Le bestiaire fantastique de Niki de Saint Phalle

Cette exposition à l’Hôtel de Caumont d’Aix en Provence invite à la découverte du bestiaire fantastique – oiseaux facétieux, araignées, serpents multicolores, dragons et autres créatures imaginaires – qui peuple l’œuvre haute en couleur de Niki de Saint Phalle. Figure incontournable de Nouveau Réalisme, mouvement artistique des années 1960, l’artiste est surtout connue pour ses « Nanas », joyeuses figures féminines colorées pleines d’allégresse. Mais l’exposition met surtout en lumière la place centrale des animaux dans son œuvre.

Le parcours est conçu comme un conte de fée, genre qui a façonné le monde imaginaire de Niki de Saint Phalle. De nombreux dragons et autres créatures fantastiques créés à partir d’assemblages d’objets hétéroclites, surgissent au fil des salles. Enfant, l’artiste franco américaine qui vivait à New York passait ses vacances dans le château familial de Huèze, dans la campagne nivernaise. Ce fût là le premier décor à sa fantaisie créatrice. Elle se racontait déjà des histoires merveilleuses où certains animaux dont les oiseaux étaient des guides tandis que des monstres terrifiants étaient tantôt des obstacles, tantôt des passages car si ses monstres sont hideux, elle les rend presque toujours domptables. Dans les extraits d’entretiens qui parsèment l’exposition, Niki raconte vouloir apporter la joie aux autres par son art, car c’est ce dernier qui la rend heureuse.

Niki de Saint Phalle invite à une communion entre tous les êtres vivants. La femme occupe une place centrale dans son œuvre en prenant la forme de la Grande Mère, sorte de déesse mère. Enlaçant un oiseau, allongée avec une queue de sirène ou chevauchant une licorne ou un dauphin, elle est le point d’équilibre entre nature et culture. Les animaux sont une manière de faire référence au merveilleux, à notre belle planète et sa nature si précieuse. L’attention qu’elle leur accorde est particulièrement visible avec les projets publics (fontaines, aires de jeu) et les projets d’architecture que l’artiste commence dans les années 1960. À vingt-cinq ans, Niki de Saint Phalle découvre Antoni Gaudí et s’émerveille de son célèbre parc Güell à Barcelone. Elle visite également le Palais du Facteur Cheval et les Watts Towers de Simon Rodia, des environnements d’art singuliers, bâtis des années durant par des artistes à part. Niki de Saint-Phalle a créé le Jardin des Tarots, un grand parc situé en Toscane truffé de sculptures monumentales, qu’elle a réalisé avec son mari, l’artiste Jean Tinguely.

Niki de Saint Phalle a peints, dessinés, sculptés des tas de monstres. Elle les a aussi filmés, comme en témoigne Un rêve plus long que la nuit. Ce long métrage réalisé en 1976 relatant le cheminement d’une fillette dans un monde fantasmagorique peuplé de dragons et d’hommes-oiseaux est présenté pour la première fois en France dans sa version restaurée. Ses créatures fantastiques lui ont aussi inspiré des œuvres textiles, des bijoux ou encore les décors d’un ballet de Roland Petit, L’Éloge de la folie (1966).

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Son amour et son respect des animaux, ainsi qu’une manière de penser le vivant sans hiérarchie lui valent d’avoir été reconnue a posteriori comme une pionnière de l’écoféminisme, dont les théories ont émergé dans les années 1970 en France et aux États-Unis. Dans le jardin de l’hôtel de Caumont, la sculpture monumentale Le Poète et sa muse, fait particulièrement écho à cette relecture contemporaine de son œuvre.

Niki de Saint Phalle est morte à 71 ans, emportée par une maladie pulmonaire chronique due à l’inspiration de substances nocives durant son travail. Elle utilisait en effet de nombreux plastiques et autres matières chimiques qu’elle modelait et ponçait sans protection. À cette époque, personne ne pensait que c’était dangereux !Elle est ainsi l’une des premières victimes d’une certaine forme de  pollution  au même titre que les victimes de l’amiante.

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Hôtel de Caumont jusq’au 5 octobre.
3 rue Joseph Cabassol 13100 Aix en Provence. Tél.: 04 42 20 70 01 – www.caumont-centredart.com

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11/08/25 © Danièle Boone