Lorsque je suis allée visiter la forêt jardin de Martin Crawford, j’ai découvert aussi Landmatters, un endroit proche où vit une communauté selon les principes de la permaculture, c’est à dire avec le moins d’impact écologique possible.
☞ La communauté s’est installée sur 1,6 ha dans le bocage du Devon, à la limite du Dartmoor dont on voit les collines à l’horizon. Pour y accéder, il faut emprunter de minuscules routes bordées de haut talus où il est impossible de se croiser. Huit familles avec des enfants se sont installées en 2003 dans ce bout du monde somptueux. En Angleterre, la scolarité n’est pas obligatoire. Ainsi les parents ont pour la plupart choisi d’éduquer leurs enfants à la maison. Lorsqu’ils sont plus grands, ils rejoignent un lycée. Seulement quatre familles originelles sont encore là. Les autres ont été remplacées par d’autres qui veulent tenter l’expérience. La communauté compte actuellement 9 adultes et 7 enfants. Deux familles pourraient encore s’installer. L’activité principale est le maraîchage.
Carl Surridge est arrivé il y a quatre ans. Comme tous les membres de la communauté, il cultive des légumes pour la coopérative mais exerce un autre métier. Il est ostéopathe et travaille deux à trois jours par semaine en ville. La communauté possède trois voitures partagées. Il n’y a pas de hiérarchie à Landmatters. Tout le monde participe à la gouvernance et les décisions sont prises par consensus. Quant au terrain, si le groupe se dissout, il sera donné à la société de permaculture britannique, une manière d’éviter toute spéculation.
Les maisons sont conçues pour limiter au maximum l’impact écologique. Ici vit une famille originelle. Au départ, il n’y avait que l’espèce de yourte devant et puis, avec l’arrivée des enfants, l’habitation a été agrandie en bois et toit végétalisé. Chauffage au bois, panneau thermique pour l’eau chaude, chacun est autonome mais peut profiter en même temps des structures communes (douche, panneaux solaires, récupération eau).
Certaines de ces constructions sont très élégantes, d’autres ressemblent à des baraquement mais elles ont toutes en commun d’être très confortable et d’optimiser l’énergie.
Le visiteur qui arrive à Landmatters découvre d’emblée un grand potager mandala, tout rond, une forme très appréciée des adeptes de la permaculture qui s’inspirent de la nature où, même en cherchant bien, vous ne trouverez ni ligne droite ni angle droit qui sont des inventions humaines!
La grande affaire de ces autres manières de vivre qui apparaissent un peu partout dans le monde est l’autonomie alimentaire. Toute personne sensée sait aujourd’hui qu’on ne sait plus ce qu’on mange et que la nourriture fait des milliers de kilomètres avant d’arriver dans les assiettes. A Landmatters, on pratique l’économie circulaire: l’argent est dépensé dans un périmètre de vingt kilomètres.
La première année, la communauté a observé. C’est l’un des principes de base de la permaculture. En prenant le temps de regarder, on voit que dans les milieux naturels, il n’y a pas d’espaces vides entre les plantes et le sol est toujours couvert. Voilà donc deux des principes de base de la permaculture au jardin.
Afin d’être au plus près de l’autonomie alimentaire, il faut pouvoir se nourrir toute l’année. La serre est donc un élément clef. Celle de Landmatters a été dessinée par un architecte de Totnes, ville voisine et surtout ville en transition. Je vous en parlerai dans un prochain article. Elle a été bâtie en 15 jours par une équipe de bénévoles qui était seulement nourrie. Mais elle a acquis un savoir-faire. Le bois est du mélèze qui vient de la lande locale.
Quelques chèvres fournissent le lait avec lequel on peut faire des fromages, source non négligeable de protéines.
Les cochons, eux, labourent! Il y a aussi quelques poules pour les œufs et quelques canards. Et bien sûr toutes les déjections de ces bestioles enrichissent le compost tout comme celles des humains. Ici, les toilettes sont sèches!
Cette mare récente n’est pas encore végétalisée mais cela va aller très vite. Elle va attirer plein de vie. C’est une grande alliée de la biodiversité. En permaculture, on travaille avec la nature et non contre elle. Donc on favorise l’autorégulation, l’équilibre. L’homme intervient le moins possible. C’est pourquoi, on choisit de préférence des plantes pérennes ou des plantes qui se ressèment seules. Non seulement, elles apportent l’abondance mais elles sont plus résistantes. La forêt jardin, comme celle de Martin Crawford, est également un concept de la permaculture.
A Landmatters, 800 arbres, boulots, frênes, cerisiers… ont été planté à la fois pour le bois et les fruits. L’arbre, la haie sont essentiels. On le redécouvre en permaculture mais aussi en agroforesterie ou en agroécologie. En permaculture, on plante sous les arbres, on fait monter des plantes grimpantes qui se mangent, bref, on invente toujours en s’inspirant de la nature.
La belle image de ce poney dartmoor qui trotte dans le vent a été ma dernière vision de Landmatters. Ils sont deux poneys à être pensionnaires de la communauté. Je me suis sentie formidablement bien dans cet endroit différent. Cela donne de la force et plein d’idées pour résister et être dans l’action, chacun à sa façon. Je remercie Carine Mayo sans laquelle je n’aurai pas découvert cet endroit. C’est la présidente de mon association de journalistes (JNE). Elle a porté le projet et mis beaucoup d’énergie à sa réalisation. Elle a écrit « le guide de la permaculture au jardin pour une abondance naturelle » que je vous recommande non parce que c’est une amie mais parce que ce livre est remarquable. Elle a rencontré des jardiniers qui pratiquent la permaculture et fait des stages pour mieux comprendre enfin, et surtout, elle pratique chez elle à la campagne.
Carine cite les 12 principes de la permaculture: observer et interagir, collecter et stocker l’énergie, créer une production, appliquer l’autorégulation et accepter la rétroaction, utiliser et valoriser les ressources et les services renouvelables, ne pas produire de déchets, partir des structure d’ensemble pour arriver aux détails, intégrer plutôt que séparer, utiliser des solutions à de petites échelles et avec patience, utiliser et valoriser la diversité, utiliser les interfaces et valoriser les éléments en bordure, utiliser le changement et y réagir de manière créative. Tout un programme n’est-ce pas mais, diablement passionnant!
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Le guide la la permaculture au jardin pour une abondance naturelle
Carine Mayo
Éditions Terre Vivante, 192 pages, 22 €
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05/06/2014 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation