Archives par mot-clé : Océans

La longue route de Bernard Moitessier

C’est un livre mythique, un de ceux dont la lecture marque et transforme. Lorsqu’en 1968, le Sunday Times organise la première course en solitaire, sans escale, sans aide extérieure, ni ravitaillement, en doublant les trois caps – Bonne-Espérance, Leeuwin et Horn, ils sont neuf à se présenter au départ, dont Bernard Moitessier. Après avoir presque bouclé son tour du monde, il choisit de ne pas rentrer en Europe où il avait de grandes chances de terminer en vainqueur, et poursuit sa route. C’est, à l’époque, le plus long voyage en solitaire – 37 455 milles sans toucher terre – dix mois seul entre mer et ciel, avec les dauphins, les poissons volants, les oiseaux et les étoiles.

Dix mois face à l’essentiel, soi-même, sans miroir complaisant, dix mois à ressentir la mer, séduisante et paisible, furieuse et impitoyable, dix mois à vivre la frugalité dans son corps. Comment après tout ça revenir dans l’imposture de la société de consommation irrespectueuse du vivant ? « Le grand bateau est loin devant. Il n’a pas encore gagné cette course, mais si nous ne tenons pas le bord suicide, il la gagnera, c’est réglé d’avance. Et lorsqu’il l’aura gagner la planète sautera. Ou bien l’homme sera devenu un robot décérébré. Ou encore, ce sera les deux à la fois : l’homme robot téléguidé pullulera sur la Terre, et ensuite notre planète s’en débarrassera comme on se débarrasse de la vermine. (…) Et tout le cycle sera à recommencer, le Monstre aura gagné, l’humanité aura perdu. » Bernard Moitessier choisit donc de poursuivre. « La terre s’éloigne. Et maintenant c’est une histoire entre Joshua (son bateau) et moi, entre moi et le ciel, une belle histoire à nous tout seul, une grande histoire d’amour qui ne regarde plus les autres. »

Voilà pour l’histoire car le livre, c’est aussi un hommage à la beauté et un hymne au vivant. Bernard Moitessier parle certes de technique mais les non navigateurs, comme moi, n’en sont pas gênés. L’écriture est si belle, si vraie, si poétique. C’est un enchantement. Cette réédition est illustrée par de nombreuses photos car tout au long de sa course, Moitessier était aussi en mission pour le Sunday Times qui lui avait confié de la pellicule. Il a photographié et filmé notamment les oiseaux et mammifères marins. Il y a aussi des images avec son épouse Françoise, ses amis, durant la préparation… Et comble de raffinement pour ce très beau livre : c’est une vraie photo de Bernard sur son bateau Joshua qui est, non pas imprimée, mais collée sur la couverture.

La longue route – Seul entre mers et ciels de Bernard Moitessier, éditions Paulsen, 304 pages, 35 € – www.editionspaulsen.com

Le capitaine Paul Watson est libre

C’est avec soulagement et beaucoup de joie que j’ai appris la libération par la justice danoise de Paul Watson. Emprisonné au Groenland depuis cinq mois, le fondateur de l’ONG Sea Shepherd était menacé d’extradition au Japon pour ses actions contre des navires baleiniers. Il va pouvoir rentrer en France, où sa famille est installée.

Le capitaine Paul Watson est un héros international de la protection des océans. Il est mondialement connu par ses actions contre la chasse illégale des baleines, des requins, des bébés phoque et des thons rouges. Entre autres exploits, il a coulé la moitié de la flotte baleinière islandaise, éperonné et détruit des navires de pêche illégale dans le monde entier. C’est parce qu’il a empêché le Japon de pêcher la baleine dans le sanctuaire de l’Antarctique où il a sauvé 6000 baleines qu’il a été mis sur la liste rouge d’Interpol, pour «.conspiration d’abordage ». Ce mandat d’arrêt international émis par les autorités nippones court, hélas, toujours.

Paul Watson n’est pas un flibustier hâbleur mais un être doux et calme. En 40 années, il n’a jamais fait de victime, ce qui n’empêche pas ses détracteurs de le considérer comme un abominable terroriste. L’homme n’a que faire de ce qu’on pense de lui, uniquement préoccupé par l’avenir des océans. Il incarne la détermination tranquille : ne jamais rien lâcher ! Et il agit. Les résultats sont là : des massacres et des trafics illégaux ont été arrêtés et des millions d’animaux ont eu la vie sauve grâce à sa ténacité. Merci Capitaine !

Pour en savoir plus : seashepherd.fr

Nicole Aussedat s’en est allée

Elle n’était pas connue du grand public et pourtant c’était une grande dame, toujours en lutte, généreuse, attentive à l’autre, valorisant l’autre. Elle nous a quitté ce 5 mars emportée par une crise cardiaque à 63 ans comme son père, comme son frère, une fatalité familiale, une certaine forme d’injustice, enfin c’est comme ça que moi, pauvre petit être vivant, le ressent.

Après avoir été l’une des animatrices de la campagne présidentielle de Brice Lalonde en 1981, Nicole avait longtemps travaillé pour les Amis de la Terre. Elle défendait tout particulièrement le monde marin. Cette passion est née lors d’un tour du monde en bateau qui l’avait conduite sur l’île de Saint Barthélémy où elle avait créé une réserve naturelle marine. Ces dernières années, elle était chargée de mission au sein de la fondation américaine Pew Charitable Trusts qui avait ses bureaux à la Maison des Océans à Paris. C’était la seule lobbyiste, pour la bonne cause, que je connaissais. Une de ses dernières victoire : l’interdiction de la pêche électrique votée par le parlement européen en janvier 2018. A cette occasion, elle m’avait envoyé un mail rayonnant de joie. Nicole, tous les océans et leurs habitants te pleurent et moi aussi.

La mer poubelle

Des océanologues ont découvert une nouvelle accumulation de déchets dans l’océan. Une première « poubelle » avait été trouvée dans le Pacifique en 1997. Cette fois, c’est dans l’Atlantique. Les déchets aboutissent à cet endroit par les effets de courants qui s’enroulent. Du coup, les objets, essentiellement des plastiques, ne peuvent plus s’en échapper. On appelle cela une gyre. Polyéthylène, polypropylène, mousse polystyrène et autres molécules courantes sont présents jusqu’à au moins dix mètres de profondeur. Mais le plus impressionnant est la taille de cette « décharge » aussi grande en superficie que l’état du Texas. Le gros ennui est que ces fragments de plastique fonctionnent comme des éponges. Ils accumulent des polluants organiques persistants. Les principales victimes de cette pollution sont les animaux marins mais qu’on ne s’y trompe, par les effets de la chaîne alimentaire, l’homme n’est pas à l’abri! Les scientifiques pensent qu’il existe trois autres gyres, dans l’Atlantique et le Pacifique sud et dans l’océan Indien. Il est impossible d’envisager un nettoyage, les débris étant trop nombreux et trop fragmentés. Encore une fois, nous sommes devant une urgence dont trop de monde se contrefout: il faudrait cesser immédiatement de continuer à prendre l’océan pour une poubelle. Je lisais hier que la majorité des religions voit en l’eau un moyen de purification alors que le chamanisme notamment celui d’Asie centrale, déconseille toute ablution et autre bain purificateur par crainte de souiller l’eau! Il serait peut être judicieux de faire nôtres quelques unes de ces croyances si respectueuses du vivant!

Pour en savoir plus voir l’article du Monde.