Moineaux en danger

Moinette

Toujours au plus proche de nous, avec leurs sautillement, leurs pépiements et piaillements, leurs chamailleries et palabres sans fin et même leurs sans gêne, les moineaux nous apportent leur joie de vivre. Mais les piafs célébrés dans les chansons, symboles de Paris, disparaissent des villes. En milieu rural, c’est très divers. Les scientifiques s’interrogent. Plusieurs pistes pourraient expliquer le phénomène.

☞ J’ai toujours adoré observer les moineaux. Lorsque j’habitais Paris, je m’amusais de leur côté culotté. Sur les terrasses, ils sont si familiers qu’ils n’hésitent pas à venir chaparder des morceaux du gâteau que vous êtes en train de déguster ! Dans les gares parisiennes, ils attendent les trains afin de récupérer les insectes écrasés sur la locomotive. On en a même vu voler devant l’œil électronique pour déclencher l’ouverture des portes des supermarchés !


Il n’est pas rare de les voir disputer la nourriture à bien plus gros qu’eux…

Moineaux mangeant du pain

et de gagner !

A la campagne, ils ne sont pas en reste. Chez moi, en hiver, la mangeoire est un lieu d’observation parfait pour les voir à l’œuvre. Ici, face à un Grosbec casse-noyaux. Un laurier leur sert de dortoir. En fin de journée, ça piaille, ça se chamaille pour la meilleure place avec une intensité sonore incroyable !

Moineaux au bain

En ville comme à la campagne, le bain est une activité à part entière. Lorsqu’un moineau arrive, il se pose sur le rebord de l’abreuvoir. Il regarde à droite, puis à gauche, puis, d’un petit saut, s’installe au milieu de l’eau. Il agite alors frénétiquement les ailes de haut en bas, éclaboussant tout à la ronde. Un deuxième moineau arrive, puis un troisième. Très vite, une dizaine de moineaux s’agitent en cœur, des bulles irisées éclatant tout alentour. Les ablutions terminées, ils rejoignent un arbuste tout proche et remettent en place leur plumage

Idem pour les bains de poussières, en fait un bain de terre ou de sable qui entretient leur plumage et les débarrasse de leurs parasites. Le bain est un comportement collectif et contagieux : un moineau commence et tous s’y mettent !

Moineau

Ils vivent toujours autour des habitations et avec leurs sautillement, leurs pépiements et piaillements, leurs chamailleries et palabres sans fin et même leurs sans gêne, ils apportent leur joie de vivre. C’est sans doute l’un des oiseaux les plus proches de l’homme. C’est pour cela qu’on l’appelle le moineau domestique. Il est apparu il y a plusieurs dizaines de milliers d’années au Proche-orient. Il a su profiter de la sédentarisation de l’homme qui, devenu agriculteur, lui fournissait une importante source de nourriture, notamment en hiver. Depuis, il nous suit partout. On est tellement habitué à sa présence, que, souvent, on ne le remarque plus mais il manque lorsqu’il est absent. C’est la nostalgie de leurs pierrots qui a poussé les Européens émigrés à les importer un peu partout dans le monde à partir de 1851, date de la première introduction à Brooklyn. Du coup, on les trouve quasiment partout dans le monde. Mais leur population sont en régression.

Moineau
Sur l’ensemble du territoire, la baisse des population de moineaux est estimée en moyenne à 17% mais dans les zones de grandes cultures comme la Beauce, ils ont quasiment disparus. C’est dans les grandes villes qu’il est le plus menacé. Une enquête conjointe entre le centre ornithologique d’île de France et le muséum d’histoire naturelle vient d’être rendu publique : la baisse des populations de moineaux à Paris est de 73 % en treize ans, avec une accélération ces dernières années. Quant à Londres, il y a déjà longtemps que la city anglaise a perdu tous ses piafs.

Moinettes

Il y a plusieurs critères à cette hécatombe. La rénovation des bâtiments en est un. Elle fait disparaître les cavités où il niche. Le moineau  fait son nid dans un trou. Il aime les bâtiments un peu déglingués. Des tuyaux, la boîte des stores déroulants peuvent rapidement devenir de vraies HLM à pierrots. Il existe pourtant des solutions. À la gare Montparnasse où la rénovation a intégré des cavités artificielles, les moineaux sont toujours là. Les britanniques et les hollandais intègrent maintenant systématiquement le maintien de cavités dans les bâtiments rénovés.  

Parmi les autres critères, une équipe de chercheurs du Centre d’études Biologique de Chizé qui travaille sur l’impact de l’urbanisation sur les oiseaux a mis en évidence les effets de notre malbouffe sur la survie de nos petits pierrots. De fait, pour une bonne croissance, les oisillons ont besoin de protéine de bonne qualité  or vu que les insectes disparaissent à vitesse grand V, les parents nourrissent leurs petits avec ce qu’ils trouvent. Dans les villes, ce sont nos restes de hamburgers et autres mets du fast food plein de sucres et de graisses.

Moinillon

A cause de la perte de nourriture de qualité au moment de la croissance des jeunes, peu d’entre eux arrivent à l’âge adulte. Ainsi le renouvellement de l’espèce n’est plus assurée. De fait, l’étude a comparé des populations rurales et des populations urbaines. Résultats : les moineaux des villes sont plus petits (de – 5 à – 10 %), moins gros (26 g contre 28 en moyenne) et… plus gras (2,5 contre 1,9).

Couple de moineaux

Le moineau a besoin de buissons, de lierres où se cacher mais la tendance est à leur suppression. Par ailleurs, avec le réchauffement climatique, les agriculteurs pratiquent de plus en plus le semis d’hiver. Du coup, c’est une manne qui disparaît au printemps. Pour aider nos amis les pierrots, une solution est d’entretenir la diversité dans son jardin. Les moineaux sont des auxiliaires utiles : en période de nidification, ils chassent les insectes. Vu qu’un couple de moineaux peut faire de 3 à 4 portées par an, ce n’est pas négligeable.  Plus de consommation locale, moins de bouffe industrielle, aideraient les piafs des ville à survivre et l’agriculture urbaine, presque toujours mené en bio, permettrait le retour d’insectes nécessaire pour subvenir aux besoins de nourriture des jeunes.


6 juillet 2018 © Danièle Boone –
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