Marielle et Simon, deux jeunes woofer lillois, m’ont accueilli à mon arrivée aux Amanins en fin de journée. Tandis que nous dégustions un délicieux repas arrosé de picon bière, ils m’ont raconté leurs quelques mois d’expérience.
☞ Le woofing est une autre manière de voyager. En échange de travaux divers, les woofers fournissent un travail, éco-construction, soins d’animaux, etc. Ils découvrent ainsi d’autres modèles, d’autres façons de vivre, plus solidaires des autres mais aussi de la nature. «Nous ne serons plus jamais tout à fait pareils après» constate Marielle non sans quelques appréhensions pour le retour à la vie « normale ». Le lendemain, j’ai partagé le petit déjeuner avec Dominique, le « bienveilleur » du lieu, le seul qui habite sur place. « Ici, c’est une communauté d’activités mais pas une communauté de vie », remarque cet ancien guide de montagne, premier objecteur de conscience à la Frapna Ardèche et cofondateur sociétaire de la Scope des Amanins.
Les Amanins, c’est une utopie qui s’est incarnée à partir de trois personnes. Pierre Rabhi souhaitait sensibiliser le grand public en invitant des familles dans un cadre d’agroécologie. Michel Valentin, un industriel en quête de résilience, a mis son savoir faire économique et juridique ainsi que des sous au service du projet. Isabelle Peloux, professeur des écoles, et compagne de Michel Valentin, a apporté sa pratique pédagogique pour fonder l’école du Colibri qui a ouvert ses portes en 2006. Elle a notamment mis en place une éducation à la paix, avec son environnement, avec l’autre et surtout avec soi. Cette « matière » est enseignée nulle part ailleurs. Outre le cursus scolaire classique, on apprend à l’école du Colibri le vivre ensemble avec des outils comme la médiation ou les jeux coopératifs.
Les enfants apprennent entre autres, « à lâcher leur patate », c’est à dire à accepter qu’une de leurs idées soit reprise et développée par quelqu’un d’autre. Chaque semaine, ils consacrent un bon moment au « coin du beau » parce que le beau cela fait du bien. Et puis, il y a la boîte à soucis dans laquelle on écrit ce qui tracasse. En le mettant dans la boîte, on ne s’en débarrasse pas mais on s’en dégage pour pouvoir assurer sereinement les activités de la journée. De fait, en faisant l’effort de l’écrire, on donne des noms à ses émotions et c’est un grand premier pas pour être en paix avec soi-même. Et dans cette école modèle, 15% des enfants sont des enfants en difficulté. Pourrait-on parler de solidarité sans cela ?
Les élèves sont des enfants du coin qui habitent à 20-25 minutes des Amanins. Les frais de scolarité (36 € mensuels par enfants) sont abordables. En contre partie, il est demandé aux parents de donner 10 demi-journées aux Amanins. Ils peuvent participer à un chantier ou tout simplement aider à la préparation des repas. Les parents reçoivent une formation aux devoirs, à l’éducation à la paix et aux jeux coopératifs ainsi, il y a une vraie cohérence entre l’école et la maison.
Le centre accueille aussi des familles, des classes vertes, des jeunes en séjours vacances. Une seule formule, la pension complète. C’est que la nourriture ici est aussi très importante. Tout est produit sur place, les légumes et les fruits, les céréales et les légumineuses, le fromage, les œufs, le pain. Une vache va arriver très prochainement ainsi il sera possible de faire aussi du beurre. Et le chef sait merveilleusement cuisiner les produits dont il dispose – en trois repas, j’ai eu le temps de tester et c’était vraiment absolument délicieux. Cette quasi autonomie alimentaire a été menée parallèlement à la mise en place d’une autonomie énergétique (panneaux solaires, éolienne,bois,bâtiment à basse consommation). Les séjournants sont invités à participer aux activités quotidiennes – s’occuper des bêtes, récolter les légumes, participer à la construction. Pour eux, comme pour Marielle et Simon, c’est une manière de prendre conscience que l’on peut échapper au dictat de la consommation pour la consommation
Houari le Berger est aussi le boulanger. Le pain est fait deux fois par semaine. Il fait ses deux métiers avec le même amour. Et c’est un bonheur de voir les brebis, les chèvres et même les cochons vivre leur vie de brebis, de chèvres et de cochons. Ces derniers disposent d’un espace pour gambader et ils en profitent bien. Les animaux sont respectés mais sans angélisme pour autant. « La première année, explique Isabelle, lorsque les porcelets étaient devenus grands et gros, j’ai expliqué aux enfants qu’ils allaient être tué et mangé. Ils ont d’abord été très révoltés par cette réalité nécessaire pour se nourrir mais lorsqu’ils ont su qu’au printemps suivant, lorsqu’il y aura à nouveau abondance de petit lait, il y en aurait d’autres, ils ont mieux pris leur disparition. »
C’est ainsi que se fait l’apprentissage de la vie aux Amanins, dans la réalité mais aussi et surtout dans le respect du vivant.
16/03/2012 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation
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