Madagascar: RN 7

Petites marchandes de brèdes à Tana

Au centre de la Grande Ile, la capitale malgache se déploie sur plusieurs collines à une altitude moyenne de 1245 m. Mais avec ses maisons de briques roses, Antananarivo, plus simplement appelée Tana, ne ressemble pas à une grande métropole mais plutôt à une juxtaposition de villages. Les maisons avec leurs jolis balcons de bois témoignent encore de ce que fut la richesse architecturale à l’heure coloniale. Sur les constructions restaurées de brique et de broc, la tôle ondulée remplace de plus en plus les tuiles originelles mais la rouille de ces toits s’harmonise curieusement bien avec les ocres ambiants.
Dans la ville basse, les quartiers populaires ont poussés sur les marais comblés au fil des siècles, du cœur de la ville jusqu’aux faubourgs qui se mêlent encore aux rizières. La sortie de Tana est laborieuse. Des zébus tirent des carrioles hautes en couleur au milieu de camions vociférants et d’un flot d’automobiles en plus ou moins bon état. Le linge sèche à même les talus. Les faubourgs de la capitale semblent ne jamais devoir s’arrêter. Enfin commence une belle route asphaltée : c’est la RN7. Comme son homonyme hexagonale, elle se dirige au sud sur un millier de kilomètres et s’achève en bord de mer.

Pousse-Pousse à Antsirabe

Antsirabe est généralement la première étape des voyageurs qui partent vers les sud. La ville est surtout connue pour ses pousse-pousse. Le nombre de ces engins est impressionnant alors la concurrence est rude. Les pousseurs se disputent les postérieurs vazaha dans une surenchère spectaculaire. « Venez avec Victor, le 7 ! Montez avec Arthur, le 16 ! N’oublie pas… le 8 ! » vocifèrent-ils avec autant d’humour que de virulence en désignant leur engin numéroté. Antsirabe doit sa réputation à son climat frais et ses sources thermales. De son passé colonial, elle a gardé de jolies maisons, la poste et l’hôtel des Thermes, beaux exemples d’architecture Belle Époque.

Rizière auprès de Antsirabe

Le lendemain, randonnée à travers les rizières en terrasses. Nous sommes en pays merina, le peuple des Hautes-Terres qui a donné au pays sa première dynastie de rois et de reines. Les paysans ont patiemment façonnés les versants des collines en terrasses, irriguées à partir de sources ou de rizières endiguées. Les diguettes formant les parcelles rizicoles retiennent l’eau et font office de chemin. Nous passons de villages en villages, traversons des paysages sublimes. La palette des cultures se décline du brun boueux au vert le plus tendre, les teintes des parcelles correspondant aux diverses étapes de la pousse. La population se prête volontiers aux séances photos. Le soir, nous dormons dans un gîte où nous sommes généreusement accueilli. Soirée musique et danse largement arrosée de rhum. Aïe, aïe, aïe… quelle gueule de bois le lendemain…

Hautes Terres

De nouveau cap au sud. Nous entrons bientôt en pays Betsileo, les « invincibles », peuple réputé pour son intelligence. La RN7 se poursuit vers Ambositra et ses hautes maisons de briques couvertes de tuiles moussues. Balustrades et volets de bois ciselés s’étagent le long de ruelles en pente. Cette très jolie petite ville est réputée pour le travail du bois des Zafimaniry, sous-groupe important des Betsileo. Cette communauté a su tout particulièrement préserver ses traditions et un style de vie en rapport direct avec la nature. Puis, à 140 km plus au sud, c’est Fianarantsoa, centre historique et culturel du Betsileo. Fondée en 1830 à l’initiative de la reine Ranavalona Ière qui voulait bâtir une deuxième capitale entre Tana et le sud de l’île, elle est « la ville où l’on apprend le bien ». Elle doit ce surnom à l’installation de nombreux missionnaires dans les années 1870. La ville est au centre des seuls vignobles de la Grande Ile. Le rosé dit « petit gris malgache » est honorable.

Village Betsileo

Après Fianarantsoa, la route franchit un col d’où la vue est saisissante sur la vallée d’Ambalavao. La ville a conservé de très belles maisons à varangue avec des balustrades de bois formées de motifs géométriques. Faites de briques d’argile latérique et de paille, elles sont recouverte d’un enduit de protection qui leur donne une teinte ocre rouge. La ville s’est spécialisée dans le papier Antemoro réalisé à partir de l’écorce de l’avoha, un petit arbuste boule aux feuilles fines et à fleurs jaunes. Les fibres végétales bouillies, écrasées au maillet, séchées sur des tamis puis décorées des pétale frais.

Andringitra

Une vallée entourée de montagnes granitiques surplombée par le massif de l’Andringitra, d’une étrange beauté. Nous quittons la RN 7 pour rejoindre la vallée du Tsaranoro. Après presque deux heures de pistes nous arrivons à Camp Catta, un écolodge pour amateur de paradis. Simple et élégante, l’étape est divine. Le lendemain, nous partons en compagnie de Peny et Hery pour une balade magique.

