Qui dit que les chiroptères sont des mal aimées ? Près de 400 personnes se sont retrouvées ce week-end à Bourges pour les rencontres nationales “chauves-souris” de la SFEPM (Société Française pour l’Etude et la Protection des Mammifères). Les participants sont venus de toute la France mais aussi de Belgique et de Suisse. Première constatation : la présence de beaucoup de jeunes passionnés, filles et garçons. La raison de cet engouement : c’est un secteur où il reste énormément à découvrir.
☞ Infrarouge, radiopistage, détecteurs d’ultrasons, radars sont autant de moyens techniques relativement récents au service des scientifiques qui étudient ces mammifères nocturnes, le but étant de mieux les connaître pour mettre rapidement en place des moyens efficaces pour leur sauvegarde. En effet, si les chiffres montrent que de nombreuses populations se portent plutôt bien, c’est tout relatif. Le point de comparaison se situe par rapport aux chiffres les plus bas des années 1980 où elles ont bien failli disparaître. L’interdiction du DDT est arrivée in extremis mais rien n’est gagné. L’agriculture intensive continue à utiliser bon nombre de biocides et à faire disparaître les haies qui sont essentielles à bien des espèces. C’est pourquoi l’analyse par Julie Marmet (MNHN) des anciens registres de bagages qui remontent à 1936, est fortement intéressante. C’est une manière de raviver la mémoire écologique.
La communication de Laurent Tillon (ONF), consacrée à la forêt de Tronçais, a montré l’impact de l’environnement sur les populations. Conserver un arbre hôte seul ne sert à rien. Il faut maintenir le réseau de gîtes. En effet, ces bestioles ne dorment généralement pas plus de trois jours de suite dans le même gîte. L’étude réalisée en collaboration avec le groupe chiro d’Auvergne se poursuit depuis une quinzaine d’années, un temps suffisamment long pour établir des conclusions. Cette forêt de 10 000 hectares, très riche en biodiversité, compte notamment 21 espèces de chauves-souris. Mais elle est aussi très exploitée. A elle seule, elle représente entre 10 et 15% des revenus de l’ONF. Une large zone centrale a été mise en régénération. Les vieux arbres y ont complètement disparus, les grands murins aussi !
Autre communication passionnante sur le taux de carbone dans les grottes qui augmente encore plus vite que dans l’air. Nicolas Klingera s’est fait le rapporteur du travail de Jean Godissart et Camille Ek, deux scientifiques belges. Les mesures sont formelles et, dans le cas de la grotte de l’Abîme à Comblain au Pont, grotte d’intérêt scientifique ouverte au public, la part due aux visiteurs dans cette augmentation se révèle infime. Schémas présentant le cycle du carbone à l’appui, la démonstration était sans appel. Il se pourrait bien que dans les années qui viennent des grottes soient fermées au public. Et les chauves-souris? Vous le devinez, elles évitent les salles où la teneur en CO2 est la plus élevée. Mais si celle-ci continue à monter, que vont devenir les chiroptères cavernicoles?
L’ensemble des interventions était extrêmement riche, notamment pour moi qui suis néophyte. Il y a été beaucoup question de comportement à travers l’étude des territoires de chasse et de protection. Samedi, Ophélie Planckaert nous a présenté la mise en place du côté d’Avignon de corridors de vols pour le franchissement des routes par le grand rhinolophe. Les morts par collision comme pour bon nombre d’autres espèces, mammifères et oiseaux, sont en effet nombreuses. Un bitume spécial diffusant certains sons sensibles à cette espèce pourrait les éloigner. Dimanche, Hubert Lagrange a présenté les avancées du programme Chirotech destiné à restreindre la mortalité due aux éoliennes. Il suffit pour cela d’arrêter les éoliennes durant les pics d’activité des chiroptères. Les tests donnent d’excellents résultats : une moindre mortalité et une infime perte de rentabilité des installations acceptable par les industriels. François Moutou (SFEPM) a refroidit l’enthousiasme de Hubert Lagrange qui parlait d’une mission réussi en soulignant que, malgré tout, nous étions très loin de la mortalité zéro et qu’il ne fallait pas fournir un alibi aux industriels.
Le samedi après-midi était consacré à des ateliers. Le sujet de l’un d’eux était la sensibilisation du public. Ce fut l’occasion de voir un petit film amateur présenté par Christophe Borel (CPEPESC Lorraine). Une dizaine de personnes de tous horizons témoignent de leur cohabitation avec les chauves-souris. Ils racontent avec leurs mots à eux et tout est dit. Voilà, sans aucun doute, les meilleurs ambassadeurs des petits mammifères. Ensuite Dominique Solomas (SFEPM) a présenté l’opération refuges. A l’instar des refuges LPO, les particuliers peuvent faire de leur espace un refuge à chauves-souris et installer bien visiblement une plaque. L’idée : interpeller leur voisinage ou les gens de passage afin d’engager le dialogue, de les intéresser à ces espèces et pourquoi pas, leur donner envie de faire pareil. C’est comme pour les sciences participatives à travers les comptages, l’idée est de motiver monsieur tout le monde. Plus nombreux seront leurs protecteurs, plus les dames de la nuit, auront de chance de nous accompagner et de nous rendre leurs précieux services – elles dévorent nombres d’indésirables nocturnes comme les moustiques – encore longtemps.
☞ le site du Museum de Bourges
06/03/2012 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photographies est soumise à autorisation