Les fous sont partout !

Figures de fou est une exposition passionnante que je suis allée voir  lors d’une escapade parisienne. Les fous sont partout dans l’art du XIIIe au XVIe siècle puis ils reviennent au XIXe. Les fous d’hier sont-ils ceux d’aujourd’hui interroge cette exposition magistrale du musée du Louvre qui rassemble plus de 300 œuvres.

☞ La figure du fou fait son apparition au XIIIe siècle, dans les marges des manuscrits et livres enluminés. On appelle marginalia ces petits dessins de créatures en forme de trompettiste, de musicien avec une marmite sur la tête, mais aussi de babouin ou d’animal hybride mi-fauve mi-oiseau. Issus du monde des fables, des proverbes ou de l’imaginaire, ces monstres fantaisistes sortent bientôt des livres pour orner les vitraux, les pavements et les bancs en bois sculptés, les plafonds des bâtiments civils et religieux. Très vite, les fous sont partout.

Les fous règnent sur un monde qui fonctionne à l’envers. Dès les écrits de saint Paul, il est dit que ce qui est folie aux yeux des hommes peut être sagesse aux yeux de Dieu. Quelques hommes exceptionnels comme François d’Assise cité dans l’exposition mettent réellement en pratique cette inversion des valeurs. Il a abandonné l’aisance de sa famille, prêche aux oiseaux et s’habille comme un mendiant. Il reçoit les marques de la souffrance du Christ dans son propre corps. C’est pourquoi, dès son époque, on le qualifie de héraut ou de jongleur de Dieu, voire de « fou de Dieu ».

Mais, le plus souvent, la figure du fou est associé à des excès négatifs.: mensonge, luxure, cupidité. Le fou est un contre exemple à ne pas suivre. Au fil de l’exposition, on découvre ses différentes facettes.: la folie amoureuse puis les fous du roi. Dans les cours européennes, le rôle du bouffon est de contredire et d’amuser le souverain. Certains sont passés à la postérité, notamment grâce à leur portrait, tel Triboulet en France, Will Somers en Angleterre et Kunz von der Rosen en Allemagne. Ce fou subversif est tellement inscrit au cœur de la société de cour qu’il en devient un personnage de ses jeux : figure de pièces d’échec, atouts du jeu de tarot.

Autour de 1500, la figure du fou est omniprésente dans la société et la culture notamment au moment des fêtes. Au temps du carnaval, l’ordre social du monde est inversé. Le fou est le roi. On le reconnait à son costume bariolé et à ses attributs.: marotte, capuchon à oreilles d’âne et à crête de coq. C’est dans ce costume qu’il est passé à la postérité dans des portraits où il regarde le spectateur d’un air moqueur.

Deux ouvrages, La Nef des fous de Sébastien Brant (1494), puis L’Éloge de la folie d’Erasme (1511), inspirent des peintres comme Bosch ou Bruegel le jeune. Leurs représentations sont jubilatoires. Concert dans un œuf ou encore La Nef des fous pour le premier, Les proverbes flamands pour le second, sont un régal de détails montrant une humanité prisonnière du monde des sens.

La figure du fou tend à disparaitre lorsque triomphent la Raison et les Lumières toutefois elle ressurgit à la fin du XVIIIe siècle et pendant le XIXe siècle où se développe l’étude des maladies mentales. La représentation du fou devient réaliste comme pour cette Monomane de l’envie peinte par Géricault. L’exposition s’achève avec L’Homme fou de peur de Courbet, un autoportrait dans lequel l’artiste s’interroge sur ses tourments intérieurs.

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Musée du Louvre jusqu’au 3 février
Tél. :  01 40 20 50 50
www.louvre.fr
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15/01/2025 © Danièle Boone