Nancy Ajram fait la pub de Coca-Cola dans le monde arabe où la chanteuse libanaise est très appréciée. Son invitation à partager la boisson yankee est une des premières images qui s’est imposée à moi en arrivant à Ouarzazate. Coca-Cola n’est-il pas le symbole même de la consommation à l’américaine? C’est que pour bon nombre de pays comme le Maroc, la réussite sociale passe hélas par le modèle occidental: voiture, jean, i-phone, etc… En même temps, il y a rejet de notre culture impérialiste au profit de l’identité nationale et musulmane. Les individus sont donc en conflit intérieur permanent bien souvent inconscient. Et, ce sont les femmes qui payent les pots cassés. Elles sont soumises à une loi de plus en plus stricte dictée par les hommes. Durant tout mon séjour, j’ai beaucoup discuté avec mon jeune guide, intelligent et cultivé. Fils aîné de la famille, il en assume la responsabilité financière. Marié depuis deux ans, avec une jeune fille de son village, il est totalement ancré dans la tradition. Il pose hélas un regard rigide sur le monde qui m’a surprise. Les Berbères, de par leur histoire et leur culture, ont toujours formé un peuple libre. Je me souviens de grands éclats de rire avec les femmes. Il me semble aujourd’hui qu’on évite l’étranger (étrangère) tout en espérant la manne touristique. La constatation n’est pas limitée aux pays musulmans : l’écart se creuse entre les occidentaux et les autres. Bref comme je l’ai déjà écrit, le monde rétrécit et nous ne sommes plus forcément les bienvenus.
Revenons donc à mes impressions strictement marocaines. En allant à un rendez-vous à Fint, un petit bijou d’oasis au sud de la ville, nous avons traversé un immense chantier, des kilomètres carrés de lotissement en cours d’aménagement. Intriguée, je me renseigne sur l’économie locale mais à part le tourisme et le cinéma, rien de neuf. La ville serait-elle atteinte de la folie des grandeurs? Serait-ce le syndrome de Ouarzawood? Certes depuis que David Lean est venu tourner son magnifique Lawrence d’Arabie à Aït Benhaddou dans les années soixante, les tournages succèdent aux tournages. Même l’équipe choc de Plus belle la vie, la saga Marseillaise à succès, est venu y tourner une série d’épisodes totalement rocambolesques. Et les studios de l’Atlas conservent quelques souvenirs héroïques comme le temple tibétain du film Kundun de Martin Scorsese ou la Jérusalem du temps des croisades de The kingdom of Heaven de Ridley Scott. Mais bon, de là, à bâtir aussi frénétiquement…
J’ai passé ma première nuit dans une jolie kasbah de la palmeraie de Skoura désormais presque complètement dédiée au tourisme. Les maisons d’hôtes succèdent aux maisons d’hôtes. La bonne chose c’est que, du coup, beaucoup de kasbahs ont été restaurées. La plupart de ces architectures de terre fragiles tombent en ruine. La situation est dramatique notamment dans la vallée du Drâa que les visiteurs admirent depuis la route Ouarzazate – Zagora mais sans y séjourner. Beaucoup de ksour, villages collectifs fortifiés, ont été abandonnés pour des maisons en béton plus spacieuses et sensées être plus confortables, l’équivalent en quelque sorte du phénomène formica des années 1950 en France. Les nouveaux villages sortent de terre à côté des anciens. Depuis dix ans – mon dernier passage à l’intérieur de cette vallée – les vieilles maisons en pisé se sont effritées et beaucoup sont écroulées et irrécupérables. Quelques associations conscientes de la valeur de ce patrimoine unique tentent de prendre les choses en main comme à Timerdate, un village de la vallée du Drâa situé à une quinzaine de kilomètres d’Agdz.
Désespéré de voir son village et la palmeraie s’effriter de jour en jour, Hussein Achabak, l’initiateur du projet, a eu l’idée de produire des confitures et du sirop de dattes de très bonne qualité, joliment présentés et de les vendre aux riads chics de Marrakech. L’argent ainsi récolté a permis la restauration de la kasbah et sa transformation en maison d’hôte par les artisans locaux. Tout se fait toujours en accord avec l’association du village. Les bénéfices sont réinvestis dans des projets collectifs, notamment l’achat de matériel agricole et scolaire. Les deux coopératives, celle des dattes et celle des femmes qui fabriquent des objets artisanaux, sont très actives ainsi que le menuisier du village qui travaille le bois de façon traditionnelle. Les hôtes de la Kasbah facilement accueillis dans les familles, découvrent la vie de la palmeraie de l’intérieur. Une belle et chaleureuse façon de passer ses vacances dans le partage. Ce nouvel équilibre encore ténu perdurera-t-il avec l’industrialisation de la culture des dattes. La semaine précédant mon séjour, Mohammed VI est en effet venu à Ouarzazate et a annoncé la construction de trois immenses « frigos » dans la vallée annonçant ainsi la fin de la culture artisanale.
