TTIP/TAFTA : négociation déloyale

L’union européenne a autorisé hier l’importation et la commercialisation de dix-sept OGM destinés à l’alimentation humaine ou animale et de deux œillets transgéniques. L’autorisation a pris effet immédiatement et vaut pour dix ans. Elle survient au lendemain du neuvième cycle de négociations du Traité Transatlantique, TTIP ou TAFTA, qui a eu lieu à Washington du 20 au 24 avril! Un hasard? Permettez-moi d’en douter. Ces autorisations étaient en suspens car les États membres n’étaient pas parvenus à constituer une majorité pour ou contre leur commercialisation. En effet, jusqu’à maintenant, la Commission autorisait les OGM après avis de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) mais elle se retrouvait systématiquement bloquée par les 19 états anti OGM dont la France. Un tour de passe-passe juridique fait que désormais les états membres pourront interdire leur utilisation sur leur territoire! Cela pourrait, au premier abord, sembler un avantage. Auparavant, les pays opposés devaient prendre des clauses de sauvegarde ou des mesures d’urgence pour des motifs environnementaux et sanitaires. De fait, ce soi-disant droit tout neuf des États pourrait bien être un leurre. Ces OGM étant autorisés en Europe, il sera quasiment impossible de contrôler leur entrée dans un pays. Ce n’est pas la peine d’être un phénix pour comprendre, par exemple, que la viande des animaux élevés avec des aliments transgéniques dans des pays moins regardant se retrouvera forcément dans tous les supermarchés européens!

☞ Parmi ces 19 nouveaux OGM qui viennent s’ajouter aux 58 déjà autorisés, onze sont élaborés par Monsanto. « Cette décision de Mr Junker, président de la Commission Européenne, confirme qu’il n’a pas l’intention de rapprocher l’Europe des citoyens. Il se rapproche en fait des États Unis et de Monsanto » a commenté Greenpeace. José Bové rajoute que Junker « fait une concession majeure pour faciliter la signature de libre échange avec les USA, les OGM en étant une des pommes de discorde. »

Un traité à contre courant

Pour rappel, le 14 juin 2013, la Commission européenne a obtenu un mandat de la part de tous les États membres pour négocier un accord commercial avec les États unis sans que les Européens aient été consultés. La manne est fabuleuse puisque cet immense marché concerne 800 millions de consommateurs et représente 46% du PIB mondial. Mais pour en permettre la création, il faut parvenir à une convergence entre les normes américaines et les normes européennes. L’Europe affirme qu’elle gardera ses lignes rouges à ne pas dépasser mais il est probable que les Américains n’accepteront pas de remonter l’exigence des leurs. Exemple souvent cité, le poulet lavé au chlore est autorisé aux États unis et interdit chez nous. Après la signature, nous risquons fort d’avoir nous aussi dans nos assiettes du poulet lavé au chlore. Il est, en effet, fort probable que le nivellement des normes sociales, économiques, sanitaires, culturelles et environnementales se fasse par le bas. Et, avec ce traité, aucun retour n’est possible. Une norme allégée ne pourra plus être revue à la hausse mais seulement encore davantage à la baisse. Le seul but de toutes ces grandes manœuvres est la mise en place des règles commerciales de demain en réduisant au maximum tout ce qui pourrait freiner le commerce tout azimut.

Des Politiques hors sol

Vu l’état d’esprit complètement hors-sol de nos gouvernants, entendez par là, totalement déconnecté de la réalité quotidienne et des souhaits des citoyens, on ne peut que se méfier de ce Traité transatlantique (TTIP ou TAFTA) négocié à huis clos. Bien sûr, il y a des fuites, orchestrées ou non. Ainsi, on sait que cet accord limiterait sans doute la capacité des gouvernements à légiférer dans certains secteurs comme la sécurité des travailleurs, l’environnement, la protection des consommateurs, la santé publique. Le traité permettrait, en effet, aux entreprises de poursuivre un pays si elles estiment que leur activité commerciale est malmenée par une législation. Des tribunaux arbitraux trancheraient les conflits entre entreprises et états. L’été dernier, en réaction à la montée de l’opposition au TAFTA et plus particulièrement à cette clause sur l’arbitrage, la Commission a lancé une consultation mais aujourd’hui, elle fait comme si l’opposition massive des citoyens européens n’existait pas. La Commission a également refusé d’enregistrer la pétition ayant recueillie plus d’un million de signatures, lui demandant de mettre fin aux négociations sur TAFTA. Mais, lorsqu’il s’agit d’entendre les voix des lobbies si représentés à Bruxelles, elle est toute ouïe. L’autorisation concernant les OGM octroyée ce vendredi 25 avril est une nouvelle preuve que les dés sont jetés et que la voix des citoyens compte pour du beurre.

Le miroir aux alouettes

Le Traité transatlantique fait naturellement miroiter une relance économique et la création d’emplois. Mais, aucune ouverture à la concurrence n’a tenu ces promesses par le passé. D’ailleurs, il est facile de constater que notre société crée de plus en plus de pauvreté. De plus, cet accord est  négocié en dehors du cadre commercial multilatéral par les pays les plus favorables à la libéralisation. Les cinquante pays signataires ne cachent pas leur volonté d’entraîner (imposer?) le reste du monde dans cet accord une fois finalisé. Derrière ces grandes manœuvres, il y a aussi la volonté d’affaiblir les pays émergents, tout particulièrement les  BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) qui sont pour l’instant exclus des négociations. Nous sommes donc, encore une fois, face à une guerre de ce capitalisme qui fonce dans le mur, droit devant et à toute vitesse, car nous savons maintenant que ce système ne peut qu’imploser. En fin de course, le traité devra être soumis au parlement européen, seule entité à pouvoir y mettre son véto, et dernier espoir de la démocratie!


A lire :
Docteur TTIP et Mister TAFTA – que nous réserve vraiment le traité transatlantique Europe/États Unis?
par Maxime Vaudano.
Éditions les Petits matins, 12 €




25/04/2015 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation