Le livre de Naomi Oreskes et Erik m. Conway, historiens des sciences, est paru au printemps 2012, trop discrètement. Je n’ai découvert son existence qu’en fin de l’année. Et pourtant, c’est un livre remarquable. Discréditer la science, saper la réputation des scientifiques et entretenir la controverse avec l’aide de soi-disant « experts indépendants », telle est la stratégie des « marchands de doute ». Et ça marche. Le réchauffement climatique, malgré ses effets qui commencent à se faire sentir, est toujours taxé, par certains, de supercherie. Il en a longtemps été de même pour les effets du tabac sur la santé. Cet exemple historique est intéressant car plus personne aujourd’hui ne remet en cause les conséquences néfastes du tabac non seulement sur les fumeurs eux-mêmes mais aussi sur ceux qu’on appelle les fumeurs passifs. Le but de ces manipulateurs est de retarder toute réglementation, afin de pouvoir encore et toujours faire du fric sur le dos de l’humanité. Après moi le déluge, en quelque sort.
☞ Les liens entre tabagisme et cancer étaient clairement établis dès les années 1950 mais, dans toute démonstration scientifique, il reste toujours une zone d’ombre qui suscite des questions. Comment expliquer ce lien entre cigarette et maladie? Pourquoi certains fumeurs ne développent pas la maladie ? Répondre à ces questions prend du temps et les nouvelles réponses suscitent de nouvelles questions. Les industriels du tabac sont ainsi parvenus pendant des années à détourner l’attention du public des faits établis (la nocivité du tabac) pour la focaliser sur les questions qui demeurent et entretenir ainsi la controverse. Le bons sens semble alors de continuer les recherches et non de légiférer ! Aujourd’hui, malgré les procès des années 2000 et les condamnations des industriels du tabac pour avoir « sciemment » trompé le public, 25 % des américains pensent encore qu’aucun lien n’est formellement établi entre tabagisme et cancer, preuve de l’efficacité de la méthode.
La même stratégie peut être adaptée à d’autres domaines. Comme ces fausses démonstrations endossent le costume de la science, elle sont crédibles. Elles sont d’ailleurs servies par des scientifiques qui passent pour des experts auprès du grand public alors qu’ils interviennent dans un domaine qui n’est pas du tout le leur. Certains, Fred Singer, Fred Seitz ou William Nierenberg interviennent dans des domaines aussi différents que le tabac, les pluies acides ou le réchauffement climatique. Les auteurs expliquent en partie leur comportement par leur idéologie anti-marxiste (toute atteinte au libre marché leur semble inadmissible) plus forte que la déontologie scientifique. La plupart d’entre eux étaient engagés dans la Guerre froide. Leur principale motivation est donc la défense du marché et de la libre concurrence. On comprend mieux pourquoi aujourd’hui, les environnementalistes américains, bien que verts, soient assimilés par le grand public aux… rouges !
Mais il y a pire ! De nouvelles voix s’élèvent, révisionnistes, qui mettent en doute le travail de Rachel Carson, auteur du printemps silencieux. Pour mémoire, cette scientifique attira l’attention sur les méfaits de l’utilisation des pesticides dès le début des années 1960. Son travail a fini par être validé par le conseil scientifique du Président et le DDT a été interdit aux Etats-Unis. Mais depuis les grandes firmes se sont organisées et le conseil scientifique du Président a été supprimé ! Les révisionnistes affirment aujourd’hui qu’elle avait tord, que la malaria n’a pas été éradiquée et qu’elle est donc responsable de milliers de morts !!! Ils réclament même la remise sur le marché du DDT. No comment.
Bien que l’étude concerne uniquement les Etats-Unis, ce qui explique peut-être son peu de diffusion en France, ce livre est vraiment passionnant car il se passe, en Europe, la même chose qu’outre Atlantique. Les auteurs nous donnent les clefs pour décoder ce qui se trame. Ainsi, par exemple, pour ce qui concerne les recherches de Gilles Séralini sur les OGM, c’est limpide. Le discrédit du scientifique est d’ores et déjà en marche et les questions pour détourner des faits établis ont été lancées. Il est bien évident que les semenciers vont tout faire pour pouvoir continuer à semer les graines de la mort à travers le monde jusqu’à ce qu’il soit trop tard, que la contamination soit effective et que les maladies provoquées chez les humains atteignent un stade d’épidémie. Que d’argent gaspillé, que d’argent perdu sauf pour ces criminels contre l’humanité. Plus j’avance dans le temps et plus je sais, et moins j’ai d’indulgence pour ces gens avides, qui jouent avec notre vie, à nous tous, et même plus, avec la vie sur la planète.
Éditions Le Pommier, 524 pages, 29 €
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09/01/2013 © Danièle Boone – Toute utilisation, même partielle, du texte est soumise à autorisation
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