Les jardins s’exposent au Grand Palais

Cézanne
Havres de couleurs et parcelles d’éternité, les jardins sont à la mode. Ils s’exposent au Grand-Palais. J’ai profité d’une courte escale à Paris pour une visite entre deux trains. Si ce n’est déjà fait, courez-y avant le 26 juillet. A la croisée de la peinture, de la photographie et des sciences, cette exposition retrace six siècles de création autour du jardin. La balade vaut le détour.

Fresque de Pompei
☞ La reproduction d’une fresque peinte retrouvée à Pompéi accueille le visiteur. Le parcours essentiellement thématique est conçu comme une promenade « jardiniste ». Le mot inventé au XVIIIe siècle par l’écrivain britannique Horace Walpole est la contraction des mots «jardinier» et «artiste».

« Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l’éternité », dit Gilles Clément. Et, il faut au départ, de la terre, de l’humus, thème de la première séquence de l’exposition avec une spectaculaire composition du japonais Kôichi Kurita qui a rassemblé 400 terres provenant de la vallée de la Loire, de la source à la mer. Cette « Bibliothèque de terres/Loire » au ras du sol, disposée sur un plateau de cinq mètre sur cinq, rassemble des terres prélevées dans des communes de vingt-huit département bordant le lit fluvial de la Loire et ceux de ses affluents. L’artiste a commencé un travail de collecte de terre au Japon, en 1990 où il recueille et archive des terres des 3233 communes de son archipels. Cette collection unique est sur le point d’être achevé. Et depuis 2004, Kôichi Kurita fait ce même travail en France. La Loire en est l’un des chapitres en quelque sorte.

Ancolie - DürerLes étapes de cette balade nous entraînent évidemment dans le monde de la botanique. Les fleurs par la diversité de leurs couleurs, de leurs formes sont un sujet inépuisable.  Pour moi qui adore les ancolies, j’ai complètement craqué devant l’aquarelle de Dürer à la fois très réaliste et tout en subtilité.

Les photographies de August Sander, Albert Renger-Palzch, Imogen Cunningham, Karl Blossfeldt, Man Ray sont de véritables portraits de fleurs. Les fleurs ont été prétextes à toutes sortes d’expérimentation comme en témoigne un joli photogramme réalisé par Édouard Boubat en 1994. En disposant des fleurs à même le papier sensible et en les insolant directement, il a obtenu une série de composition où les lignes nettes des tiges s’opposent à la douceur translucide des pétales éparpillés autour. Une seule image de ce photographe poète a été retenue pour cette exposition. Un vrai regret, et pas seulement parce que Édouard a été un grand ami, mais parce que ses photos de fleurs et de jardins comme la célèbre petite fille du Luxembourg sont de pures merveilles. Il aimait tellement les jardins, les plantes et la nature.

Et bien sûr, les amateurs d’herbiers se régaleront. La technique de l’herbier pour conserver les plantes a été inventée en Italie vers 1530-1540. Elle se répandit rapidement parmi les botanistes et gagna en popularité au fil du temps. De nos jours encore ceux qu’on désignait autrefois comme des Hortus siccus (jardins secs) sont des outils indispensables pour la taxonomie botanique.

Fragonard
Le jardin, lieu d’échanges sociaux, est l’un des fils conducteur de l’expo. Dans la Fête à Saint-Cloud de Fragonard, des arbres immenses et pourtant si légers, tranquilles et majestueux, encadrent les scènes qui s’y jouent, théâtre, marionnettes, énorme jet d’eau au centre et, au premier plan, un pot de fleurs renversé par la tempête qui s’en va. Ce décor somptueux n’est pas du au hasard. Depuis que les jardins existent, des architectes ont travaillé et travaillent encore à la création des jardins. Alors, l’exposition regorge de plans. XVIIe et XVIIIe siècles sont particulièrement représentés.

PicassoLa méditation temporelle, la fugacité des bonheurs offerts par un jardin, est l’un des autres fils conducteur de l’expo. « Je me suis fait un petit jardin, tout autour, où je peux me promener » écrivait Matisse. Le jardin devient le lieu de l’intime avec Picasso qui y peint Marie-Thérèse nue. Les peintres impressionnistes ont su, sans doute mieux que les autres, représenter les richesses infinies d’un jardin. Monet a même créé son fabuleux jardin de Giverny. Le « Jardin à Bougival » de Berthe Morisot mérite de prendre du temps pour l’admirer. Le « Jardin » de Pierre Bonnard aussi. J’ai particulièrement aimé le « Jardin au bord du lac de Thoune » de August Macke. Cette œuvre solaire et colorée suggère de tout évidence le jardin d’Eden.

Et bien sûr, pas de jardin sans jardiniers. Ils ont une belle place dans l’exposition. Brueghel le Jeune les représente au travail dans son « Allégorie du printemps« . Mais le tableau le plus extraordinaire est celui de ce vieux jardinier peint par Emil Claus. Il trône dans une salle au milieu d’une fabuleuse collection d’arrosoirs, en métal mais aussi en bois, en porcelaine… d’outils anciens de jardiniers mais aussi de géomètre.

Pour finir, je veux encore vous signaler un tableau de Édouard Debat-Ponson qui a peint son jardin parisien vers 1886. Un portillon de bois est ouvert sur le jardin comme une invitation à pénétrer dans l’allée bordée d’un buisson de lilas en fleurs. L’artiste a repris sur le large cadre un décor très léger de branchages qui reprend l’entrecroisement des ramures des arbres du tableau comme pour prolonger l’évocation de son jardin. De la poésie pure comme on en rencontre à plusieurs reprises dans l’exposition et comme en rencontre presque toujours dans les jardins, ces lieux magiques qui nous rapprochent de la nature.

Affiche
Jardins
Grand-Palais jusqu’au 24 juillet.
3, avenue du Général Eisenhower 75 008 Paris.
Tél. : 01 44 13 17 17
www.grandpalais.fr


9 juillet 2017 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte  est soumise à autorisation.