Vous la connaissez forcément cette jolie petite acrobate habituée des mangeoires. La mésange bleue est toute petite, une dizaine de centimètres pour une dizaine de grammes mais elle ne s’en laisse pas compter. Agile, rapide et culottée, elle sait chiper des graines même lorsque la place est occupée par un chardonneret, un verdier ou encore un grosbec qui jouent l’incruste. Son chant participe pour beaucoup au paysage sonore de nos jardins. De fait, l’oiseau égrène à l’infini quelques thèmes mais notre oreille humaine, peu subtile, ne saisit pas forcément la diversité de ce répertoire vocal.
Mâles et femelles sont identiques, enfin c’est ce que nous croyons car, comme tous les oiseaux, la mésange bleue perçoit les ultraviolets. Grâce à la technologie, les scientifiques sont capable de fournir des images qui montre ce que notre œil humain ne voit pas. Ainsi, l’éclat des différentes parties du plumage diffère significativement d’un sujet à l’autre. Cela concerne particulièrement la calotte plus vive chez les mâles et certains, en ont une, encore plus éclatante. Vous l’avez deviné, les femelles préfèrent ces derniers car ces couleurs vives signent un mâle en bonne santé.
La perception des couleurs est un processus bien connu. Au fond de l’œil, il y a une sorte de film photographique. C’est la rétine sur laquelle se projette les images. Elle est tapissé de deux types de récepteurs spécialisés dans la perception de la lumière : les bâtonnets et les cônes. Les premiers, surtout utiles en vision nocturne, sont très performants pour distinguer les formes et les contours. Les cônes apportent les couleurs. Il en existe 4 sortes. Les premiers perçoivent les bleus et les violets, les deuxièmes sont centrés sur les verts, les troisièmes couvrent les jaunes, oranges et rouges et les quatrièmes, les ultraviolets. Les trois premiers sont présents chez l’homme et les autres primates, les grands singes donc. Les autres mammifères ne disposent que de deux sortes de cônes et sont insensibles au rouge ainsi notre chien ou notre chat perçoit un monde bien plus terne que nous. Les oiseaux possèdent les 4 sortes de cônes, du coup, leur vision dite tétrachromate, est bien plus riche que la nôtre.
L’intensité du jaune de sa poitrine est une autre clé à disposition des oiselles pour apprécier les qualités d’un père nourricier. Des chercheurs de Barcelone ont sélectionné 70 couvées de parents connus et ont confiés les oisillons à des familles adoptives. Ils ont mesuré le taux de croissance de chaque petit à l’âge de deux semaines et ont constaté que les plus gros et les mieux nourris provenaient de nids dans lesquels le père adoptif avait la poitrine du jaune le plus intense. Ils ont ainsi démontré que ces individus là réussissaient le mieux à attraper les chenilles sans doute parce que s’ils fabriquent beaucoup de jaune, couleur coûteuse en énergie, c’est qu’ils sont en pleine forme d’où leur efficacité à la chasse.
Les mésanges bleues font une à deux nichées par an au maximum ce qui est assez peu. Par contre, chaque nichée est importante, jusqu’à 10-12 oisillons, d’où la performance des parents qui doivent rapporter au nid une quantité époustouflante de chenilles. Imaginez le nombre d’aller retour d’autant que la mésange bleue n’apporte qu’une seule chenille à la fois. De plus, lorsqu’elle attrape une grosse chenille qui a des mâchoires et des pattes susceptibles d’endommager les bouches de ses minuscules bébés, elle les prépare en arrachant la tête et en enlevant les viscères, sans doute à cause des tanins qu’ils contiennent et qui réduisent la vitesse de croissance des oisillons.
Les oiseaux sont d’extraordinaires bâtisseurs. Les petites mésanges bleues tapissent l’intérieur de leurs nids de poils de mammifères pour le rendre plus douillet. Quand vous brossez votre chien ou votre chat, n’hésitez pas à accrocher les touffes de poils obtenues sur des branches et autres supports. Vous serez étonnés par la rapidité avec laquelle une mésange viendra chiper votre cadeau.
Pour parfaire le berceau, elle le parfume avec des plantes aromatiques. Les scientifiques ont étudié sur plusieurs années un groupe de mésanges bleues en Corse. Ils sont formels : elles ne choisissent pas les plantes au hasard. Toutes celles qui ont leur prédilection, libèrent des substances volatiles très odorantes qui ont des propriétés répulsives et bactéricides qui protègent les oisillons. Dès que les émissions de ces substances actives cessent, les mésanges les remplacent par des plantes fraîches et ce renouvellement est souvent quotidien.
☞ écouter la chronique (5′49″)
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20 mars 2020 © Danièle Boone