Tout a commencé, il y a quelques semaines, au Festival International du Film d’Environnement, lorsque j’ai vu Le Peuple invisible, le dernier film de Richard Desjardins sur les Algonquins, des indiens du Québec. Il y a deux siècles, ils occupaient un immense territoire, mais à l’image de leur mode de vie ancestral, il est aujourd’hui réduit en miettes. Ce documentaire est bouleversant notamment avec les témoignages de la déculturation forcée – les enfants étaient séparés de leur famille et mis dans des pensionnats catholiques où beaucoup ont souffert de maltraitance. Stephen Harper, le Premier ministre du Canada a présenté, le 10 juin 2008, les excuses de son pays aux peuples autochtones pour les sévices subis dans les pensionnats canadiens durant un siècle reconnaissant que depuis la fin du XIXe siècle jusqu’en 1969, environ 150 000 enfants autochtones avaient été arrachés à leurs parents et conduit dans des orphelinats religieux où ils ont subi des agressions sexuelles et psychologiques. Une jeune québécoise, présente dans la salle était atterrée. « En une heure et demie, j’ai appris plus sur l’histoire de mon pays qu’à l’école. Il faudrait refaire les manuels scolaires.»
Moi-même j’étais remuée comme à chaque fois que je me retrouve face à un témoignage de la prédation occidentale. Je comprends alors le mépris avec lequel de plus en plus de peuples nous regarde. La haine de l’Occident, le dernier livre de Jean Ziegler est de ce point de vue remarquable. Mais je m’éloigne des paroles indiennes quoique lors de son analyse de l’arrivée au pouvoir en Bolivie d’un président Indien et de ses premiers résultats économico-politiques, nous sommes en plein dedans.Le discours d’investiture de Evo Moralès Aïma, le 21janvier 2006, à Tiwanaku, la cité sainte des peuples andins, a marqué, de fait, la fin de l’ère coloniale en Bolivie, pays où 64% de la population est indienne. Nous changerons les politiques économiques qui ne contribuent pas à améliorer la situation des majorités nationales. A ce stade, nous sommes convaincus que concentrer le capital en un petit nombre de mains n’est en aucun cas une solution pour l’humanité. En 6 mois, Moralès a réussi à négocier le contrôle des champs pétroliers et des mines. Résultat: 82% des bénéfices reviennent désormais au trésor bolivien. Avant, les compagnies étrangères en raflaient 95%. Ce pillage de ses ressources naturelles acculait la Bolivie à survivre: c’était alors le deuxième pays le plus pauvre de l’Amérique Latine après Haïti. Depuis, cet argent légitime est prioritairement utilisé pour la lutte contre la sous-alimentation, la santé et l’alphabétisation. Mais pas d’angélisme, malgré le rétablissement de la souveraineté énergétique, premier et immense pas du rétablissement d’une Nation bolivienne souveraine, le chemin à parcourir reste long et les chausses-trappes sont nombreux.
Et puis, un matin, il y a une quinzaine de jours, j’ai trouvé dans ma boîte au lettre un livre, La dernière charge, écrit par Jean-François Le Texier, un de mes anciens collègues. Il y raconte la bataille de Little Big Horn au cours de laquelle le Général Custer et tous ses hommes ont trouvé la mort. On y retrouve des personnages historiques, Sitting Bull et Crazy Horse, les chef Sioux, Calamity Jane… mais surtout, il a inventé deux beaux et généreux personnages, Louis de Serk et sa sœur Elena qui se retrouvent au cœur de la bataille. J’ai dévoré ce livre et félicité son auteur pour son talent de conteur. Ce premier roman ferait un joli scénario pour un film. Je n’avais pas encore bien réalisé combien ces paroles indiennes faisaient résonance dans mon cœur attristé par l’ordre déplorable du monde exacerbé par la crise financière mondiale.
Et puis, mercredi 24, j’ai fini par acheté l’Écologiste sorti il y a déjà quelques semaines et dont le dossier « Une vision du monde pour aujourd’hui » est consacré aux Peuples premiers. J’avais tardé mue par une crise d’avarice un peu obligée ces temps-ci – 6 € le numéro – mais finalement c’est la seule revue que je lis toujours de A jusqu’à Z, ce que j’ai fait hier. Pour la petite histoire, je devais rejoindre ma famille en Normandie pour le déjeuner de Noël mais arrivée à la gare Saint-Lazare, aucun train. La grève dont, d’ailleurs, on n’a pas entendu parlé ni à la radio, ni aux différents J.T. où le message général était Noël = partage ! Partage ou consommation ? Bon je m’éloigne encore des paroles indiennes. Donc, je suis rentrée dans mon immeuble où tous les habitants semblaient s’être donné le mot pour aller fêter la naissance de Jésus ailleurs et j’ai passé une journée de calme absolu. Pas un tél., juste quelques SMS dont une hotte de bisous qui m’a touchée au fond du cœur. Dans un état de paix et de sérénité, j’ai donc lu l’Écologiste. Et voilà, que je me suis laissée tout particulièrement interpellé par l’un des articles sur les indiens de Guyane. En octobre, j’avais vu La fièvre de l’or, un excellent documentaire réalisé par Olivier Weber qui m’avait rappelé ma propre enquête en 2004 sur la pollution au mercure des fleuves guyanais. L’Amazonie française semble bel et bien avoir été abandonnée aux chercheurs d’or et nous n’entendons pas (ou ne voulons pas entendre) les appels au secours des six ethnies amérindiennes qui vivent sur le territoire d’un pays qui est si fier de se dire le pays des droits de l’homme !
Mélancolique, j’ai reçu ces paroles indiennes et j’ai eu envie de m’en imprégner encore davantage. Alors, j’ai ressorti Pieds nus sur la terre sacrée, le magnifique livre où Terry Mc Luhan a rassemblé des textes indiens avec les photos de Edward S. Curtis. Dans sa préface, l’anthropologue écrit : « Il nous est maintenant facile, à nous qui ne sommes pas Indiens, d’éprouver rage et souffrance pour eux. Les Indiens morts ou vivants n’auraient témoigné que mépris et pitié pour de tels sentiments. Il est trop facile de ressentir de la sympathie pour un peuple dont la culture a été anéantie. Les extraits qui composent ce livre ont été rassemblés avec tout le respect et, j’espère, toute l’attention qui s’imposent si l’on désire qu’une fois encore des Indiens puissent faire entendre leur voix. Pour nous qui habitons aujourd’hui l’Amérique (on pourrait dire le Monde) il n’y a pas, c’est évident, d’avenir possible sans la découverte de ce qui nous entoure. Nous devons établir une relation durable avec la terre et ses ressources ; sans quoi la destructions des Indiens sera suivie de celle de la nature ; et la destruction de la nature précédera la nôtre. » Ce texte a été publié en 1971, soit, il y a 37 ans !
A Lire :
• Pieds nus sur la terre sacrée, éditions Denoël – Les citations ci-dessus en sont extraites.
• La dernière charge, Jean-François Le Texier, L’Harmattan
• La haine de l’Occident, Jean Ziegler, Albin Michel cf Interview – 20 mn
• L’Écologiste n° 27, automne 2008
A voir absolument:
• Le peuple invisible de Richard Desjardins cf bande annonce
• La fièvre de l’or, ce documentaire réalisé par Olivier Weber sorti en salle le 15 octobre est un état des lieux sans concession de ce qui se passe en Guyane. cf bande annonce
26/12/2008 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle est soumise à autorisation
Je viens juste de découvrir votre blog : j’étais à la recherche de photos sur le courant d’huchet lieu sur lequel j’ai eu la chance de pouvoir me rendre souvent. Avant de faire le moindre commentaire je vais lire attentivement vos divers articles.
Danielle
Bonjour
Confusion?
La citation de « Chiyesa » n’est t-elle pas plutôt de « Ohiyesa »écrivain amérindien connu 1858-1939 ?
Amicalemment
Pierre
———————————————————————————————————-
« N’étant pas spécialiste du monde indien quoique très admirative, j’ai vérifié ma source (Pieds nus sur la terre sacrée, éditions Denoël 1974, p. 112). Il s’agit bien de Chiyesa, un écrivain indien contemporain. Merci en tout cas pour votre vigilance. »