Après Skoura et l’incontournable visite de la kasbah Amerhidil, grande et belle bâtisse célèbre parce qu’elle figure sur le billet de 50 dirhams, nous avons pris une piste magnifique. Les chauffeurs l’appellent la piste des troglodytes. Aux environs du village de Toundout, des tunnels ont été creusés, dans la montagne pour servir d’abri aux nomades qui pratiquent encore la transhumance. Ils y vivent avec leurs troupeaux de moutons et de chèvres pendant la saison froide. Ils acceptent volontiers de recevoir l’étranger et de partager avec lui un verre de thé. Une odeur âcre de fumée envahit le boyau de pierre. Je me suis sentie quelque peu indécente d’être là en même temps, nous leur avons laissé un peu d’argent. « Ils ont des moutons, ils sont riches », m’a dit sans compassion le chauffeur qui ne comprend pas visiblement que des êtres humains perpétuent un mode de vie aussi rude.
Tout au long de la piste, l’imposante silhouette du M’goun (4071 mètres), l’un des sommets les plus élevés du Haut Atlas, domine une steppe vaste et aride où seuls poussent quelques buissons d’armoise et de zygophyllum. Dans cet univers minéral grandiose, l’aigle botté débusque des écureuils des sables et autres gerboises. Après deux bonnes heures de piste, apparaît le village de Aït Toumert. La route arrive là depuis moins d’un an. Un peu avant d’arriver à Bouthaghar, nous avons repris une piste étroite, traversé un oued à guet et poursuivi jusqu’à l’apparition de la kasbah Aït Youssef entouré du village de El Hot, un véritable rêve de terre. Difficile de décrire le sentiment d’éternité qui règne là, un moment magique à engranger précieusement dans sa boîte à souvenirs.
Je ne connaissais pas le djebel Sarhro. J’en avais juste traversé une minuscule partie en voiture et j’avais été impressionnée par cet univers minéral. J’ai retrouvé toute l’étrangeté des mondes rudes qui me fascine tant.
Une femme improbable…
un mausolée au milieu d’un cimetière…
un café au milieu de rien…
et surtout des paysages à couper le souffle.
Le voyage s’est poursuivi vers Aït Ouaazik, un site de gravures rupestres.
Les blocs gravés sont rassemblés autour de la cahute d’un gardien chargé de surveiller le trésor jour et nuit. Bon ça fait un job pour Ahmed, un garçon du village, c’est pas si mal mais c’est bien dérisoire. Nous avons partager notre déjeuner avec lui et il nous a offert du thé. Dans sa cahute qui domine un plateau lithique, trône un dessin de la Dame de Brassempouy réalisé d’après le timbre édité en hommage à l’une des plus anciennes représentations féminines trouvées dans notre pays. Elle est conservée au musée de Saint-Germain en Laye. Il y a aussi des cartes postales de l’auroch peint sur les parois de la grotte de Lascaux!
Les trois hommes, Mohammed, mon guide, Mohammed mon chauffeur et Ahmed le gardien, ont abondamment discuté en amazigh. Moi, j’ai observé les oiseaux depuis la cahute qui m’a fait office d’affût. J’ai photographié entre autres ce moula-moula, le traquet du désert toujours à traîner là à proximité des humains. J’ai observé un oiseau beige assez terne mais très curieux que j’avais déjà rencontré. Dans le djebel Sarhro, j’ai marché un long moment seule tandis que Mohammed et Mohammed rattachaient le pot d’échappement que les trous de la piste avaient mis en péril. Et ce petit oiseau m’accompagnait. Il voletait, se posait sur un rocher, m’attendait et quand j’arrivais à sa hauteur, il s’envolait quelques mètres plus loin et recommençait son manège.
Notre voyage s’est poursuivi, de plus en plus surréaliste. Nous sommes arrivés dans un camping où nous devions récupérer du matériel pour un bivouac dans les dunes. Et là, oh stupeur, j’ai découvert que maintenant les groupes des grands aventuriers des T.O. complaisants avaient droit à tables et chaises dans le désert. J’ai fait part de mon étonnement à mon guide qui a cru bon de souligner: « Oui les clients n’imaginent pas qu’on puisse trouver autant de confort dans le désert ». Ben zut, alors, le désert, c’est plus ce que c’était!
Le soir, j’ai quand même grimper en haut d’une dune pour le coucher de soleil et là, j’ai découvert avec stupéfaction que bon nombre de bivouacs sont installés. Je pense à Théodore Monod qui disait qu’il faut entrer au désert comme dans un sanctuaire, avec respect. Le tourisme de masse s’est emparé des sables marocains. Ce soir là, je dédaignerais mon tabouret et la table pour partager le repas des chameliers autour de la bonbonne de gaz où ils ont fait cuire le tagine. Pas de veillée autour du feu? C’est pas écolo! Evidemment, vu le monde qui crèche là. Me voilà projeter au milieu de tout ce que je déteste. Un truc m’a échappé… que suis-je venue faire dans cette galère!
J’ai rarement été aussi contente de quitter un lieu. Au petit matin, le paysage est magnifique mais les poteaux électriques évités pour la photo s’inscrivent dans le paysage. Presque tous les villages sont maintenant reliés à… la télévision. J’ironise à tord. L’électricité et le téléphone sont un plus pour la vie quotidienne et la sécurité. Ce que je trouve dommage, c’est ces vilaines cicatrices dans le paysage alors que le roi vient de donner son feu vert à la création de champs de panneaux solaires… N’aurait-il pas été judicieux de faire d’une pierre deux coups et de doter d’emblée les villages de cette énergie renouvelable? Bon, vous l’avez compris, ce reportage au Maroc a été plein de contrastes, j’ai rencontré des gens formidables à Timerdate mais aussi à Ouarzazate comme Zineb et Jean-Pierre de la Kasbah Dar Daïf, j’ai traversé des paysages fabuleux mais j’ai vu aussi une avancée dans une mauvaise direction.
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Deux adresses à retenir absolument:
Kasbah Dar Daïf à Ouarzazate. Coup de cœur pour cette maison d’hôtes raffinée à 3 km du centre. Chambres élégantes, joli jardin et salle à manger pleine de beaux objets. Accueil très chaleureux « comme à la maison ». Jean-Pierre le patron est français. Zineb son épouse a été la première femme guide de montagne au Maroc. Champions du tourisme durable, ils organisent aussi des randos à pied, à chameaux ou avec des mulets. Tél. : 212 5 24 85 49 49 – www.dardaif.ma
Kasbah Timirdate à 15 km au sud d’Agdz dans la vallée du Drâa. Tourisme solidaire . Beaucoup d’authenticité et d’une agréable sobriété. Cuisine familiale délicieuse. Tél. : 212 6 68 68 00 47 – www.kasbahtimirdate.com
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14/12/2010 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation
Bonjour, je me suis associé à Lahssaine Ouassou, pour lui donner un élant dans son projet d’auberge. Nous avons amélioré l’endroit en proposant une terrasse et un salon, tout en respectant l’architecture et la matière première, terre, bambou, bois et enduits en pisé. Nous nous trouvons au village El Hot, et pour peut être faire plus ample connaissance, nous vous invitons à venir nous rendre visite à l’auberge. Vous trouverez nos coordonnées sur le site.
Merci pour votre petit article sur le village d’El Hot.
Cordialement.
salut,
j’ai visité votre blog et je vois que vous etes une personne qui aime voyager et visiter les belles endrois…c’est magnifique……j’aimerai bien vous connaitre…et je peus vous aidez a découvrir le sahara algérien »béchar,timimoun »c’est un monde magique…si vous me contacter je vous envoie des belles photos du sahara pour enrechire votre blog.
salut je m’appel mohamed je ss un homme de village d’ait ouaazik et l’ami de gardien ahmed .bref c’est vraiment sympa d’avoir les photos de mon village sur un site ca me rend fier de mon bled merci pour cela .ns vs invitons pour une autre visite soyez les bien venus
bonjour je m appelle lahssaine age de 29 ans guid et chef d un lieu dans la vallee des milles kasbahs ; on peutb diser que c’est la portes des paradis des roses…
bref je susi viens de ouvert mon projet comme maison d hote au centre du village el hot……. juste a cote de la grand kasbah dans le village merci ………….