Voilà une éternité que je voulais lire ce texte de Giono. J’ai enfin pensé à acheter ce minuscule livre de 33 pages. C’est, en fait, une très jolie nouvelle écrite en 1953. Le magazine américain, The Reader’s Digest avait demandé à l’écrivain de rédiger quelques pages pour une rubrique intitulée « Le personnage le plus extraordinaire que j’ai jamais rencontré. »
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Elzéard Bouffier était, selon Giono, ce caractère inoubliable. Le texte a immédiatement plu à la rédaction qui le fit savoir à l’auteur dans un courrier. Mais quelques semaines plus tard, une seconde lettre traitait Jean Giono d’imposteur : Elzéard Bouffier n’avait jamais existé. Giono fut surtout surpris qu’il puisse exister des gens assez sots pour demander à un écrivain, donc à un inventeur professionnel, quel était le personnage le plus extraordinaire qu’il ait rencontré, et pour ne pas comprendre que ce personnage était forcément sorti de son imagination!
☞ Toujours est-il que ce texte est un vrai bonheur et tellement d’actualité. Le narrateur a rencontré cet Elzéard Bouffier en 1910 lors d’une rando solitaire dans les monts alpins à la limite de la Provence. La région était alors totalement désertifiée autant par l’absence d’eau et d’arbres que de population. L’homme, un ancien agriculteur, s’était « retiré dans la solitude où il prenait plaisir à vivre lentement » après la mort de son fils unique et celle de son épouse. De fait, même s’il avait des moutons, sa principale occupation était de planter des glands dans l’idée que pousseraient ensuite des chênes qui redonneraient la vie à ces terres arides. Une guerre plus tard, le narrateur revient et découvre des arbres plus grands que lui. Le récit couvre trente-sept ans. Les arbres ont ramené l’eau, et l’eau, les gens. Les villages ont été restaurés et de nouveau habités. L’extraordinaire forêt « naturelle »est classée et protégée. Mais, indifférent à l’agitation humaine et dans la plus grande générosité, Elzéard Bouffier continue jusqu’à la fin de sa vie à planter avec constance ses arbres, les chênes mais aussi des hêtres, des bouleaux.
La fable est jolie. Les éditions Gallimard en ont publié une édition illustrée pour les enfants. Mais ce qui frappe le plus, c’est que Giono avait tout compris: l’arbre draine la vie. Il est l’allié des hommes. Juste auparavant, j’avais lu un autre petit livre que je vous recommande aussi, celui de Francis Hallé, intitulé Du bon usage des arbres, un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques. C’est limpide et cela se lit comme une histoire. C’est que Francis Hallé possède un vrai talent de conteur lorsqu’il parle des arbres. Il faut dire qu’il les connaît bien et que son émerveillement à leur égard est toujours resté intact. « Je suis naïf : j’espère que vous le lirez. Plus naïf encore : j’espère que vous en tirerez parti. » écrit le scientifique à l’adresse des élus et des énarques. J’espère avec lui et le moment est particulièrement choisi pour une invitation à l’action puisque selon le dicton, à la sainte Catherine, tout bois prend racine.
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• Jean Giono, L’homme qui plantait des arbres, Gallimard.
• Francis Hallé, Du bon usage des arbres, un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques, Domaine du Possible, Actes Sud
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21/11/2011 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation