Connaissez vous la musicienne de la forêt ? Cette petite grive donne le ton, perchée en haut d’un arbre. Les autres oiseaux, grimpereaux, roitelets, troglodytes, rougegorges l’accompagnent. C’est l’enchantement des chœurs d’oiseaux à l’aube qui saluent l’arrivée du jour qui malheureusement se fait plus discret chaque année.
☞ Notre petite musicienne enchaîne les motifs et répète plusieurs fois la même mélodie. Des scientifiques de l’université de Vienne en Autriche ont découvert que cet oiseau maîtrisait parfaitement le concept de série harmonique agréable à l’oreille et couramment utilisé par les humains. D’abord le son de base à une fréquence donnée, puis un son au double de cette fréquence, puis au triple et ainsi de suite.
Sa voix porte loin. Comme pour beaucoup d’espèce, c’est le mâle qui chante pour marquer son territoire et pour séduire sa belle. La grive est aussi capable d’imiter d’autres oiseaux. C’est une coquine qui se moque parfois de son cousin le merle. Grives et merles appartiennent en effet à la même famille des turdidés qui compte aussi le rougegorge, un autre maître chanteur !
La musicienne a une particularité : elle sait casser la coquille des escargots pour en extraire le corps mou dont elle est friande. Lorsqu’elle a trouvé un de ces gastéropodes, elle le transporte jusqu’à une surface dure, une pierre, du béton ou une racine et elle le pilonne jusqu’à l’écrasement. La bonne forge, elle y revient régulièrement et on y trouve des entassements de coquilles brisées. Une étude polonaise réalisée entre 2011 et 2017 a montré que d’autres oiseaux profitaient du travail de la musicienne. Les restes des coquilles d’escargots constituent une source de calcium, élément essentiel pour le développement du squelette, la coagulation du sang, la régulation du rythme cardiaque et surtout pour la formation de la coquille des œufs. Les chercheurs ont dénombré 54 autres espèces qui venaient visiter les forges spécialement en période de pré-ponte. Alors si vous découvrez l’une de ces forges, surtout laissez là en place pour tous les p’tits oiseaux !
Elle est la seule à savoir le faire. Le merle s’y essaie parfois mais sans succès. Il préfère de loin tenter de chaparder l’escargot préparé par sa cousine. Mais elle sait défendre son repas ! La grive consomme ces gastéropodes surtout lorsque les vers de terres ne sont plus accessibles, en hiver lorsque la terre est gelée et en été, lorsqu’il fait très sec. Elle se nourrit aussi d’insectes, de fruits tombés, de baies et de graines. Elle déguste les cerises en ne laissant que le noyau au bout de la tige. Elle sait aussi manger la chair rouge des baies d’if en évitant les graines empoisonnées.
Un jour l’une d’elle est venue utiliser la dalle en béton juste devant ma porte deux jours de suite. Lors de sa seconde visite, je l’ai photographié mais lorsqu’elle a entendu le bruit de l’appareil photo, elle a lâché son escargot, s’est enfuie et n’est plus revenue. L’oiseau craintif contrairement aux grives anglaises. Tout simplement, parce qu’elles ne sont pas chassées contrairement à chez nous. C’est l’oiseau de passage le plus tiré après le pigeon ramier notamment dans le sud. Cette migratrice partielle qui vient chercher de meilleures conditions hivernales est notamment l’une des vicimes de la chasse à la glu. Cette pratique traditionnelle très cruelle a été enfin interdite mais juste pour cette année. Alors comme une grive peut vivre une dizaine d’année, chez nous, elle mémorise bipède = danger. Et peut-être même que cette crainte se transmet d’une génération à l’autre.
Au moins, j’espère que ce texte vous aura convaincu de ne plus manger de pâté de grives. Certains restaurateurs étoilés en ont encore sur leur carte. Honte à eux ! En effet, si la grive musicienne connaît actuellement une stabilité de ses populations, sur les cinquante dernières années, ses effectifs ont diminué de 25 %.
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21/12/2020 © Danièle Boone