2014-2018, pendant 4 ans la première guerre mondiale a été largement commémorée mais un sujet semble avoir été oublié, ou plutôt mis de côté : les armes chimiques et conventionnelles déversées dans la mer du Nord et la Baltique. Le documentariste Jacques Lœuille a mené une enquête terrifiante diffusée sur Public Sénat. Le sujet est littéralement enterré par la France sous prétexte de « secret défense absolu » alors que les autres pays concernés, la Grande Bretagne, la Belgique, le Danemark, donnent accès à leurs archives et surtout cherchent à mettre en place des solutions pour éviter une catastrophe annoncée. Ce sont pas moins de 35 000 tonnes qui reposent au large de la très sélect plage de Knokke le Zoute. Imaginez, cela représente un millier de camions en volume. Ces restes encombrants avaient été purement oubliés jusqu’aux travaux de rénovation du port de Zeebruges en 1970. Une cinquantaine de sites sont répertoriés en « Mers du Nord ». En France, officiellement, il n’y en avait aucun jusqu’au jour où un de ces sites a été découvert accidentellement par Greenpeace au large de Cherbourg ! Notre pays serait peut-être le pays le plus concerné.
☞ Quelles sont ces armes chimiques ? D’abord, le fameux gaz moutarde à base de chlore nommé aussi ypérite car c’est à Ypres, en Belgique, qu’il a été utilisé pour la première fois en 1915, intoxiquant 15 000 soldats. En 1934, les allemands ont inventé d’autres armes chimiques organophosphoré qui ont des effets neurotoxiques mais qui n’ont pas été utilisées lors de la seconde guerre mondiale. Mais 300 000 tonnes ont été fabriquées et retrouvées à la fin du conflit. Les navires où elles ont été entassées ont été coulés au large du Danemark entre 1946 et 1948. Un accident est plus que probable : les armes reposent sous une fine couche de sable mais la pêche au chalut racle les fonds, un échouage de navire n’est pas à exclure. « Je suis convaincu que si nous ne faisons rien, c’est la mort des Océan » affirme Terrance Patrick Long, démineur a l’OTAN interviewé par Jacques Lœuille.
Jacques Lœuille a interrogé des pêcheurs qui travaillent autour de l’île danoise de Bornholm la mer la plus polluée du monde. Ils leur arrivent de remonter dans leurs filets une bombe ou un missile. Les pêcheurs en contact avec des résidus chimiques ont eu de terribles brûlures aux mains. Le Danemark donne une compensation aux pêcheurs et décontamine les bateaux. Le Danemark est le seul pays à avoir pris des mesures incitatives. Les pêcheurs non danois qui remontent des bombes n’ont aucun intérêt à le faire savoir. Pour ne pas avoir leur bateau immobilisé, ils remettent les engins à l’eau, ce qui ne fait que repousser le problème. Des études ont été faites sur les poissons qui nagent dans ces eaux troubles, en particulier les cabillauds. Ils présentent des blessures et des tumeurs. Ainsi, à notre insu, il peut y avoir, en plus de tout le reste, des traces de munitions dans notre alimentation !
Évidemment, à voir ce documentaire, on est révolté par la légèreté des hommes en général, des politiques et des militaires en particulier. Notre pays est l’un des premiers fabricants d’armes au monde. Si ces décharges chimiques sont devenues un problème environnemental majeur un siècle après leur déversement en mer, nous pourrions en tirer les leçons et méditer sur la gestion de nos déchets militaires. On sait aujourd’hui que les armes à l’uranium appauvri font des dégâts énormes et qu’elles vont polluer pour des siècles mais la France, pourtant si souvent donneuse de leçons, ne veut pas y renoncer. C’est un trop bon business ! Et nos déchets nucléaires enfouis en attendant de trouver une solution que l’on ne cherche même pas… C’est à tout cela que j’ai pensé après avoir visionné le film édifiant. Je vous conseille de regarder ce documentaire rigoureux (Real Productions / Image Création.com) qui va être rediffusé sur Public Sénat ce samedi 5 janvier à 16h30 et ce dimanche 6 janvier à 12h34.
4 janvier 2019 © Danièle