Le vallon de l’Orgère est au cœur du parc national de la Vanoise. Son nom rappelle qu’autrefois, on y cultivait l’orge. Il n’est pas rare d’y rencontrer bouquetins et marmottes. Mais c’est sa forêt de pins cembro et de mélèze avec ses arbres pluri-centenaires qui en est le véritable trésor.
Dans le vallon de l’Orgère comme dans tout le parc national de la Vanoise, on rencontre des bouquetins. Cette super chèvre des rochers avait quasiment disparue. Il en restait une petite population côté italien, dans le parc du Grand Paradis. Grâce aux mesures de protection, ils sont revenus. Ces deux dernières années, une grosse chute de la population a été enregistrée. Ils sont ainsi passé d’environ 4000 individus à 2400. Maladie ou autorégulation ? Cela n’empêche pas les chasseurs de demander la possibilité de les chasser à nouveau !
Le saviez-vous ? On croyait les marmottes monogames mais Aurélie Cohas, biologiste française qui a mené l’enquête sur 15 ans, a pris les femelles en flagrant délit de galipettes réitérées hors du terrier conjugal. Grâce à des tests génétiques, la chercheuse a constaté que 15% des petits étaient conçus hors du couple officiel! Le plus étonnant, c’est que les marmottons adultérins ont une chance de survie accrue de 30 %. Ils s’imposent également mieux socialement et accèdent plus facilement au statut de dominant. De fait, madame Marmotte est une fine stratège. En s’accouplant avec un mâle solitaire hors du groupe, elle garantit à sa progéniture le renouvellement des gènes tout en s’assurant la présence de son compagnon légitime sur lequel elle peut compter pour s’occuper de sa tribu.
L’eau vive du torrent traverse une prairie fleurie qui accueille des dizaines de papillons. Cette année les belles-dames sont pléthores. Mais semi-apollons, petites tortues, damiers, argus, sont aussi au rendez-vous.
Sur le sol humide qui borde le torrent s’agglutinent une foule papillons de différentes espèces. Ils boivent sans doute mais se gorgent surtout des sels minéraux indispensables à leur bonne santé.
Les trolles d’Europe illuminent les prairies de fauche montagnarde de leur grosse boule d’or. Une légende raconte que ces fleurs se seraient fermées pour conserver le secret d’un amoureux mais en fait, c’est pour empêcher les abeilles, bourdons et autres gros insectes d’assurer sa pollinisation. Le trolle d’Europe se réserve exclusivement à une mouche. Celle-ci féconde la fleur, dépose ses œufs à l’intérieur de la corolle et leurs larves se nourrissent de graines. C’est une interaction mutualiste mais si l’une des deux espèces vient à disparaître, l’autre ne survit pas !
Ces jolies clochettes mauves aux pétales frangées sont les fleurs de la soldanelle, une plante de la famille des primevères qui apparaît à la fonte des neiges sur le bord des chemins ou sur les pelouses alpines. Comme le crocus, elle commence à germer, à respirer et à pousser sous la neige. Elle se fraye un chemin dans la neige et ses corolles se balancent parfois au-dessus du névé. Des analyses génétiques récentes ont montré que cette plante est originaire d’Asie centrale.
La belle couleur vert pistache de l’araignée courge (Araniella cucurbitana) lui permet de se confondre avec la végétation et de passer inaperçue des prédateurs. De fait, cette petite araignée est une grande stratège du camouflage. À leur naissance, en automne, les jeunes sont de couleur rouge brique puis virent au brun sale pendant l’hiver. La coloration verte apparaît au printemps, à l’âge adulte.
La forêt de l’Orgère est peuplée de pins cembro et de mélèze. Au petit matin, on entend les chevreuils aboyés et les cris éraillés des casse-noix mouchetés. Ces beaux oiseaux sont friands des graines des pins cembro. Ils en constituent des réserves mais comme ils oublient régulièrement certaines de leurs cachettes, ils participent à leur dissémination contribuant ainsi à perpétrer l’espèce. Ces arbres majestueux appelé arolles par les locaux, connaîssent une longévité exceptionnelle, jusqu’à 600 ans.
Après une bataille de plusieurs années, la forêt de l’Orgère vient enfin d’être classée. Sa protection semblait pourtant être une évidence. En la laissant vivre sa vie, elle devient aussi un conservatoire.
La végétation s’offre des formes extraordinaires, un grand moment esthétique pour le promeneur qui ose s’y perdre.
De fait, j’ai découvert cette somptueuse forêt en compagnie de Bernard Boisson, le spécialiste de la forêt primordiale, un guide exceptionnel donc et l’auteur de cette photo de moi en situation. La forêt primordiale, c‘est un concept de lui. Sachant que la forêt primaire (jamais modifiée par l’homme) n’existe pas ou très très peu, il est à la recherche des forêts non exploitées donc libre de pousser comme elles l’entendent. Ces forêts primordiales sont non seulement plein de poésie mais aussi de vie. Ce fut un très beau moment de nature.
Les livres de Bernard Boisson
La forêt primordiale, un très beau livre avec de superbes photos, Ed. Apogée, 2008
Nature primordiale, essai, Ed. Apogée, 2008
En savoir plus: Parc National de la Vanoise
Pour découvrir le vallon de l’Orgères et sa forêt, le refuge Porte de l’Orgères est la meilleure des bases. L’accueil est sympa et on y mange très bien.
06/07/2009 © Danièle Boone – Toute utilisation même partielle du texte et des photos est soumise à autorisation
Blog de présentation simple mais belle qui, je pense, devrait donner envie au lecteur d’aller voir le vallon de l’Orgères. Mais la présentation du livre de Bernard Buisson est un peu brève …