Une rencontre avec Pierre Rabhi ? Je n’aurai raté cette occasion pour rien au monde. Aussi lorsque les JNE, l’association des journalistes et écrivains pour la nature et l’écologie dont je fais partie, a proposé de lui rendre visite, je n’ai pas hésité. C’est que j’admire profondément ce petit homme modeste mais si grand en humanité. Depuis que j’ai lu « Parole de terre », livre à travers lequel je l’ai découvert dans les années 1990, il est un peu beaucoup mon maître à penser ou plutôt, disons, que ses paroles m’ont aidé à m’ouvrir à un autre monde.
☞ Il habite dans les Cévennes ardéchoises, un lieu magique avec vue à 360° sur les oliviers et les collines environnantes. « Lorsque je suis arrivée ici dans les années soixante, il n’y avait que des cailloux ». La terre semblait ingrate mais c’est là que Pierre Rabhi avait décidé de jeter l’ancre. A force de travail, d’amour et de respect, il a réussi à faire de cet endroit un paradis. « Ici le paysage est magnifique, l’air est pur, il est gratuit. Je me sens mieux qu’un milliardaire. »
A notre demande, il nous a raconté son parcours. Après la mort de sa mère, l’orphelin, âgé de 5 ans, est confié à une famille française ce qui lui vaut une double culture, algérienne et française. Bien qu’ayant beaucoup fréquenté Socrate, il se retrouve en usine comme OS (ouvrier spécialisé). Il sent que la vie est ailleurs et renonce vite à cette vie programmée pour être incarcéré en permanence de boîte en boîte sous prétexte de produire, produire, produire. En 1961, il décide avec son épouse Michelle, de partir à la campagne, une décision à contre-courant en cette période d’exode rural intense vers les cités et le monde industriel. Devenu ouvrier agricole, son rêve se brise lorsqu’il constate que les méthodes invasives ont envahi l’agriculture. Un jour, il lit l’ouvrage d’un disciple de Steiner sur la biodynamie, et découvre qu’il existe une autre manière de faire, respectueuse de la terre et de la vie. Il ne pulvérisera plus jamais de biocides. Il finit par convaincre les banques de lui prêter un peu d’argent pour acquérir, Montchamp, cette terre où nous l’avons rencontré. Il y a élevé ses cinq enfants et surtout prouvé qu’il était possible de lui rendre sa fécondité.
A l’entendre se raconter avec des mots toujours justes, on admire cette force intérieure à laquelle il n’a jamais renoncé malgré toutes les difficultés. « Il faut incarner l’utopie ». Sa vie en est la meilleure preuve. A 74 ans, il continue à semer des graines de par le monde. « Nous sommes dans un monde qui se désertifie dans tous les sens du terme, il est important de recréer des oasis partout ». En marge de la campagne électorale, il a lancé « Tous candidats » parce qu’il pense qu’il faut s’impliquer non pas dans une politique politicienne mais dans une politique humaine et surtout, « il faut rendre visible les initiatives multiples et provoquer le rassemblement des consciences ».
D’où vient la force de Pierre Rabhi ? « Je fais ce que je dis et je dis ce que je fais ». Ça a l’air tout bête n’est-ce pas et pourtant cela veut dire qu’il est en accord total avec lui-même. C’est aussi ce qui le rend si modeste. « Chacun doit faire son propre chemin, chacun a son destin, sa spiritualité, ses croyances. Moi, je met simplement en évidence que la vie est précieuse, celle d’un homme, d’une créature ou de la terre, et qu’il faut la préserver. » Il ne gaspille pas son énergie en colères inutiles et pourtant, c’est d’évidence, le type même de l’homme révolté. Il a su dire non de manière positive en construisant autre chose. Il ne cherche pas à convaincre, il montre. De fait, il participe à l’orientation de l’histoire avec sa fondation, le mouvement Colibris ou encore l’association Terre et Humanisme sans compter toutes les autres initiatives comme les Amanins parrainées par lui.
Même si le temps était compté, cette rencontre était forte. « L’acte politique le plus puissant qui puisse être dans cette société, c’est d’entrer en simplicité », dit Pierre Rabhi. Et je partage ce point de vue. Une fois effectué, ce passage est la voie au bonheur. J’ai la grâce d’y avoir accédé et c’est dans la simplicité d’une vie sobre au contact de la nature, que j’ai trouvé la sérénité. Toutes mes peurs sont tombées et je m’émerveille chaque jour de la richesse de ma vie. Planter une graine, la voir germer et devenir une plante qui va me nourrir, est un miracle quotidien. Et, comme le dit Pierre Rabhi, « Il faut se mettre dans une attitude de réceptivité, recevoir les dons et les beautés de la vie avec humilité, gratitude et jubilation. »
A lire sur ce blog ☞ Pierre Rabhi, Paroles de terre
Pour en savoir plus:
☞ Le blog de Pierre Rabhi
☞ Fondation Pierre Rabhi
☞ Mouvement Colibris
☞ Terre et Humanisme
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06/03/2012 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation
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Très beau portrait d’un grand homme qui en inspire beaucoup ! Humilité est le mot qui revient souvent pour le définir…