J’ai profité du week-end de Pâques pour renouer avec les sorties naturalistes pas bien loin, à une vingtaine de kilomètres de Paris. Notre guide n’était pas n’importe qui, Françoise Serre Collet, spécialiste des amphibiens (grenouilles, crapauds, tritons et salamandres), au Muséum d’histoire naturelle. Nous nous sommes retrouvés en Seine et Marne, à la nuit tombée, dans un site plutôt urbain (des pavillons) qui a su conservé ses mares. ☞ La pêche a été plutôt bonne: trois espèces d’urodèles (tritons) et deux d’anoures (grenouilles). Nous avons en particulier pu voir le très joli triton crêté (Triturus cristatus). Le mâle n’arbore cet appendice de séduction qu’au moment des amours, c’est à dire en ce moment. Il se caractérise aussi par un joli miroir très visible sur la queue. Intriguée par deux femelles qui se faisaient du bouche à bouche, Françoise a regardé de plus près. En fait, elles avaient englouti un ver de terre chacune par un bout et aucune des deux ne voulait lâcher le morceau. Elles ont bien eu raison car le ver a fini par se rompre et chacune a pu finir son festin tranquille. Nous avons vu aussi plusieurs tritons ponctués (Lissotriton vulgaris) et d’autres, palmés (Lissotriton helveticus). Pour les grenouilles, une seule jeune grenouille verte (Pelophylax kl.esculentus) et une seule jeune grenouille agile (Rana dalmatina).
Françoise la passionnée n’est pas optimiste: le récent inventaire des amphibiens de la Seine et Marne montre que nombre de stations historiques d’espèces ont disparu. Des lieux de reproduction du crapaud sonneur à ventre jaune n’ont pas pu être retrouvés et d’autres ont vu leur niveau de population tellement réduit qu’on peut se poser la question de la pérennité de cette espèce à court terme. Cette disparition est probablement causée en partie par le remblaiement systématique des ornières et le curage des fossés.
Les agriculteurs comme les naturalistes participant à cet inventaire de Seine et Marne ont tous constaté la diminution, voire la disparition des espèces de leur enfance. Ainsi une petite grenouille verte, Pelophylax lessonae qui fréquente les milieux forestiers n’a été repérée que dans seulement cinq stations alors qu’il y a une dizaine d’années, il y en avait encore plein. Une des principales causes serait l’introduction de la grenouille rieuse qui supplante cette petite grenouille de Lessona en rentrant en compétition alimentaire et territoriale avec elle.
Actuellement, Françoise participe à l’inventaire des amphibiens dans le département des Yvelines qui vient de démarrer. Elle nous a raconté avec bonheur son observation d’un accouplement de crapauds accoucheur (une première pour elle et les naturalistes qui l’accompagnaient) dans le parc du château de Versailles! Il est trop tôt encore pour se prononcer sur ce département mais, hélas, un même son de cloche provient de toute les régions. Une espèce d’amphibien sur cinq risque de disparaître en France. Tous les amphibiens sont protégés (interdiction de les ramasser et de les déplacer) mais pas leur habitat. En un siècle, les trois quarts des zones humides ont été asséchées, souvent au profit d’une agriculture intensive ce qui signifie, en plus, l’utilisation des pesticides et d’engrais qui s’infiltrent dans les nappes phréatiques, polluant à la fois les sols et l’eau. Une autre cause importante de la mortalité des amphibiens est la circulation routière. Chaque année, à la même époque (février-mars), les couples d’amphibiens se réunissent sur les sites aquatiques de reproduction. Mais pour rejoindre la mare en question, ils doivent souvent traverser des routes. Et là, c’est l’hécatombe. Rebelote, quelques semaines plus tard pour leur retour sur leurs sites terrestres!
Que faire? Soyez vigilent et n’hésitez pas à mener des actions afin que les mares existantes ne soient pas détruites, aidez les à traverser les routes aux moments cruciaux, etc. Tout est expliqué dans la brochure Comment protéger nos amphibiens, éditée par l’Aspas, téléchargeable ici ou envoyée gratuitement sur demande par courrier avec une enveloppe A5 (16x23cm) timbrée à 0,90 € avec votre adresse.
Et si vous avez un jardin, vous pouvez toujours y faire une mare mais attention sans poissons – ces derniers mangent les pontes. Pour vous aider, J’aménage ma mare naturelle de Gilles Leblais (12 €) qui vient de paraître aux éditions Terre Vivante.
05/04/2010 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation
avez vous des informations sur la préservation de l’habitat par une méthode qui permet d’éviter le curage des fossés avec un système de filets ?
Si vous avez un jardin, un simple bassin en plastique d’environ 1,30 m de long sur 0,8 m de large pour 0,5 m de profondeur suffit pour attirer les libellules (qui viennent y pondre), les tritons, les grenouilles et d’autres bestioles aquatiques. Il ne faut pas y mettre de poissons. Un équilibre se fait et l’eau reste propre. Il suffit de retirer les feuilles qui tombent dedans et de limiter l’invasion de l’herbe et des boutons d’or.
Super reportage ! faudra que je m’interesse à ces bestioles !
Tu as fait, Danièle, un résumé parfait, vivant et sympa de la virée nocturne du 2 avril en alertant également tout un chacun des menaces qui pèsent sur les amphibiens.
bz