Jardiner sur sol vivant

Tomates
Les tomates sont protégées par un paillis de foin. Les laitues profitent de l’ombre des tomates.

La sécheresse déroute les jardiniers. Rien ne se passe comme on le croit. Même en arrosant, les légumes boudent. Les insectes se font rares hormis les altises qui dévorent les capucines, les choux, les navets, etc. Les courgettes ne se développent plus faute d’avoir été pollinisées. Depuis que j’ai compris cela, je m’arme chaque matin d’un coton-tige et pollinise à la main. Il faut bien apprendre vu que, hélas, nos lendemains risquent d’être désenchantés. Le comble de l’incompréhension, ce sont les tomates qui ne mûrissent pas malgré la chaleur. Lors d’une conversation entre jardinières, l’une d’elle a dit que les siennes se dessèchent sur pied. Leurs fleurs ne s’épanouissent plus annihilant tout espoir de récolte ultérieure. Bon les miennes sont belles. Elles font des fleurs même si c’est avec parcimonie à part pour les tomates cerises. Mais elles mûrissent au compte-goutte. Mon paillage d’une bonne épaisseur de foin semble y être pour quelque chose, les autres jardinières paillant on fait le même constat que moi. Depuis cette conversation, j’abrite en plus la base des tomates avec des cageots et, elles font des efforts. Les deux jours de pluie du week-end et une température inférieure à trente et me voilà prête à déguster ma première vraie salade de tomates de la saison! Tout ce préambule pour vous parler du livre de Gilles Domenech, « Jardiner sur sol vivant » qui a pour sous-titre « Quand les vers de terre remplacent la bêche. »

Poivrons
Les poivrons fructifient sans souci grâce à leur paillis de foin

☞ Dans ma encore jeune expérience de jardinière, je me suis lancée timidement dans le paillage, il y a deux ans, avec de bons résultats mais ma litière était un peu maigre. J’ai réitéré l’année dernière inaugurant à l’automne, un bon paillis de feuilles mortes sur quelques parcelles libres. Ce printemps très humide empêchait de travailler le sol et, donc, de semer. Je me suis lancer à tracer un sillon dans une des parcelles où j’avais mis des feuilles mortes dont, entre parenthèse, il ne restait rien grâce aux petites bêtes du sol. Et j’ai semé sans trop y croire des carottes. L’année passée, j’avais rencontré un jardinier qui n’a pas bêché son potager depuis 6 ans et qui avait des légumes magnifiques. Il m’avait dit avoir été, comme moi, très sceptique sur les résultats lorsqu’il s’était lancé. Sur cette même parcelle, j’ai planté et paillé immédiatement des choux fleurs, des brocolis et des céleris-raves. Résultat : les légumes sont superbes malgré la sécheresse et des doses hors norme de soleil brûlant. De fait, il faut accepter de lâcher prise, de ne plus tout contrôler et de laisser la nature travailler pour nous.

Le livre de Domenech paru chez LaroussePeu après avoir semé mes carottes, j’ai lu le livre de Gilles Domenech qu’une amie m’avait recommandé. J’y ai trouvé toutes les explications à mes questions.

Premier grand principe, « c’est la plante qui fait le sol. En effet, dans tout écosystème terrestre, ce sont les plantes qui fixent l’énergie du soleil et fabriquent toutes les matières organiques qui nourrissent ensuite le sol. » Cela m’a rappelé une réflexion de François Crutain, mon maraîcher bio qui travaille en biodynamie : « Ce qui est formidable, lorsqu’on le respecte, c’est que plus le temps passe, meilleur est le sol« .

Autre grand principe : « c’est la vie du sol qui gère sa fertilité. » Il faut donc la favoriser au maximum en donnant de quoi se loger et de quoi se nourrir aux aux organismes du sol.

« Le logement, c’est la structure du sol avec toute la diversité d’habitat qu’elle offre; depuis des cavités micrométriques  où s’installent des colonies de bactéries jusqu’aux galeries des vers de terre. Première action à entreprendre, une non action : ne pas détruire cet habitat, donc ne plus travailler le sol ou alors le moins possible !

Potager paillé avec un broyat de branches et feuilles
Mon jardin ici paillé avec un broyat de branches et feuilles est exubérant malgré la sécheresse

La nourriture, ce sont les matières organiques. Elles sont fournies par les plantes à travers les trois flux énergétiques: litière de surface, litière souterraine, rhizodéposition. La seconde action consiste donc à les apporter au sol par les amendements, par la restitution de résidus de cultures ou par l’implantation de végétaux dont le seul rôle est d’améliorer le sol.« 

Plate bande paillée
Les massifs de fleurs sont paillés aussi (photo réalisée au printemps)

En pratique donc, il est recommandé de réduire le travail du sol; apporter des matières organiques et produire de la biomasse végétale sur place. Des mots mais aussi des explications scientifiques et, en plus, des témoignages de jardiniers qui rendent tout cela bien concret car, bien sûr, il n’y a pas une recette unique. C’est à chacun d’adapter la théorie en fonction de son sol et de ses observations.

Ce qui m’a sans doute le plus surprise, c’est la position de l’auteur par rapport à ce compost que presque tous les livres de jardinage « autrement » recommandent. « J’ai conscience de venir ici bousculer un des piliers du jardinage bio classique » conclut-il en ayant pris soin d’expliquer cette prise de position. Gilles Domenech souligne bien qu’il ne part pas en croisade contre le compostage qui est une très bonne méthode de traitement des déchets organiques, un bon moyen de fertiliser les sols appauvris et de réaliser des semis en godets mais il considère qu’il « est préférable d’utiliser les ingrédients du compost directement au jardin en ‘compostage’ de surface », ce qui contribue à enrichir en permanence la biomasse au potager et évite l’attention nécessaire à la fabrication d’un compost équilibré et bien aéré. Il explique également que le compostage libère une grande partie de carbone contenu dans les matériaux initiaux sous forme de gaz carbonique, voire de méthane, ce qui n’est pas top pour le climat. Lorsqu’on dépose au fur et à mesure ses déchets organiques sur le sol paillé du potager, ce carbone est transformé sur place et intégré aux matières organiques du sol par les microorganisme du sol.

Bref, perso, j’ai dévoré ce livre aussi je le recommande à tous ceux qui ont la chance d’avoir un jardin et l’envie de jardiner de manière plus écologique, plus autonome et moins chronophage.


Jardiner sur sol vivant – Quand les vers de terre remplacent la bêche! par Gille Domenech. Préface de Dominique Soltner. Éditions Larousse, 14,90 €

☞ Voir le blog de Gilles Domenech


11/08/2015 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation.