La nouvelle enquête de Fabrice Nicolino qui sans relâche dénonce l’empoisonnement collectif à grande échelle orchestré par les industriels vient de paraître aux éditions Les liens qui libèrent. L’histoire est la même à chaque fois : des mensonges éhontés, des conflits d’intérêts et une âpreté au gain sans scrupule. Leur alerte auprès des autorités sanitaires étant restée sans réponse, neuf scientifiques dont Pierre Rustin, directeur de recherches à l’Inserm ont signé en avril 2018, un article dans Libération pour alerter publiquement les autorités sanitaires des risques potentiels présentés par une nouvelle famille de pesticides appelés SDHI et demander la suspension de ces derniers. Ces pesticides que personne ne connaissait jusque là sont épandus partout en France. Utilisés sur de très grandes surfaces agricoles comme fongicides, ils agissent en bloquant une enzyme nécessaire à la respiration cellulaire, présente non seulement chez les champignons et les moisissures ciblés mais aussi chez les humains. Ils peuvent entraîner la mort des cellules en causant de graves encéphalopathies ou au contraire une prolifération incontrôlée des cellules provoquant des cancers non seulement chez ceux qui les épandent, mais possiblement aussi chez les consommateurs qui les retrouvent dans leur assiette.
☞ Face au silence assourdissant de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) sensée nous protéger, on ne peut être que révolté. « La France autorise en 2019 onze substances actives de SDHI, dont la plupart ont été autorisées chez nous après 2013, ce qui est un point fondamental, écrit Fabrice Nicolino. Car si les SDHI sont désormais omniprésents, cela fait bien peu de temps. Les éventuels effets délétères de ces molécules ne peuvent encore être réellement connus .» Les SDHI posent la question de l’évaluation de la dangerosité des pesticides parce que les normes actuelles, la façon dont on homologue, dont on cherche l’éventuelle toxicité d’un pesticide sont totalement désuètes. L’Anses en ne levant pas les autorisations de mise sur le marché de ces produits, balaie le principe de précaution pourtant inscrit dans la loi française, un scandale récurrent dont nombreux citoyens ont désormais conscience. Dans cette enquête qui se lit comme un roman policier, Fabrice Nicolino dénonce avec véhémence les conflits d’intérêts qui règnent au sein même de l’Anses, une agence publique payée avec de l’argent public qui a refusé de recevoir le journaliste. Il est bien entendu que tant que l’on tergiverse, les substances dangereuses continuent à se vendre : le marché mondial des SDHI est passé de 100 millions de dollars en 2005 à 2,6 milliards de dollars en 2018 et pourrait atteindre 6,4 milliards de dollars dans cinq ans.
Le crime est presque parfait, éditions LLL – Les liens qui libèrent, 256 pages, 20 € – www.editionslesliensquiliberent.fr
07/10/2018 © Danièle Boone