Nature Nièvre : Que disent les oiseaux ?

Rossignol philomèle
Tous les oiseaux ne chantent pas. En Europe, seul un oiseau sur trois est chanteur. Tous les petits passereaux de nos jardins, mésanges, chardonnerets, pinsons des arbres annoncent en chœur les levers du jour printaniers. Bientôt le rossignol (photo) sera de retour et donnera de la voix même la nuit. Le chant est généralement le fait des mâles sauf exception comme madame rougegorge par exemple. Il a deux fonctions essentielles : attirer un partenaire et faire fuir un indésirable. Grâce aux recherches en bioacoustique, la connaissance du langage des oiseaux s’affine de plus en plus.

Jeune corneille
☞ Il faut différencier les chants et les cris de toute sorte. Les cris d’alarmes, bref et sonores, signifiant « Danger ! » sont compréhensibles par toutes les espèces. Si un geai ou un merle fuit bruyamment à votre approche, n’espérez plus voir un renard ou un chevreuil. Toute la forêt est au courant qu’un bipède est en vue. Car ces cris d’alarmes précisent le type de prédateur, aérien ou terrestre, grand, rampant, rapide ou lent, etc. Les cris de contact permettent aux membres d’un groupe comme les mésanges à longue queue en déplacement de ne pas se perdre de vue. Sur la photo, cette jeune corneille sortie du nid, mais pas encore indépendante, appelle ses parents. Les cris de harcèlement rassemblent les petits oiseaux pour houspiller en groupe un prédateur et le faire fuir notamment pour défendre un nid. Notre oreille humaine distinguent difficilement tous ces cris mais avec le développement de la bio-acoustique, la connaissance du langage des oiseaux s’affine.

Moineau domestique
Le chant est territorial et lié à la reproduction.  Les mâles annoncent aux femelles du voisinage : « Je suis de la même espèce que toi, j’ai un beau territoire, viens donc me voir. » Lorsqu’ils s’adressent aux autres mâles, c’est plutôt « Tire toi, ici c’est chez moi et pas touche à mon oiselle ! » Le chant des oiseaux provient d’un organe enfoui profondément dans leur poitrine, la syrinx. Constituée de cartilages et de membranes, elle accueille l’air qui vient des sacs aériens, sorte d’annexe des voies respiratoires. La tension des membranes qui vibrent à son passage est modulée par des muscles dont le nombre participe à la virtuosité du chanteur. Une seule paire chez la poule, quatre à sept chez les passereaux. Les autres vertébrés utilisent larynx et cordes vocales pour donner de la voix.

Accenteur mouchet
Chaque espèce a son propre répertoire avec de multiples variantes. Si les cris sont innés, les chants ne le sont pas. L’oisillon doit apprendre en imitant les adultes tout comme le bébé humain apprend à parler. Les chercheurs en neurosciences ont découvert que le chant comme la parole a son siège dans l’hémisphère gauche du cerveau et plus précisément, que les gènes des neurones impliqués chez les oiseaux s’activent de façon semblable aux nôtres pour la parole. A sa naissance, l’oisillon émet de simples petits cris pour quémander sa nourriture. Mais il entend son père chanter et, très vite, il tente de reproduire. Au début, ce ne sont que des babillages puis le chant s’affirme. Devenu indépendant, le jeune découvre le chant d’autres adultes et peut améliorer encore sa manière de chanter. Ça vaut la peine, car la qualité du chant est un des critères essentiels retenus par les oiselles pour choisir l’élu.


les bioacousticiens ont pu montrer que chaque oiseau possède sa signature. Le chanteur annonce qui il est : je suis un pinson, je m’appelle untel et je suis nivernais. Parce qu’il existe des dialectes. Un pinson nivernais ne s’exprime pas tout à fait de la même façon qu’un pinson alsacien.  Les dialectes sont des variations autour d’un même socle défini par des contraintes génétiques innées. C’est cette syntaxe, spécifique à chaque espèce qui permet aux ornithologues de reconnaître un oiseau à l’oreille.

En pratique, la signature permet aux oiseaux de se reconnaître. Si on fait écouter à un oiseau, un chant totalement étranger, l’oiseau est très agressif mais si c’est le chant du voisin qui déborde sur son territoire, il émet juste un rappel à l’ordre sonore car il sait que, finalement, ce voisin dont le territoire est stable n’a aucune vue sur le sien et ne représente pas vraiment un danger.

L’environnement participent aux variations ainsi les oiseaux urbains qui souffrent de la pollution sonore, ont été contraints de modifier leurs chants pour se faire entendre. Certaines espèces comme la mésange charbonnière les transposent dans l’aigu pour se démarquer des voitures qui émettent plutôt dans les basses fréquences. D’autres décalent leurs horaires et saluent l’aube un peu plus tôt lorsque la circulation est moindre. De plus, le chant est simplifié. Plus court et formé de note plus brèves, le message est plus efficace dans le brouhaha ambiant. C’est pourquoi le silence des hommes lors du premier confinement a été une bénédiction pour la nature et que, du coup, nous avons mieux entendu les oiseaux chanter.

écouter la chronique (6′37″)

Pour aller plus loin:
La symphonie animale – comment les bêtes utilisent le son par Antoine Fischetti, Vuibert éditions, 2007
Les animaux parlent – sachons les écouter par Nicolas Mathevon, HumenSciences, 2021

12 février 2021 © Danièle Boone