Ubu au Chautay : l’école en danger

Vierge de douleur dans l’église Saint Saturnin du Chautay, image à méditer ! © Danièle Boone

Le Chautay est un village dans l’est du département du Cher. Les maisons entourent une magnifique église romane. La commune a bien d’autres atouts : une demeure seigneuriale médiévale, un moulin, un ancien four à chaux, le canal du Berry, une forêt, des étangs et surtout une école.

Cette petite école comme autrefois est une classe unique de 11 élèves. La maîtresse, qui fait un boulot extraordinaire, veille à l’épanouissement de chaque enfant, développant une vraie solidarités entre eux, les plus grands aidant notamment les plus petits. Résultat : des enfants vifs, bien dans leur peau, qui aime l’école. Pas d’échec scolaire. Oui mais une école avec onze élèves, ce n’est pas rentable, pire ça coûte notamment à la commune. Mais se battre pour garder une école dans un village, c’est aussi se battre pour maintenir la vie de ce village et pour le respect des valeurs républicaines et universelles véhiculées par l’école.

☞ Sur l’année scolaire 2023-2024, la mobilisation des parents d’élèves et du conseil municipal avait permis de surseoir à la fermeture de la classe. Oui mais voilà, nouvelle tentative cette nouvelle année et là, la mairesse annonce être pour la fermeture de l’école. Nouvelle mobilisation. Le conseil municipal vote pour le maintien de l’école – 4 voix contre 3. Le soulagement fut de courte durée puisque la nouvelle est tombée : l’éducation nationale a décidé de laisser l’école du Chautay administrativement ouverte… mais sans affecter un enseignant pour septembre 2025. Cela s’appelle un « retrait de poste ». La décision du conseil municipal est ainsi respectée mais les services de l’État n’affectent pas de professeur à la rentrée. Comment l’administration peut-elle prendre une décision aussi paradoxale, aussi ubuesque ? Définitivement, le ridicule ne tue pas !

Une association, Amicale Solidaire des Ecoles Publiques Rurales – Le Chautay, vient d’être créée. Elle portera un recours judiciaire au tribunal administratif. La cotisation sera libre avec un minimum de 11 € (11 élèves). On peut soutenir cette lutte qui, symboliquement, va bien au-delà du combat local, en adhérent à l’association quel que soit son lieu d’habitation. Un financement participatif va également être lancé pour financer notamment les actions en justice. Je ne manquerai pas de vous tenir informé dès que cela sera possible.

La bataille des parents d’élèves et de certains habitants du Chautay s’inscrit clairement dans la lutte des ruraux pour conserver les moyens de pouvoir continuer à vivre dignement dans les villages. Est-il besoin de rappeler la désertification administrative dans l’ensemble des campagnes françaises.? Poste, gendarmerie, impôt… tous les services de proximité sont fermés les uns après les autres et toujours plus loin des gens, ceux qui vivent là, ceux qui les utilisaient, ceux qui en ont besoin. Et je ne parle pas du monde médical. Impossible de trouver un médecin généraliste ou spécialiste lorsque le sien part en retraite ! Donc cette bataille pour l’école du Chautay est aussi symbolique. Maintenir la vie d’un village, permettre à de jeunes parents de venir s’y installer, etc…

Pendant ce même temps, va se développer un parc photovoltaïque au sol sur cette même commune du Chautay, détruisant une partie de la forêt, créant une rupture des couloirs écologiques donc mettant à mal la biodiversité d’une zone encore très riche. En prospectant à la recherche de l’engoulevent, j’y ai vu des barbastelles d’Europe, grosses chauves-souris forestières, venir tourner autour de nous par simple curiosité pour savoir qui étaient ces bipèdes qui se promenaient la nuit ! Parmi les nicheurs possibles, on suspecte le milan royal, un rapace magnifique, rare dans le Cher. Et je ne parle que des espèces relativement rares.

La mairesse semble-t-il souhaite transformer l’école en auberge ! Mais a-t-elle conscience de ce qui peut faire l’attrait de son village est en train d’être détruit ? Partout en France, nous assistons à un massacre de la ruralité à marche forcée avec la suppression de tous les services et de notre environnement, biodiversité et paysage, au prétexte des énergies renouvelables. En réalité, c’est le triomphe de l’industrie, de l’argent et donc du capitalisme. Nous assistons à un nouveau remembrement imposé par le haut qui détruit ce qui reste de vivant dans notre monde de plus en plus artificialisé, de plus en plus hors sol.

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26 mars 2025 © Danièle Boone