… Mais soudain, ils se mettent à mourir au point de presque disparaître. Après bien des recherches, un endocrinologue français finit par découvrir que leur décès est dû à une hémorragie surrénale provoquée par le stress! Trop nombreux, ils ont des problèmes de territoire. Même chose pour les rats. Ils prolifèrent tellement dans les sous-sols de nos villes qu’ils deviennent agressifs entre eux et ne sont plus capables de coexister. Les mères dévorent leurs petits et les mâles s’entretuent.
« Dans la salle des marchés, le trader répète à l’infini le même scénario: créer de l’argent avec de l’argent, explique Boris Cyrulnik. L’extraordinaire vitalité de l’économie américaine s’est retournée contre elle en provoquant une fuite en avant financière: on emprunte, on construit, on s’endette, on monte des entreprises, on se casse la figure, on recommence… Mais à force de mettre du charbon dans la chaudière, on la fait exploser ».
Dans le monde animal, la surpâture est souvent fatale. L’homme s’est déjà retrouvé en état de « surpâture » plusieurs fois. Le plus ancien des exemples cités par Cyrulnik remonte au XIe siècle, avec les moulins à vent, le stockage de la farine, la prolifération des rats et… la peste. L’homme semble avoir toujours survécu grâce à son incroyable capacité à rebondir, la fameuse résilience. Du coup, l’éthologue est optimiste: « Nous allons encore une fois nous en sortir parce nous allons évoluer. Nous ne reviendrons pas au système antérieur où l’hyperadaptation de quelques-uns au détriment des autres a mené au chaos. Nous allons inventer quelque chose, qui finira sans doute par induire à son tour un phénomène de surpâture… »
Cet article est resté dans un coin de ma tête puis, hier soir, j’ai vu La Belle Verte, un film de Coline Serreau qui a fait un bide lors de sa sortie il y a douze ans, mais qui pourrait bien faire une seconde et brillante carrière tant il est actuel et drôle. La Belle Verte, c’est une autre planète où l’on vit heureux jusqu’à 250 voir 260 ans. Cette planète a connu autrefois l’industrialisation, la pollution et… la monnaie mais il y a déjà longtemps. Une habitante de la Belle Verte accepte de faire un tour sur la Terre… Oui, cela pourrait être complètement farfelu – de fait, ça l’est – mais c’est aussi plein de sens.
La projection, organisée par les JNE, association des journalistes nature et écologie, était suivie d’un débat sur le thème « Utopies d’hier et d’aujourd’hui pour un monde meilleur ». A la tribune: Patrick Viveret, philosophe, conseiller à la Cour des Comptes, et auteur entre autres du Paradoxe de l’Erika, une pièce de théâtre détonnante, Philippe Desbrosses, expert en agriculture biologique, Fazette Bordage, spécialiste de la transformation de friches industrielles en lieux d’artistes et Olivier Rey, chercheur en mathématiques au CNRS et enseignant de philosophie à l’Université de Paris I.
J’ai particulièrement adhéré aux propos de Patrick Viveret sur l’argent qui, maintenant, ne fait plus que de l’argent…!!! Le racourci est un peu brutal mais c’est quand même cela… D’ailleurs, vous pouvez le constater par vous même: l’argent est devenu virtuel. Avec les chèques, et surtout les cartes bancaires, on ne le manipule plus directement. Des chiffres sont inscrits qui produisent d’autres chiffres dans un toujours plus qui a fini par nous mener droit dans le mur.
La monnaie a été inventée pour être un moyen d’échange, de relation sans affect entre les personnes mais l’argent abstrait, le « pognon » vers lequel tout le monde court est un outil de pouvoir et de domination. Ainsi, les façons de penser de Boris Cyrulnik, Coline Serreau et Partick Viveret apparemment très différentes aboutissent toutes à une même conclusion: le surpâturage ou l’hyperadaptation de quelques un au dépend de tous les autres pour reprendre la terminologie de l’éthologue. Et pourtant, curieusement, une fois ceci constaté, pas de pessimisme au contraire. Tous les systèmes d’échanges qui ont été inventés ou réinventés ces dernières années ont pour point commun de recréer de l’échange de proximité là où la monnaie officielle ne remplit plus cette fonction. Et dans ce domaine, la créativité va bon train. Les utopistes d’hier, Rahbi notamment, apparaissent aujourd’hui comme des ouvreurs de voies. Coline Serreau leur consacre d’ailleurs son prochain film. Son titre: « Solutions locales pour un désordre global – la terre vue de la terre« . De là à dire que tout est bien dans le meilleur des monde, non, mais l’espérance, oui. L’impasse dans laquelle se trouve le monde va nous obliger à inventer autre chose, notamment sans doute à recréer du sens et de l’humain. Il suffit sans doute de lâcher prise et dépasser nos peurs pour s’éloigner résolument du tunnel, prendre les chemins de traverse et se lancer dans l’aventure.
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