Sangliers – Géographies d’un animal politique

SangliersD’animal sauvage, le sanglier est devenu animal cynégétique, nous expliquent Raphaël Mathevert et Roméo Bondon, les auteurs d’un livre sur « la bête noire » paru aux éditions Actes sud, dans la très intéressante collection  « Monde sauvage ».

Ce changement de statut remonte aux années 1970. La responsabilité des chasseurs ne fait aucun doute. Lorsque le petit gibier (perdrix, lièvres, lapins) a commencé à disparaître à cause de l’agriculture industrielle et l’utilisation massive des pesticides, il était urgent de proposer aux chasseurs potentiels du gibier à tirer. Pourquoi pas du gros, sangliers et cervidés ?

L’idée a fait son chemin et tout a été fait pour que ce gros gibier se multiplie. La réussite a été au-delà de leurs espérances puisque, aujourd’hui, le « cochon » est partout. L’évolution du nombre des animaux abattus annuellement sur l’ensemble du territoire est significative : 35 000 individus au début des années 1970, 800 000 en 2020 « soit une multiplication par 23 en cinquante ans », soulignent les auteurs. Une augmentation qui pose question d’autant qu’une telle évolution est tellement « contraire aux tendances observées pour la plupart des espèces sauvages aujourd’hui. »

☞ Tout a été  bon pour arriver à un tel résultat : préservation des géniteurs et des femelles, élevage, croisement avec les cochons domestiques, importation. Opération réussie au-delà de toute espérance puisque, aujourd’hui, les chevreuils et surtout les sangliers pullulent au point d’être un réel problème pour l’agriculture et la foresterie et un casse-tête pour les chasseurs qui n’arrivent plus à gérer l’espèce d’autant que les indemnisations sont à leur charge. En effet, dans les années 1970, pour pouvoir gérer l’espèce comme ils le souhaitaient, c’est à dire la multiplier, ils se sont engagés dans ce sens. Ils ont bien tenté un recours pour changer ces règles préalablement établies mais sans succès.

Les sangliers sont partout même dans les espaces urbains. Ils sont devenus un enjeu public au-delà des instances du monde cynégétique d’où le sous-titre de l’ouvrage. Que faire ? Les auteurs préconisent une gestion adaptative pour répondre à l’évolution des situations localement – la menace de peste porcine africaine (PPA) est un réel enjeu sanitaire – de façon à respecter l’autonomie et la diversité des modes d’existence de la faune sauvage. Mais la position des chasseurs restent ambiguë : ils régulent certes mais dans le souci permanent de préserver la ressource attractive et limiter l’érosion du nombre de chasseurs qui eux, veulent avoir beaucoup de gibier à tirer !

Entre chaque chapitre, Raphaël Mathevert et Roméo Bondon proposent un cours texte « à la hauteur de l’animal », une tentative de percevoir le monde à la manière de ces animaux dont le comportement reste encore finalement assez méconnu malgré les progrès des scientifiques qui disposent désormais de nombreux outils (GPS, pièges photos, etc.) pour affiner les connaissances. Ce livre qui fait le point est assurément un ouvrage essentiel qui vient combler un vide sur ce sujet épineux devenu réellement politique.

Ce livre de Raphaël Mathevet et Roméo Bondon, tous les deux géographes, qui fait le point sur le « problème sanglier »en France est assurément un ouvrage essentiel qui vient combler un vide sur ce sujet épineux devenu réellement politique.

Sangliers – Géographies d’un animal politique, par Raphaël Mathevet et Roméo Bondon, Éditions Actes Sud – Monde sauvage, 208 pages, 22€  – www.actes-sud.fr

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17/01/2023 © Danièle Boone