Le grand orchestre des animaux

Geai-Manabu-Myazaki
Il ne vous reste qu’au 8 janvier pour aller voir cette exposition à la Fondation Cartier mais courez-y si vous êtes sur Paris. Bernie Krause, musicien et bio acousticien américain, qui a enregistré les univers sonores des animaux dans le monde, a inspiré ce « grand orchestre des animaux » qui rassemble aussi des œuvres représentant nos multiples représentations de l’animalité, en résonance avec son travail. L’exposition est, de fait, une invitation à s’immerger dans une méditation, à la fois sonore et visuelle, autour du monde animal. Il est bien difficile de rester insensible à la qualité symphonique de cet orchestre menacé par la cacophonie humaine.

Moke-orchestre
☞ Le visiteur est dans un premier temps invité à explorer l’univers visuel du monde animal selon l’imaginaire des artistes mais aussi selon le réel. Le photographe japonais Manabu Miazaki a laissé les appareils se déclencher automatiquement pour saisir les animaux  via des capteurs à infrarouge. Bluffant ! Prenez le temps de regarder les onze courts films sur les parades de différents paradisiers, jardiniers et ménure de Nouvelle-Guinée. C’est une pure splendeur.

Bernie-Krause
Dans la seconde partie, au-sol, Plancton, aux origines du vivant, une installation de Shiro Takatani avec des images de Christian Sardet et une musique signé Ryuichi Sakamoto nous entraîne à la découverte d’un univers aquatique. Les auteurs parlent pour leurs œuvres de jardin zen, mais aussi d’un ballet du plancton qui a été photographié lors de la mission Tara. Mais ce plancton aux couleurs étonnantes s’appauvrit d’année en année.

Pour finir, les paysages sonores de Bernie Krause. La pièce est grande et sombre. Bernie pense à juste titre que les images prennent le pas sur le son. Alors ici, on apprend à ré-ouvrir ses oreilles. N’hésitez pas à vous installer directement sur le sol, allongé sur des coussins. Moi, j’ai commencé par m’asseoir, puis m’asseoir par terre pour finalement m’étendre car, de fait, si vous vous laissez emporté comme moi, et tout écouté, vous y resterez environ une heure et demi. Mais quel voyage !

Bernie Krause est musicien, bio acousticien. Il a travaillé avec les Doors, George Harrison… Mais aussi dans le cinéma, comme pour la bande-son d’Apocalypse Now ou Rosemary’s Baby. Puis un jour il a commencé à enregistrer les sons du monde animal, du monde sauvage et cela a révolutionné sa manière de comprendre la musique et le son en général. A 40 ans, il s’est inscrit à l’université et a mené un doctorat en bioacoustique, une science qui étudie la production, la réception et l’interprétation des ondes sonores par les êtres vivants et il  s’est mis à parcourir le monde avec son micro, en quête de l’empreinte sonore du vivant. Tout au long de sa carrière, il a collecté plus de 5.000 heures d’enregistrement d’habitats naturels sauvages (terrestres et marins), peuplés par près de 15.000 espèces. Plus que les animaux, ce sont les écosystèmes qui l’intéressent : il est ainsi un des premiers à avoir parlé de biodiversité et de paysages sonores. Il a aussi conçu l’idée de niche acoustique : chaque espèce développe son chant, sa voix, son cri sur le spectre sonore là où personne ne vocalise encore.

Hélas, aujourd’hui près de 50% des habitats figurant dans ses archives sont aujourd’hui gravement dégradé. Bernie Krause estime que beaucoup de ces paysages sonores naturels, naguère si riches, ne peuvent désormais plus être entendus que dans sa collection qui comprend de plus de 2000 écosystèmes différents.  Dans l’exposition  il fait une petite démonstration, trois paysages sonores au même endroit sur une vingtaine d’années. Le dernier est quasiment silencieux. On entend juste un cri d’oiseaux par ci, par là. No comment.


Fondation Cartier jusqu’au 8 janvier

261 boulevard Raspail – 75014 Paris
écouter des extraits

☞ A lire : Chansons animales & cacophonie humaine. Manifeste pour la sauvegarde des paysages sonores naturels par Bernie Krause. Édition Actes Sud / Fondation Cartier, 16 €


24/12/2016 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte est soumise à autorisation.