Pierre Gay, l’âme de Doué la Fontaine

Zoo de Doué-la-Fontaine

Au delà du lieu, magnifique dans des carrières ocres, le zoo de Doué la Fontaine, a développé toute une philosophie. Pierre Gay en est le maître d’œuvre. Le zoo a été fondé par son père en 1961. Depuis cette année, son fils François en est le nouveau directeur. Ainsi Pierre se consacre désormais à ses chers « projets nature » dédiés à la sauvegarde des espèces in situ.

Kata-Kata, rhinocéros noir

 

Kata vient de recevoir une touffe de genêt. Le grand mâle rhinocéros noir apprécie hautement cette gourmandise. Kata est arrivé à Doué-la-Fontaine en même temps que Jérémy, autre mâle. Pour accueillir les deux géants, François Gay, le fils de Pierre, architecte paysagiste, a aménagé un espace de 2 ha en une vaste plaine creusée de marigots et hérissée de pics de falun aux couleurs ocre. L’espèce est extrêmement menacée dans la nature et difficile à élever en captivité. Binti, une première femelle est venue rejoindre ces messieurs, et tout récemment, début août, est arrivée Tisa, une deuxième femelle. L’espoir bien sûr, c’est que deux couples se forment et que des bébés arrivent!

Pierre Gay au zoo de Doué-la-Fontaine

Le public s’est rapidement arrêté pour écouter les explications que me donnait Pierre sur ses rhinocéros. La discussion est partie bon train. Il y avait là un homme avec ses petits enfants qui connaissait le zoo depuis très longtemps. Quelques questions et les souvenirs affluent. Pierre a un sens inné de la communication. Le voilà parlant de son père, le fondateur, qu’il admire profondément, son enfance au milieu des animaux comme une évidence, et puis la décision paternelle autoritaire qui a décidé pour lui une carrière au zoo. Très vite, il s’éloigne de la collection classique pour s’intéresser notamment à ce qui se passe outre-manche. Un certain Gérald Durell a créé à Jersey un zoo où ce qui importe avant tout, c’est l’animal pour lui-même. Révélation.
Pierre adore voyager notamment pour observer les animaux dans la nature. Il découvre alors de ses propres yeux, certains comportements comme cette habitude des lions à prendre le soleil en trônant sur un rocher plat. De retour à Doué la Fontaine, il décide de sortir ses pensionnaires du béton aseptisé, leur donne de l’espace et surtout la possibilité d’assouvir des besoins naturels comme la simple possibilité de se cacher. Et tant pis si le visiteur ne les voit pas. A l’époque, cette façon de penser d’abord à l’équilibre et au bien-être de ses pensionnaires est révolutionnaire. Pierre est un pionnier en France. Très vite, d’autres zoos suivent son exemple. Les espaces sont aménagés de façon à ce que les animaux puissent bouger et les soigneurs inventent mille astuces pour faire en sorte qu’ils ne s’ennuient plus. C’en est bien fini du lion qui tourne en rond derrière les barreaux d’une cage exigüe. Et pour bien marquer la différence, ces nouveaux zoos s’appellent le plus souvent parcs animaliers.

La soigneuse nourrit les manchots de Humboldt et explique qui ils sont au public

De fait, cela va beaucoup plus loin. Le zoo n’est plus seulement un lieu où l’on vient voir le plus d’animaux possibles et les plus spectaculaires mais des conservatoires d’espèces menacées. Ils participent notamment à des programmes européen d’élevage (EPP). Le but est de mettre sur pied des plans de reproduction en captivité afin de créer un réservoir génétique qui, le moment venu, permet de réintroduire les espèces en voie de disparition dans leur milieu naturel.
Le zoo est également devenu un lieu d’éducation à l’environnement. Au moment des repas, les soigneurs expliquent tout sur l’espèce (manchots de Humboldt sur la photo), leur situation démographique et les actions menées pour leur sauvegarde.

Mais Pierre Gay a la passion d’aller toujours plus loin: il a donc voulu participer aussi à la sauvegarde des espèces in situ. Le cas des girafes blanches au Niger est exemplaire. Elles doivent leur nom à la couleur de leur robe extrêmement claire, presque laiteuse chez les girafons. Avant, on les trouvait dans toute l’Afrique occidentale. Aujourd’hui, elles ne subsistent plus que dans la région de Kouré, au sud de Niamey, la capitale du Niger. Elles vivent dans la savane en contact direct avec les hommes et les animaux domestiques qu’elles côtoient pacifiquement. Les villageois fiers de leur présence aiment les faire découvrir aux visiteurs. Mais tout n’a pas été si simple…

Girafes

A la suite de la grande sécheresse de 1976 qui en décimé un grand nombre, les agriculteurs, pour nourrir leur famille, ont surexploité la terre, défrichant toujours davantage, empiétant de plus en plus sur le territoire des girafes. Ces dernières, du coup, attaquaient les cultures et étaient considérées comme des animaux nuisibles à abattre.
L’Association de sauvegarde des girafes du Niger (ASGN) a vu le jour en 1994 bénéficiant d’aides internationales. De 2001 à 2008, elle est entièrement financé par le zoo de Doué la Fontaine. Seule condition: la responsabilisation des populations locales. Réparation des puits, construction des moulins à mil, formation d’écoguides, reboisement et financement de micro crédits. Plus que jamais, Pierre Gay est convaincu que la sauvegarde de la biodiversité ne peut se faire que si l’on aide d’abord les hommes. « Quand le ventre est plein, la tête peut fonctionner. »

Omar, sculpteur nigérian

Chaque année, Pierre fait venir à Doué la Fontaine, des artisans comme Omar, le sculpteur nigérien de la photo. Ils sont à la fois les ambassadeurs de leur pays et des animaux qui y vivent. L’argent de la vente des objets réalisés devant le public tout comme celle des objets proposés tout au long de l’année dans la boutique, est reversé aux associations locales.

Sieste des loutres géantesC’est pour cette philosophie et cette façon d’agir, que j’ai eu envie de le rencontrer et de découvrir son zoo. Et je n’ai pas été déçue. Sa seule règle en matière de choix d’espèces est, dans la mesure du possible, de pouvoir présenter au public tous les animaux dont le zoo soutient la sauvegarde in situ.
Parmi les derniers arrivés, Yucana et Diego, un couple de loutres géantes installées dans un parc de 800 m2. Doué la Fontaine est le seul site en France où l’on peut admirer cette espèce très menacée. C’est une autre belle histoire pour une prochaine fois…blanc

A lire:
gay-livre.jpg

Pierre Gay, Des zoos pour quoi faire?
Pour une nouvelle philosophie de la conservation.
Editions Delachaux et Niestléblanc

blancPour aller à Doué-la-Fontaine par les transports en commun: train jusqu’à Saumur puis bus jusqu’au zoo.

Pour en savoir plus: www.zoodoue.fr

23/08/2008 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte ou des photos est soumise à autorisation

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6 réflexions sur « Pierre Gay, l’âme de Doué la Fontaine »

  1. J’ai eu le privilège de rencontrer et de discuter avec Monsieur Pierre GAY lors de ma visite au Bio Parc à Doué la Fontaine.
    J’ai été passionné par la configuration du Bio Parc, un travail de professionnel, on sent l’immersion dans la nature en découvrant la diversité des animaux existants.
    En un mot, j’ai rencontré un grand homme qui aime et qui fait aimer la nature.

  2. J’ai eu la chance, que dis-je, le privilège de discuter hier avec Pierre GAY autour d’un café. Cet homme passionné et passionnant est un véritable livre ouvert. Il pourrait parler pendant des heures que je ne me lasserais pas de l’écouter. Je n’ai pas la prétention de le connaître mais il semble, malgré une vie exceptionnelle, aimer faire partager les petites choses simples de la vie. Mon parcours professionnel me conduit à passer quelques années à DOUÉ LA FONTAINE. Ma rencontre avec ce Monsieur restera gravé dans ma mémoire. Merci pour ce moment inoubliable !

  3. Bonjour
    J’espère que je ne vous dérange pas!
    Mais je voulais vous demander quelque chose. Existe-t-il des girafe complétement blanches?
    Si vous en trouvez vous pouvez m’en envoyer une photo si il vous plaît?
    Un grand MERCI!

    Estelle Flückiger

    —————————————————————————————————-
    Une girafe complètement blanche, cela voudrait dire qu’elle est albinos. Je n’ai jamais entendu dire qu’une telle girafe existe ou aurait existé mais je ne sais pas tout. D.B.

  4. Merci pour cet intéressant article.
    Je suis en train de terminer la lecture de ce livre passionnant et très instructif « Des zoos pour quoi faire ».
    Si Pierre Gay a contribué à renouveler l’image des zoos et de leurs directions, je dois avouer qu’a travers son livre il a aussi participé à renouveler l’image que je pouvais m’en faire !
    Je cherchais justement des photos du site pour me faire une idée plus précise des lieux dont il parle dans son livre. Merci donc pour cette page de blog.
    En tout cas, même si c’est un peu loin de Rennes, je crois que Doué sera le cadre d’une prochaine balade … sans doute avec mon petit fils !

    Amicalement

    Philippe

  5. Très Joli Blog, Moi Je Voudrais Faire Comme Vous, Soigneuse Animalière. Et Je tiens Beaucoup A Coeur Aux Disparition Des Animaux Sauvauges. Bisous Et Bonne Continuation ( Jolies Photos ).

  6. Bonjour Danièle, je suis allée directement sur ton blog, un moyen formidable pour faire apprécier au plus grand nombre tes messages et les magnifiques photos rapportées de tes reportages. J’ai eu l’occasion de rencontrer Pierre Gay plusieurs fois à Doué et ailleurs et je suis très sensible – comme toi – à sa façon dont il respecte les grands animaux et à l’hommage qu’il rend aux peuples qui les entourent.

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