels en premier? Mais rassurez-vous, cela n’a rien d’un cours magistral. Super les séquences histoire: comment la pub a fait fumer les femmes, comment les motifs de guerre sont créés en toute mauvaise foi à la seule fin de gagner l’opinion publique, comment le langage est étudié par les « chargés de communication » pour faire accepter le pire, les OGM de Monsanto par exemple…

Alors, c’est vrai, il y a beaucoup de moutons, beaucoup, beaucoup… mais il y en aussi quelques uns qui refusent de suivre le mouton de tête et qui ne sautent pas dans le précipice. La peur qui provoque cette panique est parfaitement orchestrée – c’est une des principales manières de prendre le  pouvoir dans les démocraties dit Chomsky – et il suffit de dire non pour la dissoudre. Après avoir vu ce film, j’ai pensé à tous ces gens que j’admire comme Aurélien Brulé ou Pierre Rabbhi dont j’essaie de faire connaître l’action à mon petit niveau. Alors, même si nos dirigeants et les grandes multinationales, vont droit dans le mur comme le fait remarquer Yann Arthus-Bertrand, tant que nous avons la vie et tant qu’il y a encore des fleurs qui s’épanouissent au printemps, nous n’avons pas le droit de renoncer. La crise fait naître l’espoir d’une prise de conscience collective qui, peut-être, provoquera une réaction salutaire. En tout cas, ce que je constate, c’est que les « Malgré tout », pour reprendre la terminologie du film, sont de plus en plus nombreux à sortir de l’ombre, à être plébiscités par le grand public alors, je me prend à rêver, et s’ils devenaient les héros du XXIème siècle, ceux qu’on rêve d’imiter, ceux qu’on imite!

Voir  Flagrant Delhi

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15/01/2009 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation

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