Nature Nièvre : les osmies

Le trou servant à l’écoulement des eaux de vos fenêtres en bois est bouché par un opercule de terre. Rien de grave, c’est l’ouvrage d’une osmie rousse. Cette abeille solitaire à peu près de la taille d’une abeille domestique, soit 10 à 12 millimètres, est facile à reconnaître : son corps, noir à l’avant et roux vif à l’arrière est couvert d’une fourrure semblale aux bourdons. Cela peut être aussi une osmie cornue, très semblable, mais avec des cornes plus marquées. Les mâles sont les premiers à percer la fine cloison d’argile de leur cellule fin février début mars. Les femelles apparaissent une dizaine de jours plus tard. En les attendant, ces messieurs s’agglutinent autour des trous d’envol. Une grande agitation annonce l’émergence des femelles et les affrontements pour gagner le droit d’être le géniteur sont parfois violents. Quelques jours après les accouplements, tous les mâles meurent.

☞ Le mâle n’a qu’un rôle reproducteur et ne contribue en rien à la réalisation des loges destinées à accueillir les œufs. Tout le mérite revient à la femelle. L’osmie est heureusement équipée de deux cornes sur le front qui lui servent à façonner le pollen et les boulettes de terre ou de boue qu’elle apporte dans son nid. Elle construit avec ce mortier une cellule qu’elle garnit de pollen mélangé à du nectar. Elle y pond un œuf puis ferme la cellule avec une cloison d’argile, ce qui lui vaut d’être nommée abeille maçonne. Elle recommence l’opération jusqu’à ce que la galerie soit remplie. Les cellules les plus proches de l’entrée contiennent les mâles qui se développent plus rapidement que les femelles installées au fond de la galerie. Pour protéger sa progéniture d’éventuels prédateurs, comme le pic épeiche par exemple, elle laisse une sorte de vestibule vide, à l’extrémité de la cavité, qui est ensuite obturée par un bouchon terminal plus épais. Ensuite elle cherche une autre galerie pour poursuivre sa tâche. Au total, elle pond une quinzaine d’œufs.

Comme la plupart des hyménoptères, cette grande famille d’insectes qui rassemble abeilles, guêpes et fourmis, l’osmie peut choisir le sexe de l’œuf qu’elle pond. Après l’accouplement, les spermatozoides sont stockés dans une poche interne appelé spermathèque. La femelle peut libèrer ou non du sperme pendant qu’un ovule descend dans l’oviducte. L’œuf fécondé, dit diploide, donnera naissance à une femelle. Au contraire, l’œuf non fécondé dit haploïde va se développer en mâle. La femelle peut ainsi choisir d’engendrer des filles ou des garçons, ce qui est assez exceptionnel dans le monde animal.

La période de nidification s’étale du mois de mars au mois de juin. Les premières osmies à émerger de leur logette sont donc les mâles. L’osmie rousse, comme l’osmie cornue, installe normalement son nid dans une tige creuse ou une galerie dans le bois mort mais comme il y a crise du logement, elle squatte nos fenêtres. Pour éviter ce genre de tracas pas très ennuyeux au final, il suffit de leur fabriquer un nichoir composé de tiges creuses d’ombellifères ou de sureau, ou encore de percer quelques trous de 8 mm de diamètre et de quelques centimètres de profondeur dans du bois non traité. Ces abris doivent être horizontaux et abrités de la pluie qui pourrait détruire les bouchons de glaise. Ces nichoirs seront vite colonisés. Les osmies sont des abeilles très pacifiques qui se laissent observer de très près. Mais ne les gênez pas dans leurs allées et venues et évitez de vous poster face au nichoir afin de leur laisser l’accès libre.

 Une autre osmie, l’ osmie bicolore, ne construit ses nids que dans des coquilles d’escargots vides ! Après avoir cherché et trouvé la maison idéale, la petite abeille se place dessous, sur le dos, et agite ses pattes pour la faire tourner. Une fois l’ouverture dirigée vers le haut, elle y dépose un mélange de plantes et de salive pour faire un « ciment végétal » puis elle amasse au fond, pollen et nectar. Après y avoir pondu un œuf, elle obstrue l’ensemble avec un caillou, puis tourne l’ouverture vers le bas. Enfin, elle la dissimule en la couvrant de feuilles ou d’aiguilles de pin. Deux jours de travail sont nécessaires pour un seul œuf ! Oui mais celui-ci a toutes les chances de ne pas être parasité. Avec ce travail titanesque, l’osmie bicolore n’aura le temps de pondre que six ou sept œufs mais si bien protégés que sa descendance est assurée. Les osmies sont précieuses au jardin car elles sont actives au moment de la floraison des fruitiers et participent à leur pollinisation dont dépend la fructification. Cela vaut bien un peu de tolérance pour les trous de fenêtres bouchés !

écouter la chronique (5′30″)


12 mars 2021 © Danièle Boone