Lemur Catta

Dans ce bout du monde, vivent les Lemur Catta, les irristibles « maki » à queue rayée. De fait, la Grande Ile détient environ 70 espèces de lémuriens endémique à Madagascar hormis deux espèces qui ont été introduites avec succès aux Comores. Apparentés aux primates primitifs – les prosiniens – leurs ancêtres ont probablement atteint la Grande Ile à partir de l’Afrique il y a près de cinquante millions d’années. Ils en ont gardé un museau allongé et de grands yeux latéraux. Ayant rencontrés peu de concurrence dans la colonisation de leur nouvel environnement, ils se sont peu à peu différenciés en se spécialisant pour s’adapter au différents habitats. Certains ont adopté un mode de vie diurne comme le maki, d’autres, plus petits sont nocturnes. L’un d’eux, le Microcèbe ne pèse que 30 grammes est le plus petit primate du monde. Le voyageur naturaliste découvre ses yeux immenses qui brillent comme des phares dans le faisceau des lampes torches. L’aye-aye, le plus curieux et l’un des plus rare, se fait discret et reste souvent invisible. Retrouvée par Gérald Durell en 1956 alors qu’on la croyait disparue à jamais, cette espèce de lémurien se distingue par ses grandes oreilles et sa tête massive, ses puissantes incisives et surtout par son troisième doigt, long et fin, qu’il utilise pour extraire la pulpe des noix ou la sève des arbres et dénicher les larves dans le bois mort.

Troupeau de zébus

Il n’est pas rare que des centaines de zébus embouteillent la Nationale 7. Ce genre de rencontre est familière en pays bara. Aux cris, des bouviers, les bêtes se serrent sur le bord afin de laisser passer les véhicules. Les pasteurs parcourent des centaines de kilomètres, les plus souvent pour rejoindre le grand marché aux zébus d’Ambalavao qui a lieu tous les lundis. Les bara sont, de fait, d’impassibles marcheurs. Leur vie est rythmée par la recherche de pacages. Sagaie à la main, ils surveillent leur troupeaux. Le vol des zébus par les dahalo, bandits de grands chemins, est devenu un trafic organisé qui vide les campagnes. Perdre ses zébus, c’est perdre son honneur et sa raison de vivre. Le prestige attribué aux propriétaires de zébus est hérité de la culture bantoue dont les Bara sont les descendants. Encore aujourd’hui, ils privilégient la possession d’un bovidé à celle d’une maison ou de biens matériels. Un homme de cette ethnie ne peut espérer se marier s’il ne possède pas au moins un bœuf aussi les jeunes les plus démunis en quête d’épouse quittent le pays avec l’accord des anciens pour aller travailler ailleurs. Si tout va bien, ils reviennent quelque temps après avec l’argent pour acheter le zébu qui va leur permettre de fonder une famille.

Plateau de l’Horombe

La RN7 traversent ensuite les steppes désertiques du plateau de l’Horombe. Nous avons définitivement quitté les hautes terres et toutes leurs nuances d’ocre, du jaune de la terre naturelle au rouge profond de la terre latéritique, contrastant avec la riche palette des vert des rizières, ajoncs, pins, eucalyptus, landes de bruyères, prairies de graminées… L’immensité de l’espace évoque l’Amérique ou l’Australie. Notre étape de ce soir, Ranohira, est située aux portes du Parc National d’Isalo.

Parc national d’Isalo

Le lendemain, rando dans le massif de grès ruiniformes couvert de tapias, les arbres qui résistent au feu. Nous y découvrons nos premiers pachymodiums (pied d’éléphants) qui annoncent les extravagantes plantes du sud. Nous atteignons un oasis luxuriant avec une véritable piscine naturelle où l’on se baigne avec plaisir. Un couple de faucons de Newton ignorent nonchalamment nos facéties.

Forêt sèche avec baobabs

Toujours plus au sud, la steppe fait place à la forêt sèche où s’entremêlent baobabs et didiéracées. Ces plantes possèdent la faculté de stocker dans leurs tissus ou dans leur troncs des réserves de liquide. Sur les neuf espèces de baobabs, sept d’entre elles sont présentes à Madagascar. Quand aux didiéracées, elles sont totalement endémiques.

Mangrove entre Tulear et Ifaty

La RN7 s’achève à Tuléar mais nous empruntons une piste sur une vingtaine de kilomètres pour arriver à Ifaty, petit village de pêcheurs vezo. L’existence des ces nomades des mer dépend des ressources de l’océan. Leurs pirogues à balancier sont, dit-on, inspirées des embarcations qui ont guidé les anciens navigateurs des côtes de l’Indonésie à celles de Madagascar. Surmontée d’une voile blanche, elles remontent les côtes immaculées. Les femmes réputées très belles portent des masques à base de racines fraîche de manioc afin d’éclaircir leur peau et de la protéger du soleil d’autant plus ardent, qu’il est réverbéré par l’eau. Là, s’achève le voyage avec un journée de farniente, à regarder la mer et les oiseaux. Les wasahas que nous sommes se délectent alors du mora-mora… expression malgache intraduisible qui signifie globalement que le temps n’est jamais bousculé.

Pêcheur Vezo - Ifaty

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Partir:
– Vol A/R Air France à partir de 1100 €
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– L’agence Allibert propose des circuits sublimes avec rando dans les rizières, découverte des lémuriens, balades dans les parcs nationaux… le must quoi!
15 jours à partir de 2500 € tout compris.ligne3.jpg

© Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte ou des photos est soumise à autorisation

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3 réflexions sur « Madagascar: RN 7 »

  1. Danièle, merci pour la splendeur des paysages Malgaches et pour ce peuple si souriant et aussi pour tes récits qui accompagnent si bien. J’ai d’autant plus envie d’y aller. Je pense que le  » mora mora  » me conviendrai fort bien !!!!!
    Amicalement Carole

  2. Décidément N7 est vraiment la route du voyage… et quel voyage ! De très belles photos sur Mada !
    Merci pour ce moment d’évasion

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