
J’ai adoré cette exposition qui dévoile la place fondamentale de la musique dans le parcours de Vassily Kandinsky. Cet artiste majeur a libéré la peinture du sujet au profit de la couleur, ouvrant un nouveau chapitre de l’histoire de l’art.

☞ Kandinsky se destinait à une carrière juridique mais à trente ans, il décide de devenir peintre. Ce tournant, raconte-t-il dans son autobiographie Regards sur le passé, serait lié à deux expériences vécues en 1896 : l’émotion éprouvée devant l’une des Meules de foin de Monet présentée à Moscou et la découverte de l’opéra Lohengrin de Wagner au théâtre du Bolchoï. Ses premiers tableaux puisent leur inspiration dans l’art populaire russe. Toute sa vie, Moscou restera sa patrie spirituelle et visuelle.

La musique est une source permanente de réflexion pour Kandinsky. Pour lui, « la peinture est capable de manifester les mêmes forces que la musique ».

Pour réinventer le langage pictural, il suit le modèle abstrait de la musique. Comme elle, la peinture doit parler d’âme à âme, en dehors de tout sujet. Les titres de ses tableaux et ses écrits renvoient d’ailleurs souvent au vocabulaire musical.

Ses « Improvisations» marquent un jalon dans sa pratique : le basculement vers l’abstraction. Kandinsky donnera une définition de cette série de peintures dans du Spirituel dans l’art : « Expressions, principalement inconscientes et pour une grande part issues soudainement des processus de caractère intérieur, donc impressions de la ‘.nature intérieure.‘. J’appelle ce genre Improvisations ».

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Cette peinture nouvelle s’affranchit des conventions naturalistes. Bien qu’encore présente – on reconnaît parfaitement le cavalier et son cheval – la figuration se dissout dans l’intensité de la couleur.
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Le peintre perçoit dans l’œuvre de Schönberg découverte en 1911 un écho à ses propres recherches sur l’émancipation des formes et de la couleur. Libérée de la tonalité et traversée de dissonances, la musique de Schönberg brise les règles harmoniques, l’œuvre de Kandinsky celles de l’imitation de la nature.

C’est l’occasion de découvrir que le compositeur était aussi peintre. Entre 1908 et 1912, il a créé près de 300 œuvres, incluant des autoportraits, des portraits de proches, des visions hallucinées, des caricatures, des scènes de nature et des études de décor pour ses opéras. Une série de tableaux dans la veine expressionniste est proposée au visiteur.
En 1912, Vassily Kandinsky publie avec le peintre Franz Marc, l’Almanach du Blaue Reiter (Cavalier bleu). Véritable manifeste pour un art total où fusionnent toutes les formes de créations, l’Almanach réunit des reproductions de peintures anciennes et modernes, des icônes russes, des dessins d’enfants, des œuvres d’art populaire et des partitions de Schönberg, Webern, Berg.

J’aime beaucoup cette gravure sur bois en couleur, le mouvement du galop parfaitement rendu. Seules quelques lignes bien placées et des taches de couleurs permettent de définir le sujet. On sent que le peintre est sur le point de passer du réalisme à l’abstraction.

En 1922, Kandinsky devient enseignant à l’école d’arts du Bauhaus, fondée en 1919 à Weimar. Porté par l’exigence pédagogique, le peintre systématise sa pensée et formalise une grammaire de l’abstraction visuelle, toujours habitée par la musique. Parallèlement, l’art scénique, véritable prolongement de son œuvre picturale, définit un champ d’expérimentation essentiel. En 1928, il met en scène pour le Bauhaus les Tableaux d’une exposition du compositeur russe Moussorgski. Le parcours en présente une reconstitution théâtrale réalisée en 1984 par l’Universität der Künste de Berlin.

En 1931, il reçoit la commande d’une décoration murale en céramique d’une salle de musique pour l’exposition d’architecture de Berlin détruite à la fin de l’évènement. Une version reconstituée en 1975 a été réalisée par Suzanne et Jean Leppien, anciens élèves de Kandinsky au Bauhaus. C’est l’une des réalisations majeures de Kandinsky et le point d’orgue de son esthétique picturale.
Philharmonie de Paris jusqu’au 1er février
221 avenue Jean-Jaurès, 75019 Paris – Tél.: 01 44 84 45 00 https://philharmoniedeparis.